Le Maroc poursuit la lutte au CIRDI où il fait face à trois groupes internationaux qui réclament des dédommagements élevés. L'affaire de « Marina d'Or » renaît de ses cendres tandis que tout le monde attend la sentence sur le litige relatif au dossier de la SAMIR. Round up. Jusqu'à présent, le Maroc poursuit le combat au Centre international de règlement des différends relatifs aux investissements (CIRDI), qui relève de la Banque Mondiale. Le combat s'annonce encore dur puisque les litiges semblent encore difficiles à gagner tant le chemin est long. L'affaire de la société espagnole « Comercializadora Mediterránea de Viviendas » renaît de ses cendres. Le tribunal arbitral a été enfin constitué, apprend-on de sources proches du dossier. En fait, le choix a porté sur trois arbitres, dont l'italien Attila Massimiliano Tanzi, qui a été désigné par la défense du Maroc, selon nos sources. Professeur émérite de droit international à l'Université de Bologne, l'arbitre italien est un spécialiste et un fin connaisseur des coulisses des tribunaux arbitraux. Il est connu pour avoir pris part à des litiges de grande envergure tels que l'affaire ElettronicaSiculaS.p.A. qui avait opposé les Etats-Unis d'Amérique à l'Italie.
Marina d'Or : la procédure redémarre Nommé arbitre dans deux affaires en cours au CIRDI, Attila Tanzi conseille régulièrement des gouvernements et des organisations internationales sur des questions de droit international. Sa profonde connaissance du droit et son impartialité proverbiale sont derrière le choix du Maroc. A ses côtés siège Fernando Piérola-Castro, avocat et consultant suisse d'origine péruvienne, qui a été désigné par la défense du plaignant (la société espagnole). La présidence du tribunal arbitral a été confiée à Mélanie Riofrio Piché qui a été désignée. Spécialisée dans les différends relatifs au commerce et aux investissements, cette avocate équatorienne a pu se forger une bonne réputation parmi les praticiens grâce à une expérience considérable en tant que Secrétaire général du Centre international d'Arbitrage de Madrid. La présidente a été désignée en vertu de l'article 38 de la Convention du CIRDI qui oblige les parties prenantes au litige de désigner des arbitres en cas de retard. En effet, le tribunal a pris beaucoup plus de temps qu'il ne fallait pour être constitué sachant que la procédure a commencé il y a plus d'un an et précisément le 27 juin 2022. Date à laquelle la société espagnole a saisi le Centre. « Si le Tribunal n'a pas été constitué dans les 90 jours suivant la notification de l'enregistrement de la requête par le Secrétaire général conformément à l'article 36, alinéa (3) ou dans tout autre délai convenu par les parties, le Président, à la demande de la partie la plus diligente et, si possible, après consultation des parties, nomme l'arbitre ou les arbitres non encore désignés. Les arbitres nommés par le Président conformément aux dispositions du présent article ne doivent pas être ressortissants de l'Etat contractant partie au différend ou de l'Etat contractant dont le ressortissant est partie au différend », stipule la Convention. En fait, le fonctionnement de la procédure arbitrale est clair. Le tribunal se compose de trois arbitres. Normalement, le tribunal doit être constitué dès le dépôt de la requête d'arbitrage. Selon l'article 37, il peut y avoir seulement un seul arbitre à moins qu'il y ait un désaccord entre les parties. A défaut d'un compromis, le tribunal doit être élargi à trois arbitres. Chaque partie en choisit un tandis que le troisième est nommé par commun accord.
Un duel rude Maintenant que les arbitres se mettent au travail, la cadence de la procédure devrait s'accélérer. Le duel s'annonce rude. La société espagnole n'a pas l'intention de céder et réclame des dédommagements jugés exorbitants (400 millions d'euros). Une somme que la société plaignante juge indispensable pour réparer le préjudice qu'elle prétend avoir subi dans l'affaire dite « fiasco de Tamesna ». Cette affaire remonte à 2004 lorsque la société espagnole, à cette époque nommée « Marina d'Or », avait manifesté un intérêt pour participer au projet de construction de Tamesna et celui de « la Perle de Tanger ». La société a pris part aux chantiers de construction de plusieurs complexes immobiliers qui ont finalement tourné au fiasco. Les ennuis ont commencé à apparaître dès 2016 lorsque la société avait voulu se désengager de ces projets, sachant que plusieurs chantiers ont été suspendus et plusieurs biens immobiliers n'ont pas été vendus. D'où plusieurs difficultés financières qui ont abouti à une série de litiges avec les clients, les fournisseurs et les banques. La société a jugé ensuite que l'administration marocaine n'a pas pris les mesures nécessaires pour protéger ses investissements au Maroc. Raison pour laquelle elle a saisi, par l'intermédiaire du Cabinet « B. Cremades&Associados », le CIRDI afin d'obtenir gain de cause. La défense s'est appuyée sur le traité bilatéral d'investissement signé entre le Maroc et l'Espagne en 1989. Ce traité, rappelons-le, prévoit le recours au CIRDI en cas de différends entre les investisseurs espagnols et l'administration marocaine. Pour se défendre, le Maroc a fait appel au Cabinet « Allen & Overy », dont la branche marocaine est dirigée par l'avocat Hicham Naciri, habitué à assister le Royaume dans les affaires pareilles. Comme les dédommagements réclamés par la société espagnole sont jugées non raisonnables, il est fort probable que le Maroc mène la lutte jusqu'au bout sans penser rapidement à un règlement à l'amiable. Cette option peut s'avérer gagnante sachant que le Royaume a pu obtenir gain de cause face au groupe allemand « Schulz » en août 2022. Cette victoire, la première depuis quinze ans, a prouvé que le règlement à l'amiable n'est pas l'horizon indépassable des litiges au CIRDI.