S'il est des imbroglios qui traduisent la gène de certains responsables politiques et institutionnels marocains, celui de la participation politique révèle une incohérence frappante et un déni de la réalité constitutionnelle indiscutable. La confusion souvent cultivée, entre un droit acté par le peuple marocain et les modalités de son application, ne peut qu'affecter le ciment qui lie les expatriés et leur descendance à la mère patrie et briser le climat de confiance indispensable pour la réussite de toute stratégie de mobilisation efficace. Depuis de longues années, les experts des questions migratoires à travers le monde observent la profusion de politiques publiques visant à vivifier les liens transnationaux et à renouer avec les diasporas. C'est à travers leurs migrants reconquis que les pays d'origine parviennent mieux à faire entendre leurs causes et à défendre leurs intérêts notamment politiques et économiques auprès des pays de vie. Mais comment les pays d'émigration s'attirent-ils les faveurs des millions de «ressortissants à l'étranger», généralement intégrés dans les pays d'accueil, de naissance ou de vie ? Les instruments sont multiples et variés. Le Maroc a opté pour une offre qui vise à consolider les liens par rapport à la culture d'origine, pour un soutien à la vie associative, l'apprentissage des langues, la facilitation des transferts de fonds, l'investissement, l'encadrement religieux et la mobilisation des compétences. Un Maroc à contre-courant Malgré l'intérêt que suscite la double nationalité dans le débat sur la déchéance de la nationalité en France, le droit de vote reste, pour les uns, un instrument des plus prisés pour maintenir les liens forts et un moyen de renforcer le sentiment d'appartenance à la «Nation» pour d'autres. Ainsi, de nombreux pays d'Amérique du Sud (Mexique 2008), ou d'Europe (Italie 206) ont accordé le droit de voter au Parlement national à leurs ressortissants vivant à l'étranger. Le Maroc, qui était pionnier en la matière dès 1984, ne semble malheureusement plus lier appartenance à la nation marocaine et participation politique. Contrairement à la Turquie, la Tunisie, l'Egypte ou l'Algérie, le Royaume donne l'impression d'opter pour une démarche ambivalente, voire contradictoire. Au moment où les discours du Souverain font des MRE des acteurs politiques, économiques, sociaux, culturels, voire comme réseau d'influence diplomatique, les opposants au droit de vote avancent des arguments, souvent sans consistances, contre l'application du principe constitutionnel de la participation politique des Marocains du monde (MDM). Les adversaires de la participation politique des MDM évoquent, au risque d'être perçus comme des anticonstitutionnels, la faible participation, une supposée gène des pays d'accueil, l'échec des expériences passées, parmi d'autres raisons de dévaloriser la légitimité cette revendication. Or au Maroc, le vote n'est pas obligatoire et le taux de participation enregistré lors des dernières élections dans le pays reste très modeste. De même, plusieurs élections ont été organisées en Europe par des pays de l'Afrique du nord sans heurter les pays d'accueil. Qui veut noyer le poisson ? Reste un argument de taille : la crainte de l'impact de la participation effective des compétences de retour sur l'ouverture pour les uns ou le bouleverssement pour les autres, du paysage politique, la démocratisation, la lutte contre la corruption et le changement des mentalités. Cet aspect ne pourrait justifier la non mise en œuvre de l'acquis constitutionnel concernant la participation politique des MDM pour un pays qui joue la carte de l'ouverture, de la démocratie, de la transparence et de la promotion de la citoyenneté pleine et entière. Si ce droit garanti par la Constitution de 2011 doit être sacré, seules les modalités de son application peuvent être discutées, lors d'un débat franc et responsable, par des partis politiques, des institutionnels, convaincus par l'impératif constitutionnel, et bien entendu, par des membres de la société civile issus de la diaspora marocaine. Il est donc urgent de dépasser la phase de la loi fondamentale pour une mise en oeuvre effective de la participation politique afin d'éviter tout sentiment d'exclusion qui monte au sein de la diaspora marocaine, toutes générations confondues. Il est aussi urgent de répondre aux questions importantes qui s'imposent : pourquoi ces renvois incessants de balle entre le Chef du Gouvernement, le CCME et les ministères chargé des Marocains résidant à l'étranger, de l'Intérieur, des Affaires étrangères ? Qui est responsable de ce statut quo qui peut altérer la confiance des Marocains du monde dans les partis politiques et dans les institutions publiques de leur pays d'origine ? L'ultime espérance peut être, encore une fois, un geste fort de Sa Majesté le Roi Mohamed VI, inspirateur et garant de la Constitution.