Le Maroc a quadruplé ses importations de gaz naturel liquéfi é (GNL) à partir des ports espagnols en 2023. Une hausse exponentielle due à la baisse des prix sur le marché international. Détails. Cela fait plus de deux ans que l'Espagne assure l'approvisionnement du Maroc en gaz naturel liquéfié à travers le gazoduc Maghreb-Europe qui demeure aussi utile qu'il l'était par le passé malgré le retrait de l'Algérie. Aujourd'hui, le gazoduc fonctionne à plein régime. En témoigne la remarquable progression des livraisons de gaz depuis le voisin ibérique. Selon un dernier rapport de la Corporation des réserves stratégiques de produits pétroliers (CORES), les importations du GNL ont culminé à tel point que le Maroc est devenu le deuxième client des ports espagnols après la France en 2023.
Les livraisons multipliées par 4 La même source fait savoir que les livraisons espagnoles ont quasiment quadruplé durant l'année écoulée, avec 9.472 GW hlivrés en 2023, contre 1.881 GWh l'année précédente. Ainsi, le Royaume accapare à lui seul 12,5% des exportations espagnoles de GNL. Il s'agit d'une hausse fulgurante, sachant qu'il y a juste trois ans, le Maroc ne figurait même pas sur la liste des clients de l'Espagne. La demande marocaine croissante du gaz naturel liquéfié n'est pas fortuite. Le Royaume en achète de plus en plus dans un contexte de baisse des prix sur le marché international devenu de plus en plus concurrentiel. L'abondance du gaz sur le marché, aussi étrange puisse-t-elle paraître, a fait que ce précieux liquide est de plus en plus accessible à des prix abordables. Durant toute l'année 2023, il y a eu une chute palpable des prix, surtout au deuxième trimestre, avant de se situer à 11,3 $/MBtu (unité d'énergie). Cette baisse est due à plusieurs facteurs convergents. Après la fermeture du robinet russe suite aux sanctions occidentales imposées à Moscou, il y a eu une ruée vers le GNL dont la production a explosé, surtout du côté américain. Les Américains ont donné libre cours à leurs producteurs de gaz de schiste dont regorge leur pays. Selon les explications de l'Institut IFPEN, les pays de l'Union Européenne ont réduit leur consommation de gaz au deuxième trimestre de 2023 au moment où l'offre sur le marché mondial est restée élevée. Idem pour les pays asiatiques dont la demande reste à des niveaux modérés grâce à des stocks très importants. Entre-temps, le prix du gaz américain, qui s'est déversé abondamment sur le marché mondial après l'embargo infligé à la Russie en Europe, a continué de baisser au deuxième trimestre de 2023. La même source explique cela par une production domestique excédentaire et un niveau de stockage très élevé. L'offre a été tellement abondante au second trimestre 2023, que le prix du GNL américain a chuté de 19% par rapport au trimestre précédent. En gros, les prix du GNL restent modérés grâce à la conjonction de l'abondance de la production sur le marché mondial et la baisse relative de la demande au niveau international, surtout du côté asiatique.
2024 : des perspectives optimistes ! En 2024, les perspectives sont optimistes. A en croire les estimations des experts internationaux, on devrait rester dans le même trend. La courbe des prix devrait poursuivre sa tendance baissière parce que la production mondiale de gaz devrait encore augmenter à des niveaux inédits dans les années à venir. Le Cabinet Sanford C. Bernstein & Co prévoit que l'offre mondiale de gaz devrait augmenter de près de 30% pendant les trois prochaines années avec une quantité supplémentaire de 140 millions de tonnes métriques. La hausse de production en Amérique du Nord et au Qatar devrait contribuer à booster l'offre. De son côté, Bloomberg NEF va dans le même sens et parie que le marché mondial comptera 300 millions de tonnes supplémentaires de GNL à l'horizon 2030. Ceci dit, l'offre devrait augmenter de 70% par rapport à 2024. Cette embellie est une aubaine pour le Maroc qui a réussi à réduire sa facture énergétique durant les onze premiers mois de 2023. Selon les chiffres de l'Office des Changes, la facture a baissé de 21,4% pour plusieurs raisons (voire les repères). Dans un tel contexte favorable, le Maroc se voit en capacité de garantir son approvisionnement dans des conditions confortables, d'autant plus que le passage du gaz par les installations portuaires espagnoles se fait à des tarifs jugés assez convenables. Les droits d'usage des ports méthaniers en Espagne ne sont pas si onéreux. Rappelons que le Maroc paie 20 millions de dirhams à l'Espagne pour acheminer le gaz. Depuis l'arrêt des livraisons algériennes en octobre 2021, le Maroc a fait appel au voisin ibérique afin d'utiliser ses ports méthaniers, en étant dépourvu. Le concept est simple. Le Maroc achète du gaz naturel liquéfié sur le marché mondial et le fait acheminer par les ports méthaniers espagnols pour qu'il soit regazéifié. Puis, le gaz est acheminé par le gazoduc Maghreb-Europe grâce à l'inversement de son débit. Le gouvernement de Pedro Sanchez a répondu favorablement à la demande marocaine en 2022 dans un contexte de réconciliation entre les deux pays après la crise diplomatique inédite de 2021. Depuis lors, les importations marocaines à partir des ports espagnols n'ont eu de cesse de croître. Par ailleurs, afin de garantir un approvisionnement durable, le Maroc a signé, le 14 juillet dernier, un contrat avec le géant britannique Shell qui porte sur la livraison annuelle de 500 millions de mètres cubes de gaz sur douze ans. Ce contrat permettra de subvenir aux besoins du Royaume surtout en matière de production électrique, sachant qu'une grande quantité sera orientée vers les centrales électriques.