Erigé sur le Boulevard Mohammed V de Casablanca, au niveau de la rue Mohammed El Qorri, non loin de l'emblématique Bab Marrakech, le cinéma Rialto témoigne de l'âge d'or du 7ème art international. Retour sur les tenants et les aboutissants de sa fermeture. Le saviez-vous ? Il fut un temps où le cinéma Rialto portait le nom de Splendid. Dès sa création en 1930 par l'architecte Pierre Jabin, il a été considéré, à l'instar du cinéma Vox, l'une des plus belles et des plus grandes salles obscures de toute l'Afrique du Nord, avec une capacité de 1350 places et son style architectural Art Déco, rappelant les salles de cinéma des Champs Elysées de l'époque. Qu'on se le dise clairement, le Rialto n'est pas un cinéma ordinaire. Car en plus d'avoir ouvert ses portes il y a environ un siècle, lorsque la Cité blanche du Royaume était en plein essor, il ne programmait que les chefs-d'œuvre et n'exposait que les têtes d'affiche du 7ème art international en plus de susciter un intérêt que les mots ne peuvent pas décrire. Aussi, pouvait-on admirer, au menu de ses programmes, des spectacles d'opéra et de music-hall, adulés par toutes les tranches de la société.
Dans les Archives Nationales du Royaume, nous pouvons lire qu'il a accueilli sur son tapis rouge l'artiste afro-américaine Joséphine Baker qui, en 1943, a offert un vibrant concert aux soldats américains de l'Opération Torch. L'on apprend également dans l'historiographie que Charles Aznavour et Edith Piaf s'y sont produits à maintes reprises.
De plus, un responsable à la division d'urbanisme de la commune urbaine de Casablanca nous apprend que «cette salle s'étend sur une surface de 1500m2» et que «l'ensemble de cette bâtisse a été réalisé en béton armé hormis ses façades. De même, la capacité structurelle de ce matériau a donné lieu et forme à un beau résultat notamment par la réalisation d'une coupole à 14 mètres de hauteur, offrant une belle acoustique. Quant à la scène d'une ouverture de 10m, elle repose sur un plateau de 250m2».
Pour sa part, l'architecture des façades de la salle reprend fidèlement les éléments de l'art décoratif hispano-mauresque fusionné aux motifs d'Art Nouveau et d'Art Déco. Ce qui donne lieu à de grandes façades ornementées que l'on remarque de loin, comme toutes ces anciennes bâtisses des années 30 et cette tendance de l'architecture moderne casablancaise qui s'est répandue davantage au cours des décennies 1940, 1950 et 1960, continue notre interlocuteur.
Si le Rialto a fait, il y a deux ans, l'objet d'une rumeur selon laquelle il aurait été mis en vente, Hassan Belghiti, son gérant et le seul représentant de sa société éponyme a démenti la nouvelle en précisant que cette salle, quand bien même elle aurait un coût, elle n'a absolument pas de prix à ses yeux, compte tenu de sa valeur historique. La preuve en est qu'à l'écriture de ces lignes, il fait toujours l'objet de visites de la part des touristes étrangers, nostalgiques d'une ère épique.
Bien que Casablanca disposait de plusieurs salles de cinéma au niveau du Centre-ville, telles que le cinéma Rif, ABC, Lux, Verdun, Vox et le cinéma Colisée, le Rialto, quand il était en activité, avait la particularité d'être imposant et impressionnant. Sa coupole de 14 mètres est difficile à ignorer, surtout qu'il se trouve au niveau du grand Boulevard Mohammed V à quelques enjambées de l'ancienne médina, l'un des points de repères des lieux.
Cependant, le Rialto a subi le même sort que beaucoup d'autres salles de la Capitale économique qui ont baissé le rideau pour diverses raisons. Parmi ces dernières, nommons celles exposées par des responsables gouvernementaux ayant, dès la fin des années 90, mis à l'index le désintérêt des citoyens et les chutes mortifères des bénéfices pour les tenanciers de ces salles et ce, à cause de l'expansion des chaines satellitaires, des CD et DVD piratés.
