Le Maroc a triomphé du groupe allemand Scholz, en gagnant son litige au CIRDI. Cependant, le Royaume doit faire face à deux autres contentieux. L'essentiel c'est que cette victoire témoigne de la volonté marocaine de ne plus privilégier les transactions. À l'heure où nous écrivons ces lignes, le Maroc accumule quatre affaires pendantes au Centre international de règlement des différends liés à l'investissement (CIRDI). Engagés dans des litiges face à quatre investisseurs étrangers, le Royaume a toutefois pu se délester d'un grand fardeau, en sortant vainqueur de son contentieux contre le groupe Allemand Scholz. Le tribunal arbitral a statué en faveur du Royaume dans l'affaire qui l'oppose au groupe allemand dont les trois juges formant le tribunal arbitral ont rejeté les accusations. Ceci implique automatiquement que la partie requérante supporte à ses frais le coût de l'arbitrage, dont il est sorti perdant. En effet, le Tribunal fixe les honoraires et frais de ses membres dans les limites qui sont définies par le Conseil administratif et après consultation du Secrétaire général. Une procédure de longue haleine ! En effet, l'affaire remonte au 3 janvier 2019, date où le Secrétaire général a pris acte d'une demande d'arbitrage du groupe allemand, qui reprochait au gouvernement marocain de lui avoir porté préjudice en prenant des mesures concernant la gestion des déchets. La société allemande a argué de l'accord d'investissement signé en 2001 entre le Maroc et l'Allemagne, pour justifier sa demande et réclamer des dédommagements dont elle a revendiqué une somme importante estimée à des millions d'euros. Le Maroc s'accroche et rechigne au compromis Cette fois-ci, le Maroc, habitué à négocier des « deals », a laissé l'affaire suivre son cours, sans se précipiter à proposer un règlement à l'amiable, qui l'obligerait à régler le dossier par une indemnisation. Ceci a été le cas du contentieux avec le groupe américain « Carlyle », qui s'est soldé par un accord à l'amiable. Une sorte de transaction en vertu de laquelle le groupe américain se résigne à accepter une indemnisation inférieure à celle revendiquée au début. Pour se défendre face à Scholz, le Royaume s'est servi de l'expertise franco-marocaine en faisant appel à deux cabinets d'avocats, à savoir le français « Mayer Brown » et « Afrique Advisors », établi à Casablanca. Après l'enregistrement de la requête, le tribunal arbitral a été constitué de trois juges, faute d'un accord entre les parties pour désigner un seul juge. Ainsi, le Maroc a opté pour l'australien Zachary Douglas, tandis que la partie demanderesse a choisi le libanais Nassib Ziadé. Alexis Mourre, pour sa part, a été ensuite désigné président du tribunal suite à un commun accord des parties au litige, et ce, conformément à l'article 37 de la convention du CIRDI. Les audiences ont débuté dès août 2019, après un débat acharné sur le déclinatoire de compétence et le traité invoqué par la partie demanderesse. Deux ans plus tard, la sentence salvatrice a été annoncée. Après cette victoire (elle restera considérée comme telle si l'autre partie ne demande pas une révision de la sentence), le Maroc doit se préparer à en réaliser d'autres puisqu'il fait face actuellement à quatre litiges, portés par des groupes étrangers au CIRDI, dont la société espagnole « Comercializadora Mediterránea de Viviendas S.L », qui a saisi l'instance arbitrale, le 27 juin, après s'être estimée lésée par l'échec de deux projets de construction dont celui de Marina d'Or à Tanger, le groupe invoque le traité signé entre le Maroc et l'Espagne en 1989 et réclame des dédommagements astronomiques : 400 millions d'euros. C'est en tout cas le montant cité par la presse espagnole. Le groupe espagnol n'est pas l'unique adversaire du Royaume, la société française « Finetis », défendue par le cabinet « Medici », reproche, quant à elle, au gouvernement marocain d'avoir violé le traité d'investissement signé en 1996 entre le Royaume du Maroc et la République française. L'affaire bute encore sur les tractations procédurales. Par ailleurs, tous les regards se tournent désormais sur le litige du Royaume avec le groupe « Corral », à propos du dossier sulfureux de la SAMIR. Le groupe, ex-actionnaire majoritaire de la société, accuse le gouvernement marocain d'avoir été la cause de la faillite de la raffinerie, et ce, en violation du traité d'investissement maroco-suédois de 1990, dont s'est prévalu le requérant pour solliciter l'arbitrage du CIRDI. Loin d'être une affaire anodine, ce dossier est d'une importance vitale pour le Maroc puisqu'il concerne les intérêts vitaux du pays. Force est de constater que le sort du redémarrage du raffinage dépend désormais du sort du litige et de ce que décidera le tribunal arbitral. Anass MACHLOUKH Trois questions à Abdelhakim El Kadiri Boutchich « Le recours au compromis dépend de l'ampleur de l'affaire »
Abdelhakim Boutchich Kadiri, auditeur fiscal, consultant international et juge de résolution des différends, a répondu à nos questions sur les affaires du Maroc au CIRDI. - Le Maroc est engagé dans des litiges au CIRDI face à des investisseurs étrangers. Est-ce normal pour un pays comme le Maroc ? - A mon avis, il est tout à fait normal que le Maroc, pays très ouvert sur la mondialisation et sur les IDE, se voit entraîné dans des affaires d'arbitrage. La raison est simple. Comme le Maroc est partie signataire de plusieurs traités d'investissement, ce genre d'actes contiennent souvent des clauses de règlement de différends avec une possibilité de recours au CIRDI. Toutefois, cela dépend de la convention des parties selon la loi sur l'arbitrage. - Le CIRDI a rendu une sentence favorable au Maroc dans le litige qui l'opposait à « Scholz », est-ce que le dernier peut demander la révision de la sentence ? - Sur ce point, il est difficile de prévoir ce que compte faire la partie ayant perdu l'arbitrage. Je précise que dans ce cas, la révision est peu probable vu que les sentences sont exécutoires. En général, il n'y aura de révision qu'en cas de défaillance au niveau de la procédure. - Le Maroc privilégie normalement le règlement à l'amiable contrairement à l'affaire face à Scholz. Le Maroc doit-il aller jusqu'au bout au lieu de privilégier le compromis ? - En ce qui concerne les transactions, le recours au compromis est une décision qui doit être mûrement réfléchie et ne se fait pas, en général, de façon fortuite. Tout dépend de l'ampleur de l'affaire et des intérêts du Maroc. Recueillis par A. M.