Le pouvoir judiciaire est appelé à jouer un rôle plus efficace dans la protection du consommateur au Maroc, à travers notamment le renforcement des moyens d'action du parquet. C'est ce qui s'est dégagé de la table-ronde, tenue vendredi 10 mars à Casablanca, à l'initiative de la Fédération nationale des associations du consommateur (FNAC) en partenariat avec la ligue des magistrats du Maroc. Au centre des débats, la loi 31.08 relative à la protection du consommateur, considérée comme une avancée majeure dans le processus de garantie des droits du consommateur, mais dont les nombreuses lacunes sont apparues au fil de son application. Entrée en vigueur en 2011, elle édicte les droits des consommateurs, notamment, le droit à l'information, à la rétraction, à la liberté de choix et de représentation, ainsi que le droit à la protection contre les clauses abusives qui peuvent figurer dans certains contrats de crédits immobiliers ou de consommation. Cependant, des années après sa promulgation, ladite loi se heurte à plusieurs dysfonctionnements qui font entorse aux droits de consommateurs dans plusieurs cas de figure ou encore à cause de dispositions difficiles à appliquer dans le contexte marocain. C'est en tout cas le constat relevé par les spécialistes en la matière lors des débats, d'où leur appel au législateur à remédier à ces anomalies afin d'assurer une meilleure protection du consommateur. « Le pouvoir judiciaire à un rôle central dans la protection du consommateur. Mais pour atteindre l'efficacité judiciaire, il faut d'abord et avant tout dépasser certaines anomalies auxquelles se heurtent les textes de loi, 12 ans après leur promulgation », a indiqué Abdelhak Kouiriti, professeur à la faculté de droit d'Oujda. Pour lui, le pouvoir judiciaire, dans le contexte marocain, n'intervient pas à titre préventif mais se contente de statuer une fois le préjudice subi, pour procéder à la réparation des dommages. Cela n'est pas de nature à faire cesser les comportements nuisibles aux droits du consommateur. Preuve à l'appui, un seul consommateur parmi 100 pense à ester en justice. Autre insuffisance dans la loi, selon le même intervenant : « Le juge n'est pas habilité à enclencher la procédure de recherche de l'infraction dans le cadre de la protection du consommateur, et le parquet général ne peut intervenir que suite à une plainte déposée par un consommateur », relève Pr Kouiriti, appelant ainsi à mettre en place un parquet spécialisé en matière de protection du consommateur et doté de tous les mécanismes nécessaires à ce propos. « Malgré la multitude de textes de loi et réglementations, les mécanismes de mise en œuvre sont quasi-inexistants . C'est cela qui fait que nous ne sommes pas encore parvenus à une protection efficace du consommateur », argue le professeur en droit. Une inflation législative désarmante Au lieu de favoriser une protection efficace du consommateur pour atteindre les objectifs fixés, la multitude de textes de loi ne fait, selon les intervenants, que désorienter les parties prenantes du fait des difficultés qui se présentent pour appréhender au mieux certaines dispositions. Plus encore, certaines autres dispositions restent inapplicables dans plusieurs aspects de la vie quotidienne du consommateur, à savoir le droit de rétraction, cela veut dire le droit d'annuler un contrat de vente dans des cas spécifiques. « Dans le commerce ordinaire par exemple, il n'y a pas un contrat de vente qui lie le consommateur à un commerçant. Comment peut-on lui garantir le droit de se rétracter ? », relève Pr Kouiriti qui souligne d'ailleurs que dans ces cas de figure, il est difficile de pouvoir rassembler les preuves nécessaires pour ester en justice. Si la présente loi prend en compte les avancées du Royaume en matière de commerce en ligne, elle a cependant ignoré d'autres domaines notamment les banques participatives, le domaine des services et autres. « Après 12 ans d'application, le législateur devrait rattraper ces insuffisances de la loi pour protéger les droits du consommateur dans ses rapports avec les acteurs de chaque domaine », relève-t-il, soulignant que les peines vont devoir être durcies pour assurer le respect des dispositions de ladite loi.