Vous faites bonne presse depuis un petit moment. Parlez-nous un peu plus de vous et de votre mouvement ? Tarik Mounim : Je suis un jeune acteur franco-marocain qui vit entre Paris et Casa, mais ce n'est pas ça le plus important. Saviez-vous qu'il y a 30 ans nous affichions 50 millions d'entrées par an au cinéma, alors que nous n'en affichons plus que 2 millions ? Il ne reste plus que 37 salles de cinémas plus ou moins en activité ! Comment rester les bras croisés face à ça... J'ai eu un déclic sur le tournage du film «Adieu Mères» de Mohammed Ismail. Nous tournions une scène au «Theatro Espagnol» qui est une salle en pleine agonie. J'ai rencontré le propriétaire des lieux qui m'a fait faire la tournée des salles de cinéma de Tétouan. Il ne cessait de me répéter que le cinéma était mort. Ça m'a fait un choc. Je suis allé voir d'autres salles de cinéma ainsi que des membres de la profession qui m'ont tenu le même discours. J'ai alors décidé de me consacrer à la sauvegarde de l'extraordinaire patrimoine cinématographique marocain et qui est en train de se perdre. Qu'avez-vous fait jusqu'à présent ? Il suffit de faire un petit tour sur notre site «www.savecinemasinmarocco.com». Nous y avons archivé et classé toutes les salles de cinéma du royaume, en activité ou pas. Nous nous sommes déplacés dans chaque ville, à la rencontre des propriétaires des salles et du public marocain. Nous avons fourni un vrai travail de fourmi pour récolter toutes ces informations. Nous tentons aussi de répertorier tous les films marocains. Nous en sommes à 70 films pour l'instant, mais c'est loin d'être fini. Enfin, nous avons listé tous les membres de la profession comme dans une sorte d'annuaire. Ils sont en photo sur le site avec le message de l'association. Nous avons de plus fédéré le groupement des architectes à notre cause, mais nous ne comptons pas nous arrêter là. Il faut sensibiliser d'autres professions, notamment celles de l'éducation. Les jeunes dans les écoles sont les spectateurs de demain. Comment faites-vous pour vivre en tant qu'association? Nous avons très peu d'argent. Les seules rentrées sont les ventes des produits SCIM. Nous sommes d'ailleurs en train de diversifier notre offre. Il y a déjà les célèbres t-shirts, les bracelets, mais nous sommes en train de travailler sur une série de tasses et de gobelets. Nous vendons aussi des livres sur le cinéma marocain. Nous avons une boutique au siège de l'association -au 3 bd Mohammed V- qui nous a été gracieusement prêtée par la Chambre marocaine des salles de cinéma, dont c'est le siège. Nous cherchons à nous développer sur l'ensemble du Maroc, parce que nous défendons une cause nationale. Nous sommes distribués à Agadir, bientôt à Marrakech et prochainement au Megarama à Casablanca. Mais plus encore que de l'argent, ce que nous recherchons, ce sont des partenaires sur le long terme et un véritable engagement pour la cause. Vous travaillez en collaboration avec le CCM ? Malheureusement, non. Nous ne sommes pas dans une logique conflictuelle, nous avons fédérer la profession autour de cette cause qu'est la sauvegarde des salles de cinéma. Je pensais que le rôle du CCM était de soutenir ce genre d'initiative mais ce n'est pas le cas et en plus nous mets des bâtons dans les roues. Nous ne sommes qu'une association de jeunes bénévoles, personne n'est payé. J'ai investi mes fonds propres dans l'association depuis 3 ans, parce que c'est une cause en laquelle je crois. Nous n'avons jamais été contre la politique de développement des multiplexes du CCM. Nous pensons qu'il faut réhabiliter et rénover en priorité les salles existantes dans les quartiers populaires. Il y en a plus de 100 fermées dans tout le Maroc. Le cinéma doit redevenir un divertissement accessible à tous. Vous avez une position originale sur la piraterie... Notre position est très terre à terre. Nous tenons simplement à intégrer les revendeurs de DVD dans la chaîne de sensibilisation pour la sauvegarde du patrimoine culturel cinématographique. Nous n'avons pas les moyens en tant qu'association de lutter contre ce réseau parallèle de distribution des films. Nous travaillons donc en partenariat avec ces gens-là, qui sont sensibles à notre combat. SCIM a choisi le centre ville pour commencer son travail d'étiquetage des pochettes de DVD qui s'étendra sur tout Casa et dans tout le royaume. Vous aller donc bientôt trouver l'inscription «Sauvons les salles de cinéma au Maroc» collée au bas des films que vous irez acheter. C'est un des axes de notre nouvelle campagne «This is not THE END» justement. Sur quel type de projet êtes-vous en ce moment ? Nous travaillons sur cette nouvelle campagne comme je vous le disais, depuis le 11 novembre. «THE END» fait référence aux deux mots à la fin du générique des films. C'est une façon de dire que non, il n'est pas trop tard pour les salles de cinéma au Maroc. Vous avez certainement déjà pu voir les affiches dans toute la ville, notamment la grande bâche au-dessus du Mégarama. Ce sont des photos qui représentent les membres de SCIM dans deux salles mythiques de Casablanca, l'Opéra et le Mauritania, qui ont malheureusement fermé. Un autre de nos gros chantiers actuellement, c'est l'Eden de Marrakech. L'Eden est la première salle construite sur Marrakech, qui a été fermée en janvier 2009. Le propriétaire à accepter de mettre à notre disposition la salle, et nous avons le soutien de plusieurs écoles, notamment l'Ecole Supérieure Des Travaux Publiques de Paris, l'Ecole Nationale d'architecture de Rabat et l'Ecole Supérieur d'Arts Visuels de Marrakech. La rénovation nécessiterait un budget de 3 millions de DH. Ce sera la première salle rénovée par SCIM. Nous espérons inaugurer la réouverture de cette salle lors de la 10e édition du FIFM. C'est symbolique, parce que c'est lors du 7e FIFM que notre cause a démarrée.