Le gouvernement a annoncé lundi la réouverture des salles de cinéma à hauteur de 50% de leur capacité d'accueil. Les salles de cinéma vont pouvoir rouvrir leurs portes après plus de quatorze mois de fermeture en raison de la pandémie. C'est un ouf de soulagement pour les cinémas que compte le Maroc, déclare à Barlamane.com/fr le fondateur de l'association Save Cinemas in Morocco (SCIM), Tarik Mounim. La machine économique culturelle et créative redémarre enfin ! «Enfin un souffle qui permettra aux exploitants de respirer et de prendre les dispositions nécessaires pour refaire fonctionner toute cette économie d'industrie culturelle étant donné que les salles de cinéma accueillent également des programmations artistiques. Ce sont des salles de spectacle qui ont besoin aussi de vivre à travers d'autres activités en dehors de la programmation qui sera mise en place», a-t-il indiqué. «Il faut remettre en place tout un circuit de programmation. Et je pense bien évidemment aux employés de ces salles qui [eux aussi] font vivre leurs familles (...) Il y a un côté très humain dans ces espaces ou [je dirai] le peu de salles qui restent en activité et qui sont au nombre de vingt-sept alors qu'elles étaient dix fois plus il y a trente ans», a-t-il poursuivi. La crise a bousculé davantage le modèle économique du cinéma Tarik Mounim indique que l'association de sauvegarde du patrimoine culturel cinématographique marocain a été fondée en 2007 lors de la 7e édition du Festival international du film de Marrakech. «Nous avons mobilisé plus de 290 artistes, exploitants, acteurs, réalisateurs et distributeurs afin de lancer un cri d'alerte et de sensibiliser quant aux fermetures en cascade des salles de cinéma (en moyenne 3 à 4 fermetures de salles de cinéma par an). On était à plus de 380 salles de cinéma il y a plus de 30 ans. Le Maroc ne compte désormais que 27 salles en activité», a-t-il déploré. Les salles encore ouvertes dans diverses régions du royaume sont aujourd'hui au bord de la faillite. Le secteur du cinéma agonisait en silence «C'était une situation qui était intolérable», confie le président de SCIM, précisant qu'il était urgent de revendiquer une accélération du sauvetage de ces salles qui souffraient à l'époque de plusieurs maux, dont le piratage et le manque de support matériel et logistique. «Il fallait absolument promouvoir l'industrie cinématographique qui était en plein essor, notamment grâce à la hausse de la production marocaine qui était très bénéfique. Toutefois, il n'y avait pas de circuit pour projeter ces films et pour donner la chance au public de découvrir ces productions made in Morocco. Le seul circuit disponible n'est que les festivals. Malheureusement, comme vous le savez, les festivals sont éphémères. Un festival, c'est simplement une fois par an, une programmation qui est de courte durée. Et donc, de ce fait, nous avons choisi de mobiliser les acteurs institutionnels et privés de cette industrie pour faire revivre et promouvoir ce secteur. Beaucoup de choses ont été réalisées sur le terrain», fait savoir Tarik Mounim. «Il y a trente ans de cela, le Maroc comptait cinquante millions de spectateurs. Et le public marocain est friand de cinéma. Les salles représentaient en quelque sorte une sortie familiale avec une vraie programmation organisée. On avait différents types de salles dans chaque ville avec plusieurs styles de programmation, du cinéma indien, égyptien, américain, français et même asiatique. Ces salles ont malheureusement périclité», a-t-il relevé. Les salles de cinéma, des joyaux d'architecture «Ces salles sont également des monuments de l'architecture qu'il faut sauvegarder. On ne peut pas détruire ces œuvres d'art. Il s'agit d'un patrimoine architectural dont le Maroc peut être fier. C'est un vrai laboratoire architectural. Et vous savez, ces salles ont des particularités qui sont uniques au monde. Nous avons lancé plusieurs initiatives afin d'inscrire et protéger ce patrimoine existant pour qu'il ne soit pas en proie à des promoteurs peu scrupuleux (...) Ce sont des espaces de proximité, des espaces qui animent les villes marocaines et qui donnent la possibilité au public de pouvoir explorer ce septième art dans les standards internationaux», a-t-il poursuivi. «Les plateformes de streaming ne remplaceront jamais le spectacle du cinéma. On le voit d'ailleurs en Egypte qui n'a jamais fermé ses salles. Les films continuent d'amener le public vers les salles», explique le fondateur de l'association Save Cinemas in Morocco. «Nous avons toujours défendu ce circuit, cette industrie, notamment parce que c'est un vecteur culturel important. Le manque d' infrastructures cinématographiques représente un manque de visibilité et de promotion des villes. Nous avons également pris fait et cause pour la réhabilitation des salles et la mise à jour des équipements», a-t-il ajouté. La culture doit constituer un pilier fondamental du nouveau modèle de développement au Maroc «Nos responsables doivent prendre conscience de l'importance de cette industrie culturelle qui se trouve au cœur de la nouvelle stratégie de développement. Il est essentiel de l'intégrer dans cette équation, il faut ainsi donner un espace créatif à la jeunesse marocaine pour qu'elle puisse s'exprimer et partager son art sans distinction de classe sociale», a-t-il signalé. Rappelons à ce titre que la Commission spéciale sur le modèle de développement (CSMD) a souligné dans son rapport que «la culture est appelée à devenir un enjeu majeur mondial, d'émergence et de souveraineté, en raison du besoin renouvelé et universel de sens et de cohésion sociale, et des défis mondiaux qui favorisent une valorisation du soft, du contenu et de la qualité plutôt que l'infrastructurel et la massification». Il est donc important de «favoriser le développement d'initiatives culturelles innovantes (production de contenu culturel et médiatique, animation d'espaces, industries culturelles, etc.) à travers la professionnalisation des filières culturelles, un meilleur accès aux financements publics, à la commande publique et aux fonds internationaux et un meilleur accompagnement». «Il est indéniable que le public ne peut qu'apprécier la production marocaine qu'à travers le grand écran. Quand la production a commencé à émerger, les salles se sont remplies. Cela a offert une bouffée d'oxygène aux acteurs de cette industrie culturelle (...) Il faut faire découvrir ce patrimoine riche et majestueux et amener une certaine diversité à la production cinématographique (...) Le public doit avoir accès à d'autres catégories de films, telles que les films documentaires et les films d'enfance (...) Il faut aussi faire revivre les ciné-clubs qui permettent de discuter et d'analyser les films, comprendre la lecture de l'image, l'expérience cinématographique et la photographie. C'est une urgence absolue», fait observer Tarik Mounim. Les autorités doivent trouver les modalités optimales d'une réouverture des cinémas «Actuellement, il serait judicieux d'accompagner les exploitants dans cette réouverture. Il est important d'assurer l'accompagnement rapide de cette démarche à travers une enveloppe budgétaire pouvant accélérer l'organisation de cette opération en termes de communication et d'accueil pour donner au public un programme adéquat et un meilleur confort», a-t-il conclu.