Le débat sur le planning familial revient à travers un rapport sur les dividendes démographiques sur le continent comme si l'Afrique est surpeuplée au regard de sa superficie. Puisque ladite enquête recommande d'utiliser les impacts positifs avérés de la baisse de fécondité sur le bien-être des ménages comme argument fort pour promouvoir le planning familial en Afrique subsaharienne à la place de celui de l'accélération de la croissance économique. Explications. C'est un document qui revient encore sur le concept de la démographie selon l'œil occidental pour qui cette population galopante serait à la base de la misère du contient. Les chercheurs dans cette question multiplient les enquêtes et autres rapports pour démontrer l'importance d'une famille moins nombreuse où il y aurait moins de bouches à nourrir. Le dernier rapport en la matière vient d'être publié par l'éditeur de revues scientifiques en libre accès MDPI. Intitulé « Where Are the Demographic Dividends in Sub-Saharan Africa ? », cette enquête fait savoir que le dividende démographique désigne le bénéfice économique qu'un pays pourrait tirer d'une évolution particulière de sa démographie, à savoir cette période où les personnes à charge/dépendantes (âgées de moins de 14 et de plus de 65 ans) sont moins nombreuses que les personnes actives ou non-dépendantes (âgées de 15 à 64 ans). En effet, lit-on dans ce document, même si le dividende démographique n'est pas très visible au niveau macroéconomique dans les pays d'Afrique subsaharienne, il est très palpable et hautement mesurable à l'échelle microéconomique comme en attestent l'augmentation de la richesse des ménages, la baisse de la mortalité infantile et la hausse du niveau d'éducation des enfants dans les familles peu nombreuses. Pour les rédacteurs de ce rapport, avec moins de naissances chaque année, la population d'un pays en âge de travailler grandit peu à peu par rapport à la population dépendante. Une telle évolution démographique est susceptible d'engendrer une accélération de la croissance économique favorisée par l'augmentation des capacités de production, de consommation, d'investissement et d'épargne. A ce sujet, ils rappellent que le concept de dividende démographique a été introduit dans la littérature il y a environ un demi-siècle.
Population dépendante Ce qui fait dire aux enquêteurs qu'il est devenu à la mode au début des années 2000, lorsqu'il a bénéficié de beaucoup de publicité de la part de plusieurs organisations internationales telles que le Fonds des Nations Unies pour la population (FNUAP) et la Banque mondiale dans le but de promouvoir la planification familiale dans les pays africains. L'idée sous-jacente à cette approche était de dire qu'une fécondité plus faible entraînerait une baisse de la proportion de la population dépendante et une hausse de la population non-dépendante, et donc une croissance économique plus élevée, produisant un dividende, comme un investissement financier. Pour cet anthropologue africain, la démographie n'a rien à avoir avec la pauvreté. Bien au contraire. D'ailleurs, la richesse de l'Afrique aujourd'hui est sa population. Ainsi le rapport élaboré par Michel Garenne, professeur au Département des statistiques et des études démographiques à l'Université du Cap-Occidental et chercheur à l'Institut de Recherche pour le Développement (France), souligne que le paramètre clé de cette relation est le « taux de dépendance », c'est-à-dire le rapport entre la population dépendante-non active (consommateurs uniquement) et la population active (producteurs et consommateurs). Dans son analyse, le rapport soutient que plus le taux de dépendance est faible, plus l'avantage économique escompté est élevé (plus de producteurs par consommateur). En Afrique subsaharienne, où les taux de fécondité ne cessent de baisser dans tous les pays depuis les années 1950, le taux de dépendance moyen s'est établi à 0,80 sur la période 2015-2019 contre une moyenne mondiale de 0,53.
Coefficients de corrélation En outre, les différences entre les pays de la région étaient importantes durant cette même période. Les taux de dépendance variaient de 0,40 à Maurice (le pays ayant le plus faible taux de fécondité) à 1,15 au Niger (le pays où la fécondité est la plus élevée). Au niveau national, les relations entre le taux de dépendance et la croissance économique sont complexes et peuvent aller dans des directions opposées, de fortement négatives à fortement positives sur la période 1950-2019. Par ailleurs, le document rapporte qu'à titre illustratif, les coefficients de corrélation entre les taux de dépendance et les taux de croissance économique calculés sur des périodes de 5 ans varient de -0,796 en Tanzanie à +0,698 au Botswana. Dans sa conclusion, il est indiqué que les dynamiques du taux de dépendance et du taux de croissance économique sur la période 1950-2019 en Afrique subsaharienne apparaissent largement indépendantes d'un point de vue statistique. De même lorsqu'elles sont apparemment corrélées, c'est parce qu'elles se sont produites en même temps pour d'autres raisons telles que les variations des prix des matières premières ou des investissements étrangers. En Afrique plus qu'ailleurs, l'impact du dividende démographique sur la croissance économique ne semble pas mesurable, car la croissance économique répond avant tout à d'autres logiques, insistent les rédacteurs. Sur un autre plan, cette étude nous apprend que les composantes de la croissance économique sont complexes, puisqu'elles impliquent non seulement l'épargne et l'investissement au niveau national, mais aussi plusieurs autres composantes mesurables comme les investissements étrangers. Ces composantes impliquent aussi les transferts des migrants, les exportations de ressources naturelles (pétrole, gaz, minerais), l'aide internationale ainsi que des composantes non mesurables, telles que l'innovation, la gouvernance et l'efficacité du système bancaire. En conséquence, la corrélation entre la baisse de la fécondité et la croissance économique semble être noyée parmi les nombreux autres facteurs de croissance économique. D'où l'on ne peut s'empêcher de se demander comment ces chercheurs ont-ils pu établir leurs « vérités » en l'absence de chiffres viables ? Pour prouver ou mesurer un effet du dividende démographique, il faudrait prendre en compte tous les facteurs de la croissance économique, ce qui est difficile, voire impossible à faire, reconnaissent-ils. Sans commentaire.
