La 28ème session du Sommet de l'Union Africaine, tenue à Addis-Abeba, était une occasion historique dont le thème principal a été : « Tirer pleinement parti du dividende démographique en investissant dans la jeunesse ». Dans ce cadre, on relève que depuis la deuxième moitié du siècle dernier, le débat a été centré sur l'explosion démographique, la maîtrise de la fécondité, la régulation des naissances et les politiques de population et ceci dans les régions du monde où la fécondité était élevée et compromet le niveau de vie de la population. Aujourd'hui, tous les pays vivent une des étapes du processus de la transition démographique avec des parcours différents et des vitesses variables et que chaque pays vit sa propre transition. Les modifications des structures par âge, les variations des effectifs de la population qui en résultent, constituent un continuum de longue haleine soumis, en dehors de la migration, à l'effet de la natalité et la mortalité qui sont deux phénomènes fortement responsables des changements démographiques. Ces changements dans les structures s'opèrent à l'échelle mondiale, en général, et au niveau de l'Afrique, en particulier, y compris le Maroc qui se caractérise d'ores et déjà par une augmentation du volume de la population en âge de travail et de production, et une réduction des populations dépendantes, notamment les enfants en bas âge (l'Indice Synthétique de Fécondité est de 2.6 enfants par femme en 2010 - HCP, 2010). Les baisses conjointes des différentes composantes de la transition démographique démarraient lentement dès les années soixante-dix du siècle dernier où des programmes de planification familiale se sont adoptés sur le plan institutionnel et implantés au niveau des structures sanitaires de proximité et des ONG. La maîtrise de la fécondité humaine en ce moment constituait un défi majeur et bénéficie d'un intérêt de la communauté internationale qui avait déclenché des débats et initié la tenue de conférences internationales sur le sujet de la population et développement en élaborant des programmes d'action en la matière (Conférences de Mexico, Bucarest et Le Caire en Egypte). Depuis, des modifications se produisent le long des structures pyramidales de la population mondiale qui subissaient un rétrécissement des bases dû à la baisse de la fécondité élevée suivi d'un glissement des effectifs des générations récentes vers le milieu de la pyramide, ce qui fait apparaître l'importance et le poids de la jeunesse parmi la population totale. Dans cette perspective, le monde d'aujourd'hui n'a jamais compté autant de jeunes, 1,8 milliard d'habitants ont entre 10 et 24 ans contre seulement 721 millions en 1950. Ce record historique, qui continue à progresser, mettra notre planète à la veille d'une vaste transition démographique. L'Europe et les Etats-Unis ont les premiers connu ce phénomène leur permettant d'accumuler les richesses et les connaissances, l'Amérique Latine, l'Asie de l'Est suivent la même tendance avec des parcours transitionnelles différents (FNUAP, 2015). L'émergence de la population en âge de travail d'un pays croît davantage par rapport à la population infantile à charge, ce qui présente une possibilité pour exploiter une opportunité de croissance économique rapide avec les bons investissements économiques, sociaux et politiques élaborés en matière de santé, d'éducation, de gouvernance et d'économie. A ce moment-là, la proportion de la population active augmente et plus de gens sont au travail, dépensant davantage et apporte une forte croissance économique. Un tel «pattern», selon le Fond des Nations Unies en matière de Population, est dénommé «dividende démographique» ou « aubaine démographique». Le dividende démographique c'est donc l'accélération de la croissance économique résultant des changements dans la structure par âge de la population sous l'effet de la baisse consécutive de la fécondité et de la mortalité. Cette définition propose, pour l'appartenance à l'aubaine démographique, que la proportion des moins de 15 ans ne doit pas dépasser 30 % de la population et celle de 60 ans ne devra nullement aller au-delà de 15%. Souvent, la baisse de la fécondité est perçue comme un facteur de type «vent arrière » soutenant les réformes politiques en faveur de la croissance économique du fait de la réduction des ratios de dépendance qui en résulte, mais elle agit également en réduisant les « vents contraires » de la croissance démographique qui freinent la croissance économique. L'exemple et la voix qu'ont choisi les tigres asiatiques leur permettent aujourd'hui de tirer profit de cette fenêtre d'opportunité. En 1950, les Philippines, la République de Corée et la Thaïlande, trois pays avec des parcours transitionnels différents, des modèles de développement différents, avaient toutes les trois une population comprise entre 19 et 20 millions d'habitants. La baisse de la fécondité s'est avérée la plus précoce et la plus forte en République de Corée, suivie par la Thaïlande; elle a été plus lente aux Philippines. En 2014, les effectifs allant du simple au double : la République de Corée, la Thaïlande et les Philippines comptent respectivement environ 50 millions, 67 millions et 101 millions d'habitants, et des populations de moins de 15 ans nettement différentes allant de - 13 %; de +33% et +330% (Rapport Annuel, FNUAP, 2014). L'Afrique, qui est en plein transition démographique et à différents niveaux selon les pays, va connaître à travers le temps une augmentation de la tranche de la population en âge de travail et créera également une fenêtre d'opportunité de potentiel humain qui, si elle est bien saisie et exploitée, devrait conduire à une croissance économique plus élevée. «Dans son discours, lors de la 28ème session du Sommet de l'Union Africaine tenue à Addis-Abeba, SM le Roi Mohammed VI, que Dieu l'assiste, avait mis l'accent sur l'élément humain et culturel et s'est, à ce propos, posé une question profonde: «N'est–il pas l'heure de nous tourner vers notre continent? De considérer ses richesses culturelles, son potentiel humain?» Au Maroc, les données des deux derniers recensements, réalisés en 2004 et 2014, illustrent bien cette situation et lui confèrent le statut «d'aubaine démographique» étant donné que la part des enfants de moins de 15 ans diminue de trois points en passant de 31,2% à 28,0%, par contre, la population en âge d'activité (15-59 ans) prend au fur et à mesure des proportions prépondérantes en passant de 61,2% à 62,4%. Par ailleurs, la part des personnes dépendantes âgées de 60 ans et plus connaît une augmentation relative allant de 8,1% à 9,6%. Le taux de dépendance qui désigne le rapport du nombre d'enfants de moins de 15 ans et les personnes âgées par le nombre d'individus capables d'assumer cette charge (15 à 60 ans et plus) affichera une baisse continue. Les fardeaux des charges y afférentes à la scolarisation et à la santé qui pèsent sur les membres de la population adulte diminuent, et à long terme il y aura moins de personnes à faire vivre avec le même revenu et le même actif et le transfert intergénérationnel des richesses doit être repensé (USAID, 2013). Les principes démographiques qui ont alimenté la croissance en Asie sont également disponibles dans les pays d'Afrique et à des degrés variables. Mais si la transition démographique en tant que processus par lequel une société passe d'un régime où s'équilibrent une forte natalité et une forte mortalité à un régime où une faible natalité et une faible mortalité s'équilibrent, sa concrétisation n'est pas toujours certaine et ses conséquences à long terme sont parfois néfastes (Partners in Population and Development, 2013). Selon un proverbe africain, «chaque fois que le rythme change, l'impact change ». Le dividende dermographique est une occasion propice et une opportunité pour accumuler les richesses et les connaissances avant que la population active devienne une population à charge et dépendante. A. Zguiouar, démographe