Le diagnostic des infrastructures nationales en Afrique montre que pour combler le déficit sur le continent, il est nécessaire d'investir 93 milliards de dollars par an avec une certaine ventilation sectorielle. C'était l'une des principales préoccupations des participants au Sommet de Dakar sur cette question. Eclairage. La question des infrastructures sur le continent est toujours d'actualité quand on sait que l'Afrique est de loin la partie du monde la moins pourvue en infrastructures (autoroutes, ports, aéroports, centrales électriques, barrages hydroélectriques, réseaux d'eau et d'assainissement...). Le Sommet, qui vient de se tenir à Dakar au Sénégal, l'a bien démontré.
Car ces déficits en infrastructures ont des impacts négatifs importants sur le développement de l'Afrique. Résultat : à en croire les données de la Banque africaine de développement (BAD), seulement 56% d'Africains ont accès à l'électricité et 42% à l'eau potable. Et au niveau de l'électricité, sachant que les pays d'Afrique du Nord ont des taux d'électrification de presque 100%, il va sans dire qu'au niveau de l'Afrique subsaharienne, le taux d'électrification devrait tourner autour de 40%.
L'insuffisance des réseaux routiers entrave l'approvisionnement de nombreuses régions du continent dans des conditions efficientes. Bref, le déficit d'infrastructures en Afrique est une réalité qui est devenue handicapante, poussant la BAD à faire du financement des infrastructures une de ses priorités.
C'est donc sans surprise que l'appel a été lancé, lors de ce Sommet, aux investisseurs et partenaires à soutenir les Etats membres de l'UA dans la collecte des ressources nécessaires, désormais dénommé Déclaration de Dakar. Il s'agit des projets bancables. Pour ce faire, les participants ont demandé à l'Agence de développement de l'Union «AUDA-NEPAD» de rendre compte des progrès réalisés par le biais des mécanismes de gouvernance de l'UA lors du prochain sommet.
Commerce intra-africain
La déclaration de Dakar exhorte, en outre, les partenaires techniques et financiers, les BMD, les IFD, les fonds de garantie et le secteur bancaire à assouplir les conditions de financement, notamment la réduction des taux d'intérêt, le relèvement du plafond de l'endettement et du déficit budgétaire. Il en est de même pour les banques régionales de développement, AFREXIMBANK, la CEA, les CER et le secrétariat de la Zone de libre-échange continentale africaine pour renforcer la coopération mutuelle, afin de promouvoir les infrastructures de soutien au commerce intra-africain.
Marqué par la présence du Chef de l'Etat sénégalais, Macky Sall, Président en exercice de l'Union Africaine, en présence notamment du Président rwandais, Paul Kagame, et du président de la Commission de l'Union africaine, Moussa Faki Mahamat et de la directrice générale de l'Agence de développement de l'UA (AUDA-NEPAD), Nardos Bekele-Thomas, ce Sommet de deux jours a permis de mettre à jour les atouts de l'Afrique mais aussi les défis à relever. A cet effet, selon le programme AUDA-NEPAD, et ce, dans le cadre de la mise en place des actions prioritaires du programme de développement des infrastructures en Afrique (PIDA), environ 400 projets ont été enregistrés depuis 2012, dont environ 30% portaient sur les infrastructures. En outre, la phase 2 du PIDA devrait permettre d'augmenter et de garantir le financement nécessaire à la préparation des 69 projets prioritaires, pour un investissement total de 346 milliards 496 millions de francs CFA. Il s'agira aussi de faire correspondre les besoins de financement des projets PIDA aux sources de financement disponibles.
C'est à juste titre, d'ailleurs, que le président du Conseil de paix et sécurité (CPS) de l'UA, Moussa Faki, a noté qu'à l'heure actuelle, seulement 38% de la population africaine a accès à l'électricité, moins de 10% est connectée à internet et seulement 25% du réseau routier africain est pavé. Il a souligné que «les appels constants de notre continent pour des investissements de grande ampleur dans les infrastructures productives, conséquences logiques de cet état de fait, cherchent à inverser cette tendance. Pour ce faire, l'Union Africaine a pris un certain nombre d'initiatives».
