L'ensemble des pays pré-émergents d'Afrique subsaharienne (AfSS) sont privés d'accès aux marchés financiers depuis le printemps 2022. L'année dernière, le taux de change effectif du dollar a affiché un niveau jamais atteint en 20 ans, ce qui a eu pour effet de renchérir le remboursement des dettes libellées dans cette monnaie. Grille de lecture du rapport du FMI. Dans son récent rapport sur les perspectives économiques régionales, le Fonds monétaire international (FMI) révèle que l'Afrique subsaharienne fait face à une grande pénurie de financement. Selon les experts du Fonds, plusieurs facteurs concomitants sont à l'origine de cette situation dans région du continent. Ces causes sont imputables, entre autres, à la hausse des taux d'intérêt au niveau mondial, la hausse des spreads sur les obligations souveraines, et la dépréciation des monnaies de la région par rapport au dollar. Tout ceci vient s'ajouter aux difficultés que rencontrent déjà les pouvoirs publics en raison des répercussions de la pandémie de Covid-19 et de la crise du coût de la vie, révèle le rapport. De ce fait, indique le document, et compte tenu de ces évolutions, l'activité économique dans la région restera atone en 2023 : la croissance s'élèvera à 3,6%, avant de se redresser à un niveau de 4,2% en 2024, en supposant que l'on assiste bien à une reprise économique au niveau mondial, que l'inflation ralentisse comme prévu et que le resserrement de la politique monétaire prenne progressivement fin. Pour les rédacteurs, la région est frappée de plein fouet par une pénurie de financement. En effet, la persistance de l'inflation mondiale et le resserrement des politiques monétaires ont entraîné une hausse des coûts d'emprunt pour les pays d'Afrique subsaharienne et exercé une pression accrue sur les taux de change. Par conséquent, aucun pays n'a été en mesure d'émettre une euro-obligation depuis le printemps 2022. La pénurie de financement aggrave une tendance de fond qui est à l'œuvre depuis des années. Sur un autre plan, fait ressortir l'enquête, la charge des intérêts de la dette publique augmente, parce que les pays de la région se tournent de plus en plus vers les marchés financiers où les coûts d'emprunt sont élevés, et parce que les budgets d'aide au développement ne cessent de baisser. Ce manque de financement affecte une région déjà aux prises avec de profonds déséquilibres macroéconomiques.
Regain de croissance La dette publique et l'inflation sont à des niveaux non atteints depuis des décennies. Résultat : la moitié des pays de la région sont en proie à une inflation supérieure à 10%, qui réduit le pouvoir d'achat des ménages, frappe de plein fouet les couches de la population les plus fragiles et attise les tensions sociales. On estime, lit-on dans le rapport, que plus de 132 millions de personnes étaient en situation d'insécurité alimentaire aiguë en 2022. Cette situation, expliquent les rédacteurs, a mis un coup d'arrêt à la reprise économique. La croissance en Afrique subsaharienne va baisser pour s'établir à 3,6% en 2023, préviennent-ils. Ainsi, l'activité dans la région devrait ralentir pour la deuxième année consécutive, dans un contexte d'essoufflement de l'activité économique au niveau mondial. Il convient cependant de souligner que cette moyenne occulte des différences marquées au sein de la région. Par conséquent de nombreux pays afficheront un modeste regain de croissance cette année, en particulier ceux dont le PIB n'est pas fortement dépendant des ressources naturelles, mais la moyenne régionale sera tirée vers le bas par l'atonie de la croissance dans certains des pays les plus importants d'un point de vue économique, dont l'Afrique du Sud. Pour le FMI, la pénurie de financement aura des conséquences pour les perspectives régionales à plus long terme. Elle risque de contraindre les autorités à consacrer moins de moyens à des domaines essentiels pour le développement comme la santé, l'éducation et les infrastructures, au détriment du potentiel de croissance de la région. Cependant, l'institution de Breton Woods envisage des mesures pour y faire face. Il s'agit des domaines d'action prioritaires qui peuvent permettre de remédier aux déséquilibres macroéconomiques dans ce contexte de contrainte financière, dont, entre autres, le rééquilibrage des comptes publics et le renforcement de la gestion des finances publiques dans un contexte de durcissement des conditions financières. Pour ce faire, souligne le rapport, les autorités devront poursuivre l'augmentation des recettes publiques, améliorer la gestion des risques budgétaires et faire preuve de plus de volontarisme dans la gestion de l'endettement. Par ailleurs, l'aide internationale demeure essentielle pour réduire les contraintes de financement auxquelles sont soumis les Etats.
Prudence et inflation Certains pays nécessitent une restructuration ou un rééchelonnement de leur dette. A cet égard, il est indispensable de pouvoir disposer d'un cadre efficace de traitement de la dette, afin que ces pays puissent créer l'espace budgétaire qui leur fait défaut. Il s'agira aussi de juguler l'inflation. La politique monétaire devra être menée avec prudence tant que l'inflation n'aura pas emprunté une trajectoire clairement descendante et qu'elle ne se sera pas rapprochée de la fourchette visée par les banques centrales. Les Etats devraient laisser le taux de change s'ajuster, tout en atténuant les effets économiques néfastes des dépréciations, comme l'accélération de l'inflation et la hausse de l'endettement. Par ailleurs, le FMI recommande aux pays de l'Afrique subsaharienne de veiller à ce que les importantes actions climatiques ne soient pas financées au détriment des besoins élémentaires comme la santé et l'éducation. Sans oublier que le financement de l'action climatique par la communauté internationale doit venir s'ajouter aux montants d'aide actuels. Il est à rappeler que le FMI joue son rôle pour remédier à cette situation. Entre 2020 et 2022, l'institution financière internationale a fourni à la région des financements à hauteur de plus de 50 milliards de dollars, soit plus du double du montant décaissé sur une période de 10 ans depuis les années 90. Le nombre de pays avec lesquels le FMI a conclu des accords de prêt était de 21 en mars 2023, et d'autres demandes sont à l'étude.
Bon à savoir Les décideurs d'Afrique subsaharienne doivent s'attendre à une nouvelle année difficile, marquée par les répercussions persistantes d'une récente série de chocs successifs, auxquelles vient s'ajouter le durcissement des conditions financières. En dépit de sérieuses difficultés de financement, plusieurs leviers de l'action publique peuvent toutefois permettre d'améliorer la situation. Par exemple, la mobilisation des recettes intérieures constitue une source possible de financement. De surcroît, l'amélioration des dispositifs juridiques et réglementaires intérieurs et la mise en œuvre de réformes des systèmes financiers permettraient d'attirer non seulement de précieux financements pour l'action climatique, mais également d'autres types de financements privés de nature à couvrir des besoins élémentaires et d'atteindre certains objectifs de développement. Par-dessus tout, l'Afrique subsaharienne aura besoin du soutien de la communauté internationale pour surmonter l'actuelle pénurie de financement.