Trois questions à Jean Pierre Edong Mbassi : Créer une nouvelle dynamique dans le développement des territoires En marge du Forum de Rabat, le Secrétaire Général des Cités et gouvernements locaux unis (CGLU) estime que cette conférence est venue à point nommé car elle s'inscrit dans la droite ligne de construction de l'intégration et de l'unité africaine. Explications. Quelle analyse faites-vous de ce Forum de Rabat ? Ce sont d'abord les perspectives de la ZLECAf pour tous les pays du continent dans l'intégration économique, au niveau de leur territoires. Le Forum de Rabat pose un nouveau jalon dans ce domaine. Il faut rappeler qu'en 2012, nous avons pris comme thème des CGLU « Construire l'intégration et l'unité africaine à partir de ses territoires ». Nous sommes ici dans la continuité de cette réflexion, à savoir comment les territoires ou les régions peuvent participer au développement économique de notre continent ainsi qu'à son unité et à son intégration. En outre, à Saïdia, nous avons créé le Forum des régions d'Afrique, qui regroupe toutes les collectivités territoriales de niveau 2 à l'échelle nationale et des communes. Donc le Forum de Rabat participe à cette dynamique, tout en prenant le volet investissement. Il s'inscrit dans la droite ligne du forum des régions d'Afrique. Que peut donc apporter le Réseau des régions d'Afrique qui vient d'être créé, lors de ce Forum ? Il y a deux manières d'aborder les questions économiques. La première, c'est de s'en tenir au niveau national. C'est ce que l'on faisait jusqu'à présent à commencer le PIB qui est calculé au niveau national, idem pour les agrégats macroéconomiques. Or les décisions économiques sont prises au niveau de l'entreprise et au niveau territorial. Mais tant que ces données ne sont pas intégrées dans la dynamique continentale, elles resteront insuffisantes. Autrement dit, il faut changer le paradigme concernant les territoires par une nouvelle approche dans le développement économique ? C'est de cela qu'il s'agit. En effet, avoir une dimension territoriale du développement économique sans les réalités économiques et statistiques et sans se référer à ceux qui les produisent, tout le calcul sera faussé à la base. Forum de Rabat se projette dans la dynamique continentale à travers l'investissement au niveau des régions d'Afrique. Il est ainsi impérieux de revenir à l'économie dans la société. Autrement les collectivités territoriales et les indicateurs du développement économique. Bon à savoir Toujours selon ledit document, une baisse de la fécondité implique un changement dans la composition du ménage, avec moins d'enfants à élever, un changement de la quantité (nombre d'enfants) vers la qualité (meilleurs soins, éducation plus poussée) et plus d'investissements dans les enfants et, par conséquent, plus de richesse à long terme. Cette boucle positive a été prouvée par les enquêtes démographiques et de santé (EDS) réalisées dans 39 pays d'Afrique subsaharienne. Les auteurs de ces enquêtes ont réparti des échantillons de femmes fertiles âgées de 40 à 49 ans en cinq catégories : faible fécondité (1-3 enfants), fécondité moyenne (4-6), fécondité élevée (7-9), fécondité très élevée (10-12) et fécondité exceptionnellement élevée (13-15). Ils ont pu constater un niveau plus élevé de la richesse des ménages, une baisse de la mortalité infantile et une hausse du niveau d'éducation des adolescents âgés de 15 à 19 dans les familles où les femmes ont des niveaux de fécondité faible. Raison pour laquelle l'auteur du rapport recommande d'utiliser les impacts positifs avérés de la baisse de fécondité sur le bien-être des ménages comme un argument fort pour promouvoir le planning familial en Afrique subsaharienne à la place de celui de l'accélération de la croissance économique.