En outre, s'il fut un temps où ces salles mono-écrans couvraient tout Casablanca, lorsque les autorités de l'époque ne ménageaient aucun effort pour satisfaire un public de cinéphiles sans cesse croissant, aujourd'hui, mis-à-part quelques multiplexes que l'on peut compter sur les doigts d'une main, beaucoup de cinémas historiques ont fait l'objet d'une fermeture jusqu'à une date sine die. Cependant, ce que les nostalgiques du bon vieux temps regrettent amèrement, c'est la démolition des quatre salles de cinéma de la rue Jura du quartier Mâarif, à savoir le Mondial, la Familia, le cinéma Rex et le cinéma Monte Carlo. Conjoncture : Vers l'ouverture de 150 nouvelles salles de cinéma Le Royaume entreprend une étape décisive dans sa volonté de démocratiser l'accès au cinéma avec le lancement officiel de 50 nouvelles salles de cinéma à travers le pays. Sous la direction du ministre de la Jeunesse, de la Culture et de la Communication, Mohamed Mehdi Bensaid, cette initiative marque le coup d'envoi d'un projet visant à ouvrir un total de 150 salles dans les douze régions du Royaume.
Dans un discours donné à Tamesna lors de la cérémonie d'inauguration de 50 nouvelles salles de cinéma, Mohamed Mehdi Bensaid a mis en exergue l'impératif de cette démarche pour le rayonnement des artistes, producteurs et réalisateurs marocains, ainsi que pour la population, en particulier les jeunes.
L'ouverture de ces nouvelles salles obscures ambitionne de combler un vide dans l'offre cinématographique nationale, offrant ainsi un espace vital pour la diffusion et la promotion des œuvres cinématographiques marocaines. Elle marque également un pas significatif vers la réalisation des « droits culturels » des Marocains en rendant le cinéma plus accessible à tous, indépendamment de leur lieu de résidence ou de leur statut socio-économique.
Cette entreprise s'inscrit dans la pérennité des efforts déployés par Sa Majesté le Roi Mohammed VI pour promouvoir le développement social et renforcer les droits culturels au Maroc. Elle reflète également la vision du gouvernement marocain de créer un écosystème culturel dynamique, favorisant la créativité et l'expression artistique à travers le pays.
Aussi, Mohamed Mehdi Bensaid a-t-il insisté sur le rôle charnière des associations culturelles et des ciné-clubs dans la réussite de ce projet, ainsi que la nécessité d'une collaboration étroite entre le ministère et les différentes parties prenantes pour assurer le succès à long terme de cette initiative. Rétrospective : Il était une fois «Save Cinemas in Morocco»... « Save Cinemas in Morocco » ou « Sauvez les salles de cinéma au Maroc (SCIM) ». Il s'agit ici de l'association fondée en 2013 par l'acteur Tarik Mounim qui a tenu à joindre ses efforts à ceux de Casa-mémoire pour sauver du déluge le patrimoine cinématographique marocain ou du moins ce qu'il en restait. Ce que ce militant déplorait plus que tout, c'est que les plus grandes salles de cinéma de Casablanca et du Royaume faisaient également partie des plus grandes de toute l'Afrique.
Mais grâce aux efforts du gouvernement et du CCM (Centre Cinématographique Marocain), Tarik a fait de son mieux pour ramener à la vie des dizaines de salles menacées de fermeture et en sauver d'autres du marasme. De plus, Tarik, par le biais de son association, a fait le tour des festivals les plus en vue au Maroc dans l'optique de sensibiliser l'opinion publique quant à l'importance des salles de cinéma dans le rayonnement de la culture du pays.
Cependant, les démarches de l'association Sauver les cinémas du Maroc n'ont pas uniquement été freinées par des questions budgétaires. D'autres blocages se situaient au niveau même de la prise de conscience collective vis-à-vis de la disparition d'un grand nombre de salles de cinéma. Autrement dit, pendant longtemps, les festivals de cinéma ont donné au citoyen l'impression que le septième art connaissait un véritable essor, alors qu'une activité "culturellement moribonde" se développait dans les vieilles médinas et les ruelles historiques à travers tout le pays : celle de la fermeture des salles obscures.
Depuis 2007, les fermetures de salles se sont succédé. Le Royaume ne compte plus que 35 salles de cinéma (mis-à-part celles qui sont en construction) contre 280 au début des années 1980.
Mais pourquoi tant de salles ont-elles été fermées ? Dans l'absolu, ces décisions ne sont pas du seul ressort du propriétaire. Le plus souvent, des raisons économiques justifient la remise à neuf d'un équipement. Puis viennent les considérations juridiques, voire les longues procédures administratives. Néanmoins, les membres de SCIM ont pu éviter la mise à l'arrêt de plusieurs cinémas en six ans.
