Situé sur les rives du fleuve Bouregreg, à quelques minutes des centres-villes de Rabat et de Salé, le complexe d'Oulja s'étend sur plusieurs hectares et a longtemps été un bastion de l'artisanat traditionnel marocain. Ce site emblématique, qui regroupe des ateliers de potiers, dinandiers, vanniers et autres créateurs, est le témoin vivant d'un savoir-faire ancestral. Cependant, le complexe est actuellement en cours de démolition, une situation qui suscite une vague de nostalgie et d'inquiétude parmi ceux qui ont vu ce lieu unique évoluer au fil des décennies. Depuis des générations, Oulja est le cœur battant de l'artisanat marocain, où chaque rue résonne du cliquetis des outils et des échanges passionnés entre artisans. Mais aujourd'hui, ce joyau culturel est menacé par un processus de démolition qui laisse les artisans et leurs familles dans une situation de désespoir. « Je travaille ici depuis 1988, potier de père en fils. Nous avons été surpris ces derniers jours par les autorités locales qui ont interdit l'accès au site et commencé à démolir les boutiques sans justification« , explique un artisan affecté dans une déclaration à Hespress FR. Il poursuit, « En tant qu'artisan traditionnel, où vais-je aller ? À mon âge, je ne peux pas changer de métier. Les autorités doivent prendre en compte le sort des artisans et des employés. Plus de 700 personnes travaillent ici, avec chacune une famille à nourrir. Qu'allons nous devenir ?« , se demande t-il. Les artisans soulignent que, malgré leurs appels aux autorités, aucune solution concrète n'a été proposée. « Nous avons essayé de parler à des responsables, mais on nous dit simplement de partir avec nos affaires. Nous appelons maintenant le Roi Mohammed VI à intervenir pour résoudre cette situation« , ajoute-t-il avec une touche d'espoir mêlée à une profonde inquiétude. Une relocalisation malvenue Les autorités ont proposé de déplacer les artisans vers la ville de Salé, mais cette solution semble loin d'être idéale pour les artisans. « On nous a dit d'aller voir les magasins à Salé, mais personne n'est parti« , raconte un autre artisan dans une déclaration à Hespress FR. « Les responsables de l'Association nous ont dit de rester à Oulja, mais deux jours plus tard, tout le monde a dû déménager à Salé sans explication. Même des artisans de renom ont dû se résigner à cette décision« , explique notre interlocuteur. Ainsi, les artisans déplorent également l'insuffisance des compensations financières. « On nous propose 250 dirhams pour notre terre de 6000 mètres carrés, alors qu'on nous avait précédemment proposé entre 10.000 et 15.000 dirhams. C'est inacceptable« , ajoute un autre artisan impacté. Pour les artisans d'Oulja, cette démolition représente non seulement la perte de leur lieu de travail, mais aussi le déchirement de leurs racines culturelles. « Nous avons travaillé dans l'artisanat pendant 30 ans et maintenant, nous nous retrouvons sans rien« , affirme un autre artisan dans une déclaration à Hespress FR. « Nous avons élevé nos enfants avec ce métier, et maintenant nous sommes expulsés. Que faire ? Recourir à des actes illégaux ? Nous risquerions la prison, laissant nos enfants dans la rue. J'ai des marchandises d'une valeur de 90.000 dirhams. Où vais-je les emmener ? À qui puis-je les vendre ?« . Appel au Roi La situation actuelle d'Oulja représente une crise à la fois économique et culturelle. Les artisans, qui ont fait de ce lieu un centre vital de l'artisanat traditionnel marocain, se trouvent aujourd'hui en proie à l'incertitude et au désespoir. L'appel à l'aide du Roi Mohammed VI reflète le désespoir de ces artisans et leur désir de voir leurs voix entendues avant que ce chapitre crucial de l'histoire artisanale marocaine ne se ferme définitivement. La nouvelle Cité de l'artisanat et de l'Art L'Agence pour l'aménagement de la vallée du Bouregreg a récemment dévoilé un projet ambitieux : la création d'une Cité de l'artisanat et des arts à Salé, qui s'étendra sur 13 hectares. Ce projet, qui marque un tournant pour la région, ambitionne de devenir un pôle touristique incontournable entre Rabat et Salé, remplaçant ainsi l'ancienne Cité des potiers d'Oulja. Le projet, dont la réalisation nécessitera un investissement de 140 millions de dirhams, a été confié à des architectes via un concours prestigieux. La construction devrait s'étendre sur une période de 24 mois. Destinée à accueillir une variété d'activités artistiques, artisanales, commerciales et touristiques, la nouvelle Cité vise à offrir un cadre moderne et adapté, contrastant avec l'ancienne Cité des potiers jugée « inappropriée« . Pendant les travaux, les artisans seront temporairement relocalisés dans un site dédié pour maintenir leur activité. Selon nos sources, la nouvelle Citée sera bien plus qu'un simple espace d'exposition. Il servira de vitrine pour le savoir-faire traditionnel des artisans de Rabat-Salé, en offrant une plateforme culturelle et économique de premier plan. L'ensemble comprendra des ateliers de poterie, céramique, sculpture et objets en terre, ainsi que des espaces dédiés à la vannerie et aux objets en matériaux végétaux. Les unités varieront de 40 à 100 m2, et seront exclusivement réservées aux finitions et à l'exposition des produits finis. La production de matières premières, ainsi que les activités polluantes telles que les fours et le traitement de l'argile, seront délocalisées pour préserver la qualité et l'intégrité de l'environnement de la Cité. La Cité de l'artisanat et des arts ne se limitera pas à des ateliers. Elle intégrera également des services divers, des équipements modernes, des promenades aménagées et une zone de restauration (food-court) pour enrichir l'expérience des visiteurs. Avec cette initiative, l'Agence pour l'aménagement de la vallée du Bouregreg entend créer un espace dynamique, où culture et économie se rencontrent, tout en offrant aux visiteurs une immersion complète dans le patrimoine artisanal de la région.