Le gouvernement a lancé le programme « ANA MOUKAWIL » pour soutenir les petits entrepreneurs. Un programme important mais insuffisant pour permettre aux TPE de se relever de la crise actuelle, selon Abdellah El Fergui, président de la Confédération marocaine des TPE-PME. Interview. Le gouvernement a lancé le programme « ANA MOUKAWIL » qui constitue un coup de pouce à 100.000 petits entrepreneurs et notamment aux TPE, une bonne nouvelle pour vous ?
Personnellement, je ne suis pas certain si c'est une bonne nouvelle ou un effet d'annonce, vu que la crise des TPE est devenue quasi-endémique.A mon avis, le lancement de ce programme avec des partenaires comme le patronat et la fédération des micro-crédits est incompréhensible parce qu'il semble que les TPE et les porteurs de projets ne sont pas une priorité pour le patronat. En plus, la mise en place d'un tel programme nous interpelle sur le sort du projet Intelaka. Il n'est pas encore clair s'il s'agit d'un programme complémentaire ou d'un suppléant. Aussi, demandons-nous si le taux de 2% du crédit INTELAKA n'est plus d'actualité après l'augmentation du taux directeur 3 fois successives pour atteindre les 3%. Ce sont des questions auxquelles il faut des réponses. J'ajoute que ce programme a été élaboré sans concertation avec notre fédération.
Le ministre Youness Sekkouri a dit que ce programme va permettre d'aider les TPE en début de parcours à payer en partie leur loyer à raison de 10.000 dirhams par an. Qu'en pensez-vous ?
D'abord, il faut rappeler quelques chiffres. La moyenne des loyers dans les petites villes est entre 2500 à 3000 DH par mois, selon l'emplacement et la superficie du local. Par contre, dans les grandes villes, la moyenne peut varier de 6000 à 10.000 DH par mois. Cela dit, cette subvention peut payer 2 ou 3 mois de loyers au plus. Maintenant, reste à savoir qui va bénéficier des différents chèques annoncés par le ministre de tutelle et de quelle façon. L'expérience nous a montré que la réussite de ce genre de programmes dépend de l'organisme qui s'en charge. Malheureusement, l'ANAPEC, à mon avis, n'a pas un bilan satisfaisant en la matière. Tout le monde se souvient du sort des programme tels que Moukawalati, société ANAJAT et d'autres programmes qui n'ont pas donné les effets escomptés.
Selon votre expérience, quelles sont les charges qui pèsent le plus sur les petites entreprises ?
Elles sont nombreuses. J'en cite l'accès aux financements, l'accès à la commande publique, au foncier et le retard de paiement. Force est de constater que l'offre de financement bancaire pour les TPE représente 1% de l'offre globale, tandis que les PME et les grandes entreprises en accaparent 99%. Ce qui m'a le plus interpellé, c'est l'absence de mention de la commande publique à laquelle la majorité des TPE n'ont pas accès.
A cela s'ajoute le problème du foncier. Les TPE n'en ont pas aussi accès vu qu'elles n'en trouvent pas, sachant que toutes les zones industrielles ne disposent pas de lots adaptés aux petites entreprises. Je peux vous citer également les délais de paiement qui restent un grand problème. Donc, à mon avis, le programme « Ana Moukawil » n'apporte pas une réponse globale aux véritables problèmes structurels quoiqu'il allège partiellement le fardeau sur les porteurs de projets.
Parmi les mesures du programme, on trouve le chèque-gestion destiné à aider les entreprises à améliorer la gestion de leur comptabilité, pensez-vous que cette initiative permettra d'aider les TPE à surmonter leurs problèmes de gestion financière ?
- Le chèque-gestion destiné à aider les entreprises et améliorer la gestion de leur comptabilité peut aider certaines TPE, mais pas au point de surmonter leurs problèmes de trésorerie. Certes, c'est une aide méritoire, mais elle demeure insuffisante. Je rappelle que les problèmes financiers se sont accumulés de façon telle que seule la solution qui me paraît la plus urgente est la création d'une banque d'Etat pour financer les TPE. Reste aussi à savoir qui bénéficiera de ces chèques.
