Après l'attaque terroriste menée par les milices du Polisario sur la ville de Smara, analystes et lecteurs lambda s'interrogent sur le potentiel militaire des séparatistes, qui peinent à orchestrer des opérations de grande envergure. Sur la base d'une documentation exhaustive et en interpellant des experts bien informés, «L'Opinion» passe au crible l'arsenal du Polisario. Dans la nuit de samedi 28 à dimanche 29 octobre 2023, les milices du Polisario ont lancé une attaque contre Mahbès, Smara et Farsia, «provoquant d'importantes pertes» humaines et matérielles. Si les porte-parole des séparatistes avancent que les projectiles visaient les «retranchements» des Forces Armées Royales (FAR) dans lesdites zones, le rapport des autorités de Smara a déclaré le décès d'un jeune homme, résidant en France, et qui passait ses vacances au Maroc avec sa petite famille.
Actuellement, cet acte « terroriste », comme l'a bien qualifié l'Ambassadeur permanent du Maroc auprès des Nations Unies, Omar Hilale, à New York, fait l'objet d'une enquête menée par les autorités compétentes pour élucider les circonstances de cette affaire, tout en identifiant la nature des projectiles utilisés à partir des débris collectés. Selon Abdelhamid Harifi, analyste militaire et expert dans les questions de défense, il s'agirait d'une roquette russe de type Grad 122mm. La portée de ces roquettes a augmenté à 40 kilomètres, ajoute notre interlocuteur, sachant qu'elles sont conçues initialement pour atteindre des cibles à 20 km. Ces roquettes, rappelons-le, comportent des ogives hautement explosives à fragmentation.
Pour ne pas trop s'aventurer près du mur de défense ultra sécurisé par les dispositifs des FAR, le Polisario se contente de mener des frappes de longue distance, en utilisant ses lance-roquettes de type Grad et Grad P, selon les estimations de nos experts, qui connaissent bien l'arsenal des milices depuis le début du conflit artificiel sur le Sahara. Tout en faisant un benchmark entre le système de défense marocain et la capacité d'attaque des séparatistes, Preston McLaughlin, ex-colonel de la MINURSO qui a servi dans les rangs de la mission onusienne au lendemain de la signature du cessez-le-feu en 1991, nous souffle qu'il soit fort probable que "le Polisario dispose encore des lance-roquettes Katyusha". Les armes lourdes des années 1980 existent peut-être encore en quantités limitées, comme les chars T-55, les BRDM et d'autres moyens mécanisés et motorisés de l'époque de l'URSS, poursuit l'expert qui s'est converti au monde académique.
Arsenal obsolète !
Pour ce qui est des chars de combat, les trois bataillons qui seraient stationnés à Tindouf seraient composés de 100 chars soviétiques T-55 et T-62. Des modèles démodés, fabriqués dans les années 40 et 50 à l'époque de l'URSS. Ces chars sont souvent ostensiblement exposés lors des défilés organisés dans les camps de Tindouf. Des engins incapables de rivaliser même avec les chars les moins utilisés par les FAR tels que les T-72 qui font partie de la brigade dite russe, selon une source militaire.
En plus des chars, les milices polisariennes possèdent des véhicules blindés désuets qui font partie, eux aussi, de la "pacotille russe". On y trouve seulement les BMP-1 et le modèle blindé à six roues (BTR-60), donné par la Libye dans les années 80.
À défaut de brigades de chars assez puissants et modernes, les milices du Polisario utilisent souvent des jeeps équipées de mitrailleuses DShK ou KPV lors de leurs incursions. A quoi s'ajoute une artillerie de piètre qualité. Selon les estimations, le front serait actuellement en possession de quelques pièces d'artillerie tractée de 122 mm.
Mis à part le matériel offensif, le Polisario serait également équipé de l'armement anti-aérien, avec les systèmes SA-8, dotés de missiles sol-air. Des cibles, néanmoins, faciles pour les drones du fait de leur technologie obsolète. En témoigne la guerre du Haut Karabakh où l'Armée de l'Azerbaïdjan a détruit de façon spectaculaire plusieurs unités de ces systèmes anti-aériens à l'aide des drones Bayraktar TB2. Des drones que les Forces Armées Royales possèdent en grande quantité. Même les systèmes dont se targuait le Polisario lors de la guerre du Sahara comme les 2K12 Kub, dotés des missiles Sam, sont aujourd'hui facilement destructibles par drones, qui demeurent indétectables par leurs radars.
Pas de modernisation en perspective
En gros, le Polisario dispose d'un arsenal composé des vestiges des livraisons libyennes et algériennes. Sa livraison remonte, dans sa quasi-totalité, à l'ère soviétique. Jusqu'à présent, il n'existe aucun indice probant qui prouve des actions de modernisation par les séparatistes, qui requiert, d'ailleurs, des enveloppes budgétaires d'envergure. Même les experts de l'armement les plus informés restent unanimes là-dessus. Jesús Manuel Pérez Triana, auteur du blog GuerrasPosmodernas.com, écarte cette possibilité, tandis que des spécialistes de renommée, tels que Stijn Mitzer et Joost Oliemans, n'excluent pas des tentatives de modernisation menées par le Polisario à l'aide de l'Algérie. Des bruits ont couru en 2017 sur une volonté algérienne d'équiper le Polisario de matériel plus moderne. Une tentative qui aurait fait pschitt à cause de difficultés budgétaires du régime algérien, selon une information publiée par nos confères du média « Le360 » en décembre 2017. D'autres informations circulaient à propos de supposés contrats d'armement avec Cuba et l'Afrique du Sud, lesquels n'ont été confirmés ni du côté algérien ni par les relais du Polisario.
L'Algérie peut-elle franchir le Rubicon ?
Face à la déliquescence de son armement, le Polisario a annoncé vouloir changer de stratégie en recourant aux drones sans être en capacité de s'en procurer jusqu'à maintenant. La piste iranienne s'avère improbable pour l'instant sachant que Téhéran, qui veut normaliser ses relations avec Rabat, n'a nul intérêt à armer le Polisario dans ce contexte. Reste donc l'Algérie qui demeure la seule source d'approvisionnement pour la bande de Brahim Ghali. Armer le Polisario serait une démarche téméraire lourde de conséquences, aux yeux d'Emmanuel Dupuy, Président de l'Institut Prospective et Sécurité en Europe (IPSE), qui pense que le régime algérien ne gagnerait rien à armer le front pour peu qu'il serait accusé d'exacerber la tension dans la région au moment où les Nations Unies appellent à la désescalade. Concernant les drones, M. Dupuy doute que l'Algérie ait assez d'unités pour les céder au Polisario, puisque l'ANP en dispose en quantités limitées. Trois questions à Abdelhamid Harifi « Les attaques du Polisario n'ont pas eu d'effet sur le terrain » A votre avis, quelle est la nature du projectile utilisé dans l'attentat de Smara ?
A mon sens, l'implication du Polisario ne fait l'ombre d'aucun doute vu que seules ses milices utilisent les roquettes de type Grad 122mm dans la région. Ils étaient, d'ailleurs, les premiers à les intégrer dans les combats avant le Maroc. Avec le temps, ils ont commencé à utiliser des modèles autonomes capables de tirer une seule roquette. Je rappelle que les roquettes Grad ont évolué avec le temps passant d'une portée de 15km à 20 km puis 25 km, avant d'atteindre 40 km. En définitive, il faut attendre la fin de l'enquête pour connaître le résultat des études balistiques qui permettront de mieux identifier le type des roquettes utilisées dans cette attaque et donner une nouvelle preuve de l'implication de l'Iran dans ce conflit si la portée des roquettes utilisées peut atteindre les 40km.
Comment évaluez-vous l'armement du Polisario ?
Le Polisario est une milice qui dispose de l'architecture presque conventionnelle d'une armée avec des blindés, une artillerie et une défense aérienne. Cependant, le front dispose d'équipes plus importantes d'infanterie menant une guerre asymétrique avec les techniques de guérilla. Cela n'a plus d'efficacité depuis la mise en place du mur de défense.
Pensez-vous que le Polisario a la capacité militaire de mener des opérations de grande envergure ?
Depuis l'opération d'El Guerguerat, le Polisario a multiplié les attaques contre le dispositif de défense au Sahara, sans que cela puisse avoir un effet sur le terrain. Ces attaques se font souvent à l'aide des tirs de mortiers et des roquettes Grad et demeurent sans efficacité. Le Polisario a échoué à mettre le conflit dans les devants de la scène internationale... Maintenant, le front tente des attaques terroristes contre les civils afin de donner plus d'échos à sa propagande.
Violations du cessez-le-feu : La mise en garde du Conseil de Sécurité Lorsqu'il s'est exprimé à l'issue du vote de la nouvelle Résolution du Conseil de Sécurité, le prétendu représentant du Polisario à New York, auquel l'Algérie a donné une allure de diplomate pour pouvoir se faire accepter dans les couloirs onusiens, a justifié l'attentat de Smara par un argument, le moins que l'on puisse dire, spécieux. "Nous sommes en guerre", a-t-il répondu, reprenant ainsi les facondes de la propagande du Polisario qui, rappelons-le, a été enguirlandé par le Conseil de Sécurité qui l'a appelé à cesser les violations du cessez- le-feu. Le texte, voté par l'ensemble des Etats membres, à l'exception de la Russie et du Mozambique, a également sommé le Polisario de s'abstenir de restreindre la liberté de circulation de la MINURSO. En 2023, la mission onusienne a eu du mal à se déplacer à l'Est du mur de défense à cause des innombrables blocages par les milices du front. Retour à la guérilla ? : Un potentiel limité ! Depuis l'annonce par le Polisario de son retrait unilatéral du cessez- le-feu au lendemain de la libération d'El Guerguerat par le Maroc, et la reprise de la soi-disant lutte armée, plusieurs observateurs se sont dits peu convaincus de la capacité du front à livrer bataille à l'Armée Royale. Même des ex-militaires de la MINURSO, qui connaissent bien le potentiel de combat du front séparatiste, en doutent. C'est le cas de Preston McLaughlin, qui ne croit pas que le Polisario puisse représenter une quelconque menace. Cette hypo- thèse manque de réalisme à ses yeux. Son matériel désuet explique en partie l'incapacité du front à mener une véritable guerre comme il le prétend dans ses communiqués diffusés à longueur de journée. Bien que le Polisario ait annoncé une "guerre totale" contre le Ma- roc en août dernier, il n'en est rien sur le terrain. Un constat confirmé par le Secrétaire Général des Nations Unies, Antonio Guterres, qui, dans son dernier rapport annuel, a fait état de «tensions et hostilités de faible intensité». Ce qui contredit la propagande polisarienne. Cependant, durant 2023, il y a eu quelques faits d'armes et des échanges de tirs, dont 550 recensés par la MINURSO. Selon Abdelhamid Harifi, depuis la libération d'El Guerguerat par les FAR, les tentatives de harcèlement menées par le Polisario et ses tirs sporadiques restent sans effet sur le terrain. En effet, toute attaque est une démarche ultra risquée pour le front sépa- ratiste étant donné que ses mi- lices doivent pénétrer dans la zone tampon pour lancer des ro- quettes. Ce qui est très dangereux pour elles puisqu'elles se trouvent souvent dans le viseur des radars