Pour lui, il faut tenir un langage de vérité. «L'état des lieux montre que l'Afrique accuse un retard considérable dans ce secteur, ce qui induit un manque à gagner en termes de croissance économique estimé à 2% par an. L'Agenda 2063 de l'Union Africaine l'a en substance proclamé de manière structurée, précise et claire», a-t-il fait remarquer.
Les grands obstacles
C'est dans ce cadre que les participants ont demandé à AUDA-NEPAD, en coordination avec la CUA, la BAD et les CER de mettre en place un mécanisme de suivi des conclusions de la rencontre de Dakar et appellent la Conférence de l'Union Africaine à inscrire le Sommet de Dakar sur le financement des infrastructures dans l'Agenda des rencontres de l'organisation panafricaine.
Comme l'indique le PIDA, dont les projections sur les besoins en infrastructures de l'Afrique reposent sur une hypothèse de croissance du PIB de 6% par an jusqu'en 20140,«cette croissance et cette prospérité durables vont multiplier la demande d'infrastructures dont la pénurie est déjà l'un des plus grands obstacles au développement du continent».
Dans le secteur de l'énergie par exemple, d'après le PIDA, la demande d'énergie de l'ordre de 590 térawatts-heure (TWh) en 2010 passerait à 3100 TWh en 2040. Cette explosion de la demande, alimentée par l'essor démographique et la croissance économique, nécessiterait une capacité de production de 700 GW alors que la capacité actuelle du continent tourne autour de 125 GW.
Dans le secteur des transports, les volumes transportés devraient être multipliés par 6 ou 8 dans la plupart des pays, faisant ainsi passé le trafic portuaire de 265 millions de tonnes en 2009 à 2 milliards en 2040. Pour ce qui est de l'eau et de l'assainissement, l'essor démographique du continent dans les prochaines décennies et l'accélération de son urbanisation accentueront les besoins en infrastructures dans les villes africaines. C'est dire l'importance de ce Sommet.
Ce deuxième Sommet, tenu au centre international de Conférences Abdou Diouf (CICAD) de Diamniadio, auquel a pris part le Maroc, a été organisé par l'Agence de Développement de l'UA (Auda-NEPAD) et le gouvernement du Sénégal a pour objectif de mobiliser les financements nécessaires à l'accélération du développement de ces dernières sur le continent.
Wolondouka SIDIBE
Bon à savoir En matière de transports, le déficit d'infrastructures constitue un véritable goulot d'étranglement. C'est notamment le cas pour les infrastructures portuaires dont la capacité est souvent très en deçà des besoins. Le Port de Bissau par exemple, poumon de l'économie du pays, reçoit aujourd'hui environ 30.000 conteneurs par an alors qu'il a été initialement construit pour en recevoir 5.000. Et on pourrait presque en dire autant du port de San Pedro en Côte d'Ivoire ou de celui de Dakar au Sénégal. D'autre part, le manque de routes et de chemins de fer rend difficile la connexion entre les lieux de production et les marchés de consommation, rendant ainsi difficile le commerce intra africain. Quant à l'eau et à l'assainissement, il devient de plus en plus important dans un continent qui doit faire face à un essor démographique qui accentue les difficultés d'accès à l'eau potable et les problèmes de salubrité publique. Déclaration de Tanger : En examen au 36ème Sommet de l'UA Le Conseil de paix et de sécurité (CPS) de l'Union Africaine (UA) vient d'adopter la «Déclaration de Tanger» sur la promotion du lien entre la paix, la sécurité et le développement en Afrique et a décidé de la soumettre pour examen et adoption par le 36ème Sommet de l'organisation panafricaine prévu la mi-février. Le CPS de l'UA «adopte la Déclaration de la Conférence de l'UA sur la promotion du lien entre la paix, la sécurité et le développement en Afrique, intitulée +Déclaration de Tanger+ et décide de la soumettre "pour examen et adoption par la Conférence de l'Union lors de la 36ème session ordinaire des chefs d'Etat et de gouvernement qui se tiendra en février 2023». C'est ce qu'a affirmé le Conseil dans un communiqué ayant sanctionné sa 1134ème réunion tenue récemment sur l'examen de la Déclaration de Tanger. Le CPS «se félicite de la tenue de la Conférence politique de l'UA sur la promotion du lien entre la paix, la sécurité et le développement en Afrique, qui s'est tenue du 25 au 27 octobre 2022 à Tanger. Cette conférence a réuni de multiples parties prenantes, notamment les Etats membres de l'UA, les organes et institutions de l'UA, les communautés économiques régionales, les représentants de l'Organisation des Nations Unies et de ses agences, les institutions africaines de développement, les organisations de la société civile, le monde universitaire, les professionnels, les groupes de jeunes et de femmes, et les partenaires au développement», lit-on dans le communiqué.