Vous avez dit dans votre dernier communiqué que les effets de la crise du Covid-19 se font toujours sentir chez les TPE, peut-on avoir un éclairage ?
- Justement, les effets de la crise Covid-19 se font toujours sentir chez les TPE, en plus de la crise causée par la sécheresse et l'inflation. Des centaines des TPE se retrouvent jusqu'à maintenant avec des dettes impayées qui remontent à l'époque de la pandémie. Nous avions mené une étude en avril 2020 qui a montré que plus de 83% des TPE étaient en arrêt total pendant le confinement. Malheureusement, la relance n'était pas à la hauteur puisque les TPE n'ont pas pu se rattraper. Je rappelle qu'elles n'ont pas bénéficié, comme espéré, ni du crédit Oxygène ni du crédit Relance TPE. L'inflation est venue stopper et arrêter cet élan de reprise. Aussi, les TPE ont continué à porter sur leurs épaules le fardeau des dettes fournisseurs, de loyer, de fisc, de CNSS, etc. Elles sont près de 20.000 TPE à avoir déclaré faillite en 2021, et 25.000 en 2022. Maintenant, selon nos estimations, plus de 250.000 TPE sont menacées de faillite.
Pensez-vous que ce programme puisse compenser le Fonds de relance que vous revendiquez depuis longtemps ?
- Ce programme ne peut pas compenser le Fonds de relance que nous revendiquons depuis longtemps et qui doit être doté de 20 milliards de dirhams au minimum comme celui dédié à l'accélération industrielle.
Pourquoi remettez-vous en cause la capacité de l'ANAPEC à gérer ce programme ?
- A mon sens, l'ANAPEC trouve beaucoup de difficultés à atteindre ses vrais objectifs en matière d'emploi. Donc, comment peut-elle atteindre des objectifs qui me semblent au-delà de ses compétences ? Une simple formation de personnels n'est pas une solution. Je connais très bien l'ANAPEC depuis qu'elle était CIOPE au sein de l'OFPPT dans les années 90. En plus, juste avant la pandémie, une commission parlementaire a visité le siège de l'ANAPEC suite à ses supposés dysfonctionnements administratifs et financiers.
« ANA MOUKAWIL » : Des chèques pour alléger la facture des petits entrepreneurs Lancé, mardi, par le ministre de l'Inclusion Economique, de la Petite Entreprise, de l'Emploi et des Compétences, Youness Sekkouri, lors d'une cérémonie officielle en présence du ministre de l'Enseignement supérieur et le patron de la CGEM, le programme « ANA MOUKAWIL » est un coup de pouce aux petits entrepreneurs pour les encourager à entreprendre davantage. Le ministre de tutelle a parlé même d'un « programme populaire ». En effet, ce programme, doté d'une enveloppe de 500 millions de dirhams, offre plusieurs dispositifs d'aide financière pour alléger les charges sur les petits entrepreneurs et les porteurs de projets. Il s'agit des chèques « conseil », « formation », « gestion ». Il y a également des subventions de loyer qui permettent aux bénéficiaires de payer une partie de leur loyer. Lors de son allocution, le ministre a évoqué un soutien de 10.000 dirhams par an comme point de départ, laissant entendre que le soutien pourrait augmenter les années à venir. Concernant les chèques gestion, ils permettront, selon Youness Sekkouri, d'aider les entreprises bénéficiaires à améliorer la gestion de leurs trésoreries. Ces dispositifs ont été actés dans plusieurs conventions de partenariat signées entre le ministère de tutelle et des acteurs publics et privés tels que la Confédération Générale des Entreprises du Maroc (CGEM), l'Observatoire Marocain de la Très Petite et Moyenne Entreprise (OMTPME), le ministère de l'Enseignement supérieur, de la Recherche scientifique et de l'Innovation et l'Office de la Formation Professionnelle et de la Promotion du Travail (OFPPT). En vertu de ces deux conventions, les bénéficiaires pourront bénéficier d'un accompagnement intégré et gratuit