Au moment où la droite nationaliste monte en puissance partout en Europe, la vague souverainiste n'est pas de nature à impacter le partenariat maroco-européen, selon le député istiqlalien Allal Amraoui, qui appelle à se débarrasser des clichés. Entretien. -Depuis des années, les partis dits d'extrême droite progressent en Europe, y compris au Parlement européen ou à l'Assemblée parlementaire du Conseil de l'Europe où ils ont fait une percée inédite. Comment pouvez-vous appréhender cette tendance en tant que parlementaire marocain ?
La montée des partis de la droite dure, autrement appelés nationalistes, est une tendance qui se confirme partout en Europe. Mais, il est important de retenir que le Parti populaire européen reste la principale force politique en Europe. On peut s'en féliciter d'autant plus que le PPE est un partenaire du Parti de l'Istiqlal avec lequel il entretient des rapports très étroits dans le cadre de l'Internationale des partis de la droite et du centre (IDC). À nos yeux, le PPE demeure un parti fiable qui n'a eu de cesse de défendre les intérêts du Maroc, notamment l'intégrité territoriale. Les eurodéputés du PPE ont de tout temps défendu les positions du Royaume et son leadership régional. De notre point de vue, la progression des partis dits de la droite ne nous pose aucun problème. D'abord, c'est le choix démocratique des Européens dont il faut être respectueux. Pour le Maroc, il ne saurait y avoir, à mon avis, une quelconque conséquence sur ses relations avec l'Union Européenne. Preuve en est que les partis nationalistes en Europe ont à maintes reprises démontré qu'ils ont la plus grande estime du Royaume du Maroc et comprennent la position marocaine, concernant notre intégrité territoriale. -Il y a beaucoup d'observateurs, voire même des citoyens ordinaires, qui voient d'un œil méfiant les succès électoraux des partis nationalistes à cause de leur discours jugé par certains islamophobe. Qu'en pensez-vous ?
Là, on parle de politique interne, pas de politique étrangère. Il ne faut pas confondre les deux. La vague souverainiste et nationaliste qui secoue les pays européens est une affaire souveraine intérieure qui les concerne uniquement, et qu'on ne peut que respecter le choix démocratique exprimé de façon démocratique dans chaque pays. Nous nous devons de rester en dehors de l'équation. Analysons cela en tant que Marocains, d'un point de vue purement politique, et attelons-nous aux faits, pas aux idées reçues. Lorsqu'il y a eu les récentes crises avec le Parlement européen et les Résolutions anti-marocaines, les partis nationalistes ont eu des positions conciliantes à l'égard de notre pays. N'oublions pas cela.
-Au Parlement européen, la gauche a certes relativement reculé mais demeure, tout de même, une force politique considérable. Les partis de gauche n'ont toujours pas été très amènes vis-à-vis du Maroc, mais certaines voix plaident pour renforcer les liens avec eux pour changer leur point de vue, surtout sur la question du Sahara. Est-ce une stratégie gagnante ?
La gauche, qu'elle soit socialiste ou d'autre sensibilité politique, est une composante incontournable de la vie politique qu'on le veuille ou non. Pour cette raison, il faut continuer de parler avec ces formations même quand elles adoptent parfois un discours hostile aux intérêts de notre pays ou si elles voient les relations maroco-européennes d'un prisme différent du nôtre. Cette mission nous incombe à tous mais plus aux partis de la gauche marocaine qui font cet effort vu les liens qu'ils ont avec leurs homologues européens dans le cadre de l'Internationale socialiste. Feu Abderrahmane Youssoufi accomplissait ce rôle de façon magistrale lorsqu'il fut aux manettes et avait des relations privilégiées avec ses homologues, notamment au Parti socialiste français. Cela permettait de créer des liens au bénéfice des intérêts du Maroc. Quoi qu'il en soit, la gauche demeure un élément incontournable du paysage politique européen. Pour ma part, en tant qu'istiqlalien, je me réjouis du renforcement du centre-droit au Parlement européen.
-Vous êtes très actifs au niveau du Conseil de l'Europe dont on parle si peu. A quel point cette institution contribue-t-elle à consolider les relations entre le Maroc et l'UE ?
Je rappelle que le Conseil de l'Europe est l'une des plus vieilles institutions européennes et qui s'emploie à promouvoir l'Etat de droit et la démocratie en Europe. C'est une institution de référence en la matière. Depuis 2011, le Maroc, dans une démarche volontaire, a été le premier pays du voisinage à bénéficier du statut de partenaire pour la démocratie, il s'est engagé à adhérer pleinement à cet idéal et à son ancrage méditerranéen. Ce partenariat est bénéfique aussi bien pour nous que pour les Européens qui se félicitent qu'un pays voisin du Sud soit si engagé. Depuis 2011, les parlementaires marocains participent de façon active aux travaux des sessions et des commissions de l'Assemblée parlementaire du Conseil de l'Europe. Les différentes évaluations concernant le Maroc ont été globalement positives et ont amené le Conseil à revoir et faire évoluer ce statut, spécifiquement pour notre pays, lui assurant une certaine différenciation, vu les progrès reconnus. Lors de la session de la semaine dernière, l'Assemblée parlementaire a voté en plénière à l'unanimité une Résolution modifiant certaines dispositions du règlement de l'Assemblée. Ce qui permettra d'envisager l'octroi à la délégation parlementaire marocaine, de façon spécifique, plus de prérogatives au sein de l'institution européenne.