En conséquence, le nombre de salles de cinéma est passé de près de 300 à 35 en trois décennies. Parmi les villes les moins touchées par ce phénomène, on trouve Casablanca, Rabat, Marrakech, Tanger et Fès. D'autres villes de plus de 20.000 habitants n'ont plus de salles de cinéma, dont El Jadida. Ouarzazate, qui compte pourtant de nombreux studios de cinéma consacrés au tournage de superproductions internationales, et n'a pas de salle de cinéma à l'heure où nous écrivons ces lignes !
En résumé, en tenant compte des chiffres rendus publics par le Centre Cinématographique Marocain il y a six ans, l'évolution des entrées en salles entre 2008 et 2018 fait ressortir une véritable crise. Les entrées globales en salles sont passées de 7 millions à 3 millions en dix ans. Nostalgie : Le film «Casablanca», porte-drapeau de l'âge d'or du cinéma marocain Il est presque impossible de parler de l'âge d'or du cinéma marocain sans évoquer le film "Casablanca". Sa projection dans les salles marocaines en 1942 a suscité un intérêt sans précédent dans l'Histoire du cinéma marocain, comme s'accordent à le dire les critiques d'art d'ici et d'ailleurs. Le récit de ce film prend place en décembre 1941, à Casablanca, la métropole la plus occidentale du Maroc, alors sous le régime de Vichy. Largement ouverte sur l'Atlantique, elle est la plaque tournante de tous les trafics : des espions, des escrocs et des réfugiés de diverses nationalités s'y croisent sous l'œil vigilant de la police de Vichy et des agents des autorités allemandes. Dans le café de Rick, à cette époque, ils se rencontrent tous, à la recherche d'argent, d'informations secrètes ou d'un visa pour le Portugal, puis pour l'Amérique. Rick, le gérant de ce luxueux établissement de nuit affilié à la mafia, est interprété par un Humphrey Bogart magistral qui, sous ses faux-semblants désabusés et réservés, recèle un cœur d'artichaut.
Rick, quant à lui, vient de descendre d'un beau nuage. Celui d'une liaison qu'il a eue en juin 1940 à Paris avec Ilsa, interprétée par Ingrid Bergman, qu'il croyait être la veuve d'un résistant tchèque. Un flash-back les montre, peu avant l'entrée des troupes allemandes dans la capitale, au Café Pierre, qui propose des boissons de marque, puis au Café Belle Aurore, deux adresses typiquement parisiennes dont l'atmosphère feutrée, décalée et enjouée tranche avec le raffinement cosmopolite du Rick's Café. Lorsqu'Ilsa apprend que son mari n'est pas mort, elle part à sa recherche, sans en parler à Rick, qui part désemparé pour le Maroc. C'est alors qu'Ilsa et son mari, poursuivis par les Allemands, arrivent au Rick's Café pour négocier leur passage en Amérique...
L'on raconte que ce film a été projeté plusieurs centaines de fois aux cinémas casablancais Rialto et VOX, qui ne sont aujourd'hui que de beaux souvenirs d'une belle époque.
Technologies : Quand les multiplexes ont supplanté les salles mono-écrans Au début des années 2000, une nouvelle mode a investi les artères huppées des grandes villes du Maroc. L'allusion est faite aux multiplexes, ces complexes cinématographiques qui englobent plusieurs salles permettent de programmer plusieurs films par jour, comme le Mégarama de Rabat ou celui de Casablanca. De l'autre côté du décor, nous avons constaté l'accroissement du cycle de fermetures, d'abandons et de démolitions des anciennes salles obscures, celles qui représentaient, à elles seules, tout un pan de l'Histoire et du patrimoine cinématographiques du pays.
Le drame culturel qui s'en est suivi est que la nouvelle génération a été confrontée à un système de culture limité au manuel scolaire, car elle s'est trouvée devant un nombre limité de salles de cinéma, cantonnées à quelques villes du Royaume. L'alternative de cette situation est que nos adolescents se sont rabattus, des années durant, sur des télénovelas latino-américaines ou des séries turques et égyptiennes destinées à un public adulte.
Et dire qu'il fut un temps où le septième art, à l'instar des livres, était une grande source de connaissance des cultures d'Outre-mer et d'apprentissage des langues étrangères, pour les jeunes et les moins jeunes d'ailleurs. Ceci s'explique par le fait que la proximité reste la meilleure forme de sensibilisation. Autrement dit, le grand nombre de cinémas dans les villes du Royaume incitait naturellement les publics à diversifier leurs méthodes d'apprentissage en joignant l'utile à l'agréable et en conciliant culture et divertissement