Selon des sources proches de la présidence de la République, Abdelmadjid Tebboune se rendra le 23 décembre prochain à Tizi-Ouzou, capitale de la Grande Kabylie. Une visite à Hauts risques. La visite que s'activent à préparer les services de renseignements et de la police dans le pays kabyle est perçue par les militants du MAK comme « une véritable provocation dont le pouvoir algérien doit assumer ses conséquences ». L'hostilité du peuple kabyle à l'encontre du régime algérien et particulièrement le duo Tebboune-Chengriha n'est un secret pour personne. On ne peut citer meilleure preuve que le boycott total de la présidentielle de 2019. Aucun bureau de vote n'a été ouvert et pas un seul bulletin n'a été déposé dans les urnes. Mêmes les autorités civiles et militaires n'ont pas été autorisées, par les populations sorties en masse dans les rues, à participer à la joute électorale. « Zéro vote pour répondre à l'objectif Zéro kabyles » des islamo-baathistes qui gravitent autour du pouvoir. S'aventurer à mettre les pieds dans une région considérée comme le bastion inextinguible de l'opposition au pouvoir en place, reflète l'inconscience des conseillers qui entourent le président Tebboune. Une région dont la plaie de la condamnation à la peine capitale de 38 jeunes innocents de la ville de Larba Nath Irathen, est toujours ouverte. L'emprisonnement de ces jeunes, accusés d'un crime que tout le monde s'accorde à dire qu'il est l'œuvre des services de sécurité et de la police, continue de rappeler que chaque jour Dieu fait l'injustice subie par la Kabylie. Jeudi dernier, la population de cette ville et de ses environs ont observé leur troisième jeudi consécutif de grève générale de protestation. D'autres villes se joindront ce jeudi à ce mouvement de grève qui consiste à baisser les rideaux des commerces et boycotter les lieux de travail dans l'administration publique et privée. Personne ne quitte son domicile. Toute la journée.
La Kabylie, une histoire jalonnée de révoltes Après quatre années passées au palais présidentiel d'El-Mouradia sans avoir effectué la moindre visite dans le pays, Abdelmadjid Tebboune a fini par pointer du nez en dehors de son palais. Il a commencé par une sortie à Djelfa, le 29 octobre dernier, suivie par une autre à Tindouf, un mois plus tard, soit le 30 novembre. Deux visites dans deux villes paisibles où l'on n'a jamais enregistré une quelconque révolte populaire. Tindouf est, pratiquement, une ville garnison. Il y a plus de militaires que de civils. Pratiquement abandonnée au Polisario. Même son aéroport a été transformé en base militaire. On peut dire sans se tromper qu'à Tindouf Tebboune ne courait aucun risque en s'y rendant. Ce qui n'est point le cas de la Kabylie connue pour être une région frondeuse depuis la nuit des temps. Les révoltes populaires à travers les siècles sont connues de tous dont la plus célèbre celle menée par une femme, Lalla Fatma N'Soumer, figure de proue du mouvement de résistance algérien au cours des premières années de la conquête de l'Algérie par la France. De 1854 à juillet 1857, elle avait mené une résistance sans merci contre les Français, jusqu'à sa capture. Elle mourra en prison six ans plus tard. La Kabylie c'est aussi, cet autre berceau, avec les Aurès, de la révolution armée de novembre 1954 qui a abouti à la libération de l'Algérie du joug colonial. C'est aussi, la citadelle du combat pour l'identité amazighe. Un combat dont le feu s'est allumé en avril 1980 à cause de l'interdiction de la tenue d'une conférence que devait donner feu Mouloud Mammeri, icone de la culture berbère, à l'université de Tizi-Ouzou. C'était le printemps berbère. Le gouvernement algérien avait fini par reconnaître que l'amazighité (la berbérité) est une composante de l'identité algérienne. Une reconnaissance payée au prix cher par de nombreux militants qui ont été arrêtés, emprisonnés et torturés. Quatorze ans plus tard, la Kabylie est de nouveau sur le pied de guerre. En 1994, le Mouvement Culturel Berbère (MCB) appelle à "la grève du cartable" pour que la langue tamazigh soit enseignée dans les écoles. Devant le refus des autorités, la Kabylie avait tenu bon et n'avaient pas manqué de sacrifier une année scolaire pour qu'enfin la langue tamazight soit enseignée dans les écoles et plus tard reconnue comme langue officielle dans la constitution de 2016. En 2001, la Kabylie est, une fois de plus, en révolte. L'assassinat d'un jeune adolescent, Massinissa Guermah, dans une brigade de Gendarmerie de Ath-Douala met le feu aux poudres dans toute la Kabylie. La déferlante touchera même Alger comme en 1980. Plus de 150 jeunes sont morts sous les balles assassines d'un pouvoir sanguinaire qui ne recule devant rien pour se perpétuer. Et la Kabylie demeura indomptable en scandant haut et fort « vous pouvez nous tuer, nous sommes déjà morts », devant le grand nombre de victimes de la répression du pouvoir en place. Et ce n'est pas fini. L'étincelle du hirak de février 2019 est parti de Kherrata, une petite bourgade en petite Kabylie, dans la wilaya de Bejaïa. Une bourgade entrée dans l'histoire de l'Algérie un certain 8 mai 1945 en étant, avec Guelma et Sétif, le théâtre de la manifestation anticoloniale la plus sanglante dans l'histoire de l'Algérie. 45.000 morts, un nombre indéterminé de blessés et 4500 détenus. Dans la continuité du hirak de février 2019, la Kabylie marquera l'histoire de l'Algérie d'une pierre blanche en rejetant la fraude électorale de la présidentielle de décembre 2019. Tout le peuple kabyle est sorti dans les rues empêcher pacifiquement, sans heurts et sans violence, l'ouverture des bureaux de vote. Le Kabyle ne se laissera pas conter par la désignation d'un candidat sans assise populaire qui lorgne vers le palais d'El-Mouradia pour y arriver à bord d'un char conduit dans la clandestinité par des généraux qui manquent de courage pour assumer leurs responsabilités.
