Députée du Parti de l'Istiqlal, Malika Lehyan se présente comme une porte-voix des MRE au sein de l'Hémicycle. Alors que la montée des partis nationalistes en Europe ne laisse personne indifférent, la députée istiqlalienne se dit préoccupée face à la nouvelle donne sur le vieux continent. Entretien. * Commençons par l'actualité. En effet, la gauche en France a fait une percée, semble-t-il, proche du pouvoir. Au-delà de qui va diriger le prochain gouvernement, quelle conclusion en tirez-vous, en ce qui concerne la communauté marocaine dans l'Hexagone et des relations franco-marocaines ? - Etre Citoyen du monde, c'est transporter, ailleurs, ses propres valeurs et principes. C'est vivre, également, en bonne intelligence dans le pays ou la nation qui nous accueille. C'est aussi faire fleurir une harmonie respectueuse, et, je dirai même humaniste avec le contexte...
Pourtant, c'est aussi ne pas être prêt à toute concession ni trahison de notre identité, à la faveur d'un maigre bénéfice, fusse-t-il d'ordre géopolitique, le Maroc étant aujourd'hui assis à la table des grandes nations, reconnu et respecté par ces dernières. Cet état de fait est le résultat du travail colossal qu'a accompli Sa Majesté, que Dieu le protège, en matière de démocratie, d'indépendance et de souveraineté, ces 20 dernières années. Cet état d'esprit doit être ancré dans notre façon de voir les choses, particulièrement lorsqu'il s'agit d'un pays avec lequel nous partageons quelques pages d'Histoire.
* La montée des partis nationalistes dépasse la France et semble toucher l'Europe toute entière, faut-il s'en inquiéter ?
- Personnellement, je suis réellement préoccupée par les effets des votes en Europe qui traduisent ce basculement vers l'extrême droite par des formations politiques, fondées par des partis nostalgiques des pires idéologies xénophobes... Concernant le Nouveau Front Populaire, alliance des partis de gauche français, il est ciblé par une campagne diffamatoire qui a été exécutée, sans toutefois obtenir les résultats escomptés : celle qui consiste à prétendre à un antisémitisme exprimé en permanence et leur attitude « islamo-gauchiste », comme si appartenir à l'Islam était, en soi, un crime politique.
Cependant, le problème reste entier : une expression populaire à un niveau continental, traduisant un positionnement d'extrême droite désinhibé et décomplexé, se laissant aller à des affirmations pour le moins fantaisistes et, au pire, racistes et xénophobes. Le tout qui est exprimé par des « candidats » d'une telle bêtise que la question doit être posée : pure incompétence ou stratégie machiavélique ?
* Il y a beaucoup de gens qui considèrent que la montée des partis nationalistes est une affaire interne des pays concernés. Etes-vous d'accord avec cette façon de voir les choses ?
- Il n'est pas question pour moi de pratiquer une forme d'ingérence, ou de me mêler d'affaires auxquelles je n'ai aucun droit d'accès. Et pourtant, toute nation a pour premier devoir la protection et la sauvegarde de ses ressortissants, de les protéger de toutes formes de clivages, de leurs offrir dignité, liberté et égalité de droit. La politique menée depuis 8 ans en France doit nous éclairer sur la mise en pratique d'une stratégie menant le pays devant une situation de blocage, à coups d'arguments sécuritaires. Celle qui consiste à ne pas pouvoir élire un gouvernement viable et durable, aucun parti n'obtient une majorité absolue. Ce qui est le cas depuis dimanche soir, quid d'une politique viable pour les populations et les pays partenaires. A l'horizon, se dresse la menace de l'application de l'Article 16 de la Constitution française qui octroie au Président tous les pouvoirs, législatifs et exécutifs, faisant de lui l'unique interlocuteur et l'unique décideur sur la scène nationale et internationale au moins pour la durée correspondante au reste de son quinquennat... Un Jules César des temps modernes...
* Force est de constater que plusieurs partis souverainistes, y compris en France, ont des positions jugées positives sur l'affaire du Sahara alors que la gauche est, généralement, hostile au Maroc, sauf des cas isolés comme en Espagne. Faut-il s'en réjouir ?
- D'un point de vue national, ma position de Parlementaire dédiée aux citoyens du monde, l'étant moi-même, ne me permet pas d'être, en toute objectivité, le témoin silencieux et approbateur d'une politique qui leurs sera forcément hostile, voire dangereuse. Je veux donc exprimer ici mon inquiétude quant à cette situation de péril pour nos concitoyens en France et en Europe...
Les intérêts du Maroc et ceux des MRE sont exactement les mêmes. Sachez qu'ils n'ont jamais rompu avec leur mère patrie. La reconnaissance de la souveraineté du Sahara marocain est également une de leurs plus grandes préoccupations, voir toutes les actions et manifestations menées par eux en Europe.
* En tant que députée marocaine, comment bâtir une position équilibrée en tenant compte à la fois des intérêts du Maroc et ceux des MRE ? - Pour répondre à votre question, j'ai quatre propositions qui doivent interagir entre elles et qui pourraient allier les intérêts du Maroc et ceux des MDM. Premièrement, il faut que la diplomatie marocaine agisse et continuer dans le sens et l'orientation choisie par l'Etat pour garantir et maintenir l'intégrité territoriale du Sahara marocain. En outre, il est important de multiplier des représentants, genre Consul honoraire dans chaque pays d'accueil. Ceux-ci auront un rôle d'assistance et de proximité auprès des ressortissants marocains résidents. Ils travailleront à leur protection et leurs intérêts. Cela peut se faire avec des associations et autres.
Par ailleurs, je juge nécessaire de créer des représentationss des MRE dans chaque région du Maroc, qui défendent leurs intérêts économiques et politiques. Il nous faut plus de représentants des MRE au parlement marocain pour chaque région du Royaume et dans chaque parti politique. Je fus sceptique au départ avant de me présenter aux élections, mais au final mon expérience au sein du parlement marocain a renforcé l'idée que c'est là aussi où tout se passe et où l'on peut réellement défendre et agir pour les Marocains issus de l'immigration.
* En définitive, qui peut mieux comprendre les problèmes d'un MDM qu'un autre MDM ?
La bataille à mener est loin d'être simple, mais je suis convaincue, qu'avec de la volonté et de la ténacité, on peut y arriver. L'Histoire nous l'a démontré à maintes reprises. Je déplore, et répète à qui veut l'entendre, depuis le début de mon mandat au parlement, que la communication entre le Maroc et les MDM manque crucialement. C'est notre tendon d'Achille...La communication doit être notre bâton de pèlerin...Et c'est par ce biais également que l'on peut réussir et aboutir à nos objectifs.