Le PLF-2024 porte un nouveau regard sur le secteur informel, lequel dispose de peu, voire pas du tout, de moyens pour gérer les risques sociaux. Son intégration dans le système formel permettrait d'engranger des recettes fiscales pour le Trésor. Etant donné que ces travailleurs ne bénéficient pas du salaire minimum, des avantages sociaux tels que l'assurance maladie, les congés payés et les congés de maladie, les allocations de maternité ou même les prêts hypothécaires pour financer leurs logements. Au Parlement, les débats sur le Projet de Loi des Finances (PLF) 2024 s'enchainent et chaque formation politique y va avec ses propositions et ses amendements. Dans ces discussions, quelle place pour l'informel, ce serpent de mer qui hante les contrôleurs financiers ? La question mérite d'être posée quand on sait l'importance des taxes fiscales dans l'économie du Royaume. La lumière mérite d'être faite sur ce secteur qui prédomine l'activité économique. Selon certains analystes, le PLF 2024 se veut un plan stratégique visant à intégrer le secteur informel. Ce qui permettrait d'engranger des recettes complémentaires même si la tâche s'avère périlleuse. En effet, entre la lutte contre la fraude fiscale et l'amélioration de la transparence des opérations commerciales via l'autoliquidation de la Taxe sur la valeur ajoutée (TVA), le chemin est long. D'autant plus que près de deux tiers de la population travaillent dans l'informel. Pour le législateur, toute action d'inclusion financière et de développement durable intégré devrait prendre en considération les activités informelles pour lutter contre la pauvreté et le sous-emploi, et garantir la généralisation du travail décent. Selon un autre économiste, le PLF-2024 propose concrètement la mise en place d'un nouveau régime d'autoliquidation de la TVA qui vise à améliorer la transparence des opérations commerciales et favoriser l'intégration dans l'économie formelle. Cette mesure, poursuit-il, permettrait de garantir de meilleures conditions de travail, une protection sociale et une collecte optimale des impôts.
Processus d'intégration Selon le Conseil économique, social et environnemental (CESE), l'économie informelle « au sens large » demeure un phénomène persistant et préoccupant, pesant jusqu'à 30% du PIB selon les dernières données de BAM datant de 2018. Les institutions nationales et internationales estiment qu'entre 60% à 80% de la population active occupée au Maroc exercent une activité informelle. Dans ce sillage, plusieurs rapports CESE recommandent l'amélioration de la situation du marché du travail marocain à travers des amendements juridiques visant à faciliter le processus d'intégration des entrepreneurs dans l'économie nationale.Bien qu'elles contribuent fortement à la réduction du taux de chômage, les activités commerciales non enregistrées aggravent la vulnérabilité au Maroc, car les travailleurs sont privés de prestations d'emploi et de droits fondamentaux. Dans un avis qu'il a rendu dernièrement, le CESE affirme que l'économie informelle, dans son acceptation la plus large, est plurielle étant donné la multiplicité des catégories qu'elle renferme. Il est à préciser, néanmoins, que ce sont les formes « hors informel de subsistance » qui constituent la véritable menace pour notre pays, à l'image de la contrebande, des activités souterraines des entreprises « formelles » (sous-déclaration du chiffre d'affaires ou des employés, etc.). L'informel, c'est aussi le « concurrentiel » au niveau duquel les opérateurs se soustraient délibérément de leurs obligations bien qu'ils disposent de ressources et de structures nécessaires pour s'en acquitter. Dans ce contexte, le mécanisme éviterait aux personnes ou entreprises importatrices de payer la TVA à l'importation de marchandises en provenance de pays tiers. Elle est payée directement au fisc par l'importateur.
Régimes contributifs Pour le Policy Center News South (PCNS), le secteur informel est une composante essentielle de l'économie marocaine, employant une large partie de la population, mais nuisant à la productivité, aux recettes fiscales de l'État et à la croissance économique à long terme. Sur la base de la définition, les travailleurs informels étant ceux qui ne sont pas couverts par les régimes contributifs de sécurité sociale de la Caisse nationale de sécurité sociale (CNSS) et de la Caisse nationale des organismes de prévoyance sociale (CNOPS), le taux d'emploi informel représente près de 77% de l'emploi total. Le poids important de ce secteur est une question préoccupante pour l'économie marocaine. En effet, ce niveau élevé de l'informel présente plusieurs inconvénients, tant pour les travailleurs (précarité et insécurité de l'emploi, bas salaires, mauvaises conditions de travail, faibles perspectives d'évolution et de développement de carrière,...) que pour l'État (pertes en termes de recettes fiscales). Enfin, il porte préjudice au tissu économique en raison de ses effets négatifs sur la productivité et de la concurrence déloyale qu'il permet vis-à-vis du secteur formel et aussi de ses effets négatifs sur la compétitivité... Le PLF 2024, selon les spécialistes, permettrait ainsi de calculer le montant de la TVA sur les achats effectués auprès des fournisseurs qui ne rentrent pas dans le champ de cette taxe ou en sont exonérés, sans droit à déduction.Une autre solution pour intégrer les travailleurs informels dans la sphère formelle serait, comme préconisé par le président de la Confédération générale des entreprises du Maroc (CGEM), Chakib Alj, de promouvoir davantage le travail indépendant et l'entrepreneuriat via des programmes parrainés par l'Etat.