Intimidation et corruption Ce même candidat devenu président de la république compte aller le 23 décembre prochain défier les Kabyles pour ne pas dire les provoquer. Il croit les corrompre par l'inauguration d'un stade de football qui tarde à être inauguré depuis plusieurs mois et dont les délais de réalisation et le coût ont battu tous les records mondiaux. Ce stade sera mis à la disposition de la JS Kabylie, le club le plus titré du pays avec 8 titres de champion national, 5 coupes d'Algérie, une coupe de la ligue, une super coupe d'Algérie et surtout deux titres de champion d'Afrique des clubs champions et 6 coupes de la CAF. Après avoir broyé du noir durant les 3 premières années du mandat de Tebboune, à l'image de toute la Kabylie punie pour le boycott de la présidentielle de décembre 209, la JSK est l'objet d'une opération de charme qui a commencé par sa prise en charge par l'opérateur téléphonique national MOBILIS. Une prise en charge sous forme de cession du club à entreprise publique qui a mis des moyens financiers colossaux pour assurer une relance qui a tardé à venir. A cette opération sauvetage s'ajoute l'octroi du nouveau stade qui sera le fief du club kabyle. Mais est-ce suffisant pour faire oublier le châtiment qu'ont fait subir à la région Bouteflika et Tebboune ? Depuis le programme spécial des années 70' qui doté la région d'une infrastructure à la hauteur des aspirations de la population avec l'ouverture d'une université, un pôle industriel qui a spécialisé la Kabylie dans les industrie électroniques, un stade olympique, des routes et des logements, la Kabylie n'a plus bénéficié d'investissements économiques pour endiguer le chômage qui a pris des mesures disproportionnées et faire face à une misère qui s'affiche plein les yeux dans toutes les villes et villages de la région. A l'absence des programmes de développement se sont ajoutés les incendies meurtri ers qui ont décimé les arbres fruitiers, le cheptel et toute la richesse oléicole qui faisait la fierté de la Kabylie. Et pour corser le tout, une répression jamais connue auparavant s'est abattue sur une population qu'on a voulu humilier à défaut de la dompter. Les arrestations sont devenues légion. L'appartenance au MAK, un mouvement pacifiste qui revendique un référendum d'autodétermination, est devenu un crime. Ce même MAK est classé mouvement terroriste sans que ne soit retenu à son encontre pas la plus minime action violente. Une classification qui sert d'alibi pour multiplier les arrestations et intimider tout ce qui respire kabyle. D'ailleurs, pour préparer la visite de Tebboune à Tizi-Ouzou le 23 décembre prochain, les services de police et la DGSI laissent entendre qu'une vague d'arrestations de citoyens est envisagée sous prétexte de faire avorter une tentative d'assassinat du président. Une sorte d'intimidation pour parer à toute manifestation aussi pacifique soit-elle contre la venue à Tizi-Ouzou du locataire du palais d'El-Mouradia. Pour faire équilibre avec l'intimidation, le wali (préfet) de Tizi-Ouzou a convoqué tous les chefs de daïra (sous-préfets) pour leur demander de réunir tous les maires qui relèvent de leurs circonscriptions respectives. Les maires sont soumis à une concurrence ardue pour la conquête d'un siège de sénateur. Ce siège sera attribué au maire qui ramènera le plus de citoyens à la salle de la maison de la culture de la ville où Tebboune prononcera une allocution. C'est un cocktail fait d'intimidation et de corruption qui sera servi aux Kabyles pour le déplacement périlleux que compte effectuer Tebboune pour effacer, comme un défi, le boycott historique de la présidentielle qui a fait de lui le président d'une Algérie amputée de la Kabylie. Un argument de plus que le MAK n'a pas manqué d'exploiter pour porter de nombreux coups de banderilles sur la scène internationale à un régime qui ne sait plus où donner de la tête. Tebboune réussira-t-il son pari de dompter la Kabylie et de la faire rentrer dans les rangs ? Attendons le 23 décembre.