Partenaires concernés Le CPS, ajoute le communiqué, «rend hommage au gouvernement du Royaume du Maroc pour les efforts qu'il a déployés pour abriter la Conférence politique de l'UA sur la promotion du lien entre la paix, la sécurité et le développement en Afrique» et «félicite la Commission de l'UA, en collaboration avec le Royaume du Maroc et tous les partenaires concernés, pour avoir organisé avec succès la Conférence politique de l'UA». Le CPS exprime également «sa profonde gratitude à tous les partenaires et parties prenantes pour le soutien apporté afin d'assurer la réussite de la Conférence politique et leur participation, et demande aux Etats membres de l'UA, à la Commission de l'UA, aux Communautés économiques régionales et aux partenaires d'œuvrer à la mise en œuvre de la Déclaration de Tanger, et ce, de manière bien coordonnée, et à la Commission de l'UA de diriger ces initiatives afin d'assurer une synergie et une large participation de toutes les parties prenantes travaillant sur le lien entre la paix, la sécurité et le développement». La promotion du lien entre la paix, la sécurité et le développement en Afrique, rappelle-t-on, avait été au centre de la réunion du CPS de l'UA au cours de sa 883ème réunion tenue, au niveau ministériel lors de la présidence marocaine du Conseil pour le mois de septembre 2019, en marge de la 74ème Session de l'Assemblée générale des Nations Unies. Présidée par le ministre des Affaires étrangères, de la Coopération africaine et des Marocains résidant à l'étranger, Nasser Bourita, cette réunion du CPS avait examiné la thématique «l'interdépendance entre la paix, la sécurité et le développement : vers un engagement collectif pour l'action».
BAD-CEDEAO : Approbation d'une ligne de crédit à double monnaie Le Conseil d'administration du Groupe de la Banque africaine de développement (BAD) vient d'approuver, à Abidjan en Côte d'Ivoire, une ligne de crédit à double monnaie pour le financement du commerce en faveur de la Banque d'investissement et de développement de la CEDEAO (BIDC), d'un montant de 50 millions de dollars et de 50 millions d'euros. Un cofinancement supplémentaire de 30 millions de dollars proviendra du Fonds «Africa Growing Together» (AGTF), une facilité parrainée par la Banque populaire de Chine, précise la BAD dans un communiqué. La BIDC utilisera cette facilité d'une durée de trois ans et demi pour fournir un financement direct aux entreprises locales. Une part de la facilité sera canalisée vers des banques locales sélectionnées pour l'octroi de prêts à des secteurs clés tels que l'agriculture, les infrastructures et les transports. Les bénéficiaires finaux sont les petites et moyennes entreprises (PME), les coopératives d'entreprises locales et les agriculteurs de l'Afrique de l'ouest. S'exprimant peu après l'approbation par le Conseil d'administration, le directeur général adjoint pour la région Afrique de l'ouest, Joseph Ribeiro, a indiqué que les institutions régionales de financement du développement telles que la BIDC sont des partenaires clés de la