-Comment ce projet de décret N° 2.23.819, relatif au Statut unifié des fonctionnaires du département de l'Education nationale, profitera-t-il à l'ensemble des acteurs de ce secteur, notamment aux enseignants ? Egalement, quels en seront les résultats positifs anticipés? -C'est un Statut très attendu par la communauté éducative, notamment les cadres d'académies plus connus sous le nom désormais péjoratif d'enseignants contractuels. S'ils sont les premiers concernés par ce texte réglementaire, voire sa raison d'être, il n'en demeure pas vrai que le Statut unifié est plus global puisqu'il concerne toutes les ressources humaines du secteur de l'Education, tous corps confondus. Il vise, comme son nom l'indique, l'unification des droits et obligations pour tous les acteurs de l'éducation nonobstant leur origine professionnelle ou statutaire. Bien que la distinction entre fonctionnaires et cadres d'académie persiste, et devient même gravé dans le marbre après l'officialisation du Statut unifié, celui-ci a bel et bien mis fin à 6 ans de frustration vécue amèrement par les « contractuels ». Ils bénéficieront ainsi de titularisation progressive dès cette année, et profiteront pleinement de leur droit aux promotions selon leurs échelons, qui en plus se concrétiseront avec effet rétroactif sur les 5 dernières années. Nous pouvons certainement regretter le fait qu'ils n'ont pas eu gain de cause sur leur doléance concernant l'intégration dans la fonction publique, mais il est maintenant clair que le refus catégorique du ministère reflète un choix politique porté sur la décentralisation de la gestion des ressources humaines de l'éducation. Selon cette orientation, et vu que plus de 100 mille enseignants partiront à la retraite dans 10 ans, tous les recrutements futurs seront des cadres d'académies, ce qui veut tout simplement signifier que, in fine, le secteur de l'Education ne comptera plus de fonctionnaires en son sein. Par ailleurs, le Statut unifié a offert des privilèges à certains corps professionnels qui ont longtemps souffert d'une certaine injustice dans l'ancien Statut. Ainsi, le grade exceptionnel ou hors-échelle bénéficiera à près de 80.000 enseignants sur la base des critères d'ancienneté et d'une évaluation annuelle, ce qui leur apportera un supplément de salaire mensuel de 2.700 DH net. En outre, les cadres pédagogiques et administratifs des établissements pionniers bénéficieront d'une prime de performance d'un montant annuel de 10.000 DH net. Sans oublier que 40.000 fonctionnaires appartenant à certains corps professionnels comme les inspecteurs et les professeurs agrégés devaient voir leurs indemnités complémentaires augmenter, en septembre 2023, d'une valeur comprise entre plus de 600 et plus de 1.300 DH net par mois. En revanche les 140.000 cadres des Académies ne bénéficieront d'aucune augmentation de salaire, alors qu'il était attendu que le gouvernement s'acquitte de son engagement inscrit dans le programme gouvernemental consistant à ajouter 2500 DH au salaire des enseignants nouvellement recrutés. Ce qui est le cas des « contractuels ». Il semble cependant que la charge financière de cette mesure, qui s'élève à 4.2 milliards DH, a découragé le ministère. - Pourriez-vous nous détailler comment ce projet de rationalisation du Statut des ressources humaines contribuera-t-il à accroître la cohérence et l'efficacité au sein du secteur de l'Education nationale ? -Il est certain que l'unification des parcours professionnels entre cadres d'académies et fonctionnaires contribuera grandement à assainir le climat de travail au sein de l'école marocaine. Le Statut unifié a le mérite de mettre sur le même pied d'égalité, en matière de gestion de carrière, ces deux catégories longtemps traitées d'une manière différentiée, source d'un malaise général qui a paralysé le secteur de l'Education national par des grèves interminables. Redonner confiance aux « contractuels » est en mesure de les impliquer davantage dans la mise en œuvre de la réforme de l'Education, et partant de les inciter à redoubler d'efforts en faveur d'une efficacité accrue de notre système éducatif. L'efficacité serait également renforcée à travers la formation initiale et la formation continue qui sont désormais obligatoires pour tous les jeunes qui désirent intégrer la profession noble de l'enseignant. En plus, la formation continue sera comptabilisée dans l'évaluation des performances professionnelles, ce qui en fera un levier incontournable de l'amélioration des compétences des enseignants, et les autres ressources humaines de l'éducation dans un domaine qui fait l'objet de mutations et de bouleversements accélérés. - A votre avis, quels sont les délais prévus pour la mise en place complète du Statut unifié des enseignants, et quelles étapes devront être franchies pour y parvenir ? -C'est un décret qui est approuvé par le Conseil du gouvernement et est déjà entré en vigueur dès le premier septembre, avec même un effet rétroactif pour certains articles. Pour ce qui est de l'échelonnement annuel des bénéficiaires du grade exceptionnel au titre de 2023, il s'agit de 4.000 enseignants à la retraite puisque la date d'effet est le 1er janvier 2023, plus de 27.000 seront concernés en 2024, plus de 20.000 en 2025, plus de 15.000 en 2026, et plus de 10.000 en 2027. Concernant l'échelonnement des effectifs qui vont bénéficier des incitations relatives au projet des écoles pionnières, il sera réparti comme suit : 12.000 enseignants en 2023 et plus de 70.000 par an en 2024, 2025 et 2026. - Comment la modification des appellations de certains métiers, en particulier celui d'inspecteur, peut-il favoriser une meilleure appréhension et une amélioration des missions ainsi que les responsabilités de ces professionnels ? -La réorganisation des cadres du secteur de l'Education en 3 corps, en plus du corps des enseignants-chercheurs, répond apparemment à une logique d'agrégation en fonction de la nature des métiers exercés : enseignement, gestion et évaluation. Cette démarche aurait pu être poussée plus loin en procédant à la révision radicale de l'architecture globale de ces métiers et de leurs missions à travers l'élaboration du référentiel des emplois et des compétences (REC), au lieu de se contenter de changer quelques appellations, ou d'ajouter quelques missions surtout pour le corps enseignant. Pour ce qui concerne les inspecteurs, l'appellation n'est pas péjorative surtout qu'elle est associée à d'autres vocables qui sont l'encadrement et l'évaluation, et reflètent une mission qui reste indispensable pour tout système éducatif aspirant à instaurer le principe de reddition des comptes, à condition qu'il s'applique à tous les acteurs, tous les responsables et à tous les niveaux du système éducatif. -Pourriez-vous nous expliquer davantage comment se déroulera l'évaluation de la performance des établissements scolaires, les méthodologies employées ainsi que le processus d'agrégation des résultats post-bac ? -D'après la feuille de route du ministère, un label qualité sera décerné aux établissements qui réalisent les performances escomptées. La réussite d'une telle démarche reste tributaire de l'élaboration du référentiel qualité, stipulé dans la loi-cadre de l'Education. Espérons que le ministère sortira ce document indispensable avant de procéder à l'évaluation des établissements scolaires.