L'annonce de la demande de mandats d'arrêt contre des dirigeants israéliens (même si elle concerne aussi des responsables de Hamas), représente un revers diplomatique significatif pour Israël qui tente désespérément d'édulcorer sa réputation internationale. Un camouflet aussi pour Washington qui n'a pu éviter ce déboire à Tel-Aviv. Le procureur de la Cour pénale internationale (CPI) a demandé lundi 20 mai des mandats d'arrêt contre le Premier ministre israélien Benyamin Netanyahu et des dirigeants du Hamas pour des crimes de guerre et des crimes contre l'humanité présumés commis dans la bande de Gaza. Le ministre israélien des Affaires étrangères, Israël Kantz, a très vite dénoncé une « décision scandaleuse », « un déshonneur historique » pour la cour basée à La Haye. Si les juges de la CPI décident d'émettre le mandat d'arrêt contre Benyamin Netanyahu, cela signifie qu'en théorie, n'importe lequel des 124 Etats membres de la CPI serait obligé de l'arrêter s'il se rend sur son territoire. Même si le mandat d'arrêt pourrait compliquer certains déplacements de Benyamin Netanyahu, la cour ne dispose d'aucune force de police pour le faire appliquer, et doit compter sur la volonté des Etats membres de jouer le jeu. Le procureur Karim Khan a déclaré dans un communiqué qu'il demandait des mandats d'arrêt contre Benyamin Netanyahu et le ministre israélien de la Défense Yoav Gallant pour des crimes tels que « le fait d'affamer délibérément des civils », « homicide intentionnel » et « extermination et/ou meurtre ».
Israël a privé délibérément les Palestiniens de moyens de survie
« Nous affirmons que les crimes contre l'humanité visés dans les requêtes s'inscrivaient dans le prolongement d'une attaque généralisée et systématique dirigée contre la population civile palestinienne dans la poursuite de la politique d'une organisation. D'après nos constatations, certains de ces crimes continuent d'être commis », a affirmé Karim Khan. Dans sa déclaration accompagnant les charges, le procureur a écrit : « Mon bureau estime que les preuves que nous avons recueillies, incluant des entretiens avec des survivants et des témoins, du matériel vidéo, photo et audio authentifié, des images satellites et des déclarations du groupe de présumés auteurs, montrent qu'Israël a privé intentionnellement et systématiquement la population civile dans toutes les parties de Gaza d'objets indispensables à la survie humaine ». Il a ajouté : « Israël, comme tous les Etats, a le droit de prendre des mesures pour défendre sa population. Ce droit, cependant, n'exonère pas Israël ou tout autre Etat de son obligation de se conformer au droit international humanitaire ». Le procureur de la CPI a aussi requis des mandats d'arrêt des dirigeants du Hamas, dont Yahya Sinouar, le chef du mouvement dans la bande de Gaza et cerveau présumé de l'attaque du 7 octobre, Ismaël Haniyeh, qui peut être décrit comme le chef du Hamas, et Mohammed Deif, le chef des brigades al-Qassam, la branche armée du Hamas. La cour a également appelé à plusieurs reprises à la libération de tous les otages de Gaza et a mis en garde contre une opération militaire israélienne à Rafah. « Toutes les guerres ont des règles et les lois applicables aux conflits armés ne peuvent pas être interprétées de façon à les rendre creuses ou vides de sens », a déclaré Karim Khan en février. « C'est mon message constant, y compris depuis Ramallah l'an dernier. Depuis ce moment, je n'ai pas constaté de changement discernable dans la conduite d'Israël », avait-il ajouté à l'époque.
Les responsables israéliens aux abois
Des rumeurs circulaient depuis plusieurs semaines, notamment dans les médias israéliens et aux Etats-Unis, selon lesquelles la CPI était sur le point d'agir. Fin avril, le média israélien Ynet a rapporté que les dirigeants israéliens étaient préoccupés par le risque d'arrestation lors de voyages en Europe sur la base de mandats d'arrêt émis secrètement. Le Premier ministre israélien avait été le premier à réagir à ces rumeurs. Israël « n'acceptera jamais » les décisions « scandaleuses » de la CPI, avait déclaré Benyamin Netanyahu sur X. « Nous ne plierons pas » devant la cour, avait-il ajouté. Un autre journal israélien, Maariv, a rapporté que Netanyahu était « effrayé et inhabituellement stressé » à l'idée que la CPI émette un mandat d'arrêt contre lui et cherchait l'aide des Etats-Unis pour faire pression sur l'organisation. Le tribunal international a lancé vendredi 3 mai une mise en garde aux « individus qui [le] menacent de représailles » ou son personnel, en affirmant que de telles actions pourraient constituer une « atteinte à l'administration de la justice ». À la mi-novembre, cinq pays ont demandé une enquête de la CPI sur la guerre menée par Israël, Karim Khan affirmant que son équipe avait rassemblé un « volume important » de preuves sur des « incidents pertinents ». Mais les équipes de la CPI n'ont pas pu entrer à Gaza ni enquêter en Israël, qui n'est pas membre de la CPI. Quelles conséquences de la décision de la CPI pour Israël ? Selon un analyste israélien, il existe de réelles craintes en « Israël » concernant la décision du procureur de la Cour pénale internationale de demander l'émission de mandats d'arrêt contre Benjamin Netanyahu et Yoav Gallant, afin d'imposer prochainement d'autres conséquences. L'analyste a souligné sur la chaine israélienne 11 que cette décision suscite trois préoccupations israéliennes, et la première est que la Cour internationale de Justice émettra un ordre immédiat pour arrêter la guerre, sur la base de la décision de la Cour pénale internationale d'émettre des mandats d'arrêt contre Netanyahou et Gallant. Plaintes israéliennes concernant les effets de l'agression de Gaza sur l'économie et la baisse de sa notation internationale. La deuxième crainte est que les pays occidentaux cesseront d'inviter Netanyahu et Gallant, car ils sont deux personnes recherchées pour crimes de guerre et disposant d'un mandat d'arrêt de la Cour pénale internationale. La troisième conséquence est l'entrée d'Israël sur la liste des pays restreints à l'acquisition d'armements et la conclusion d'accords de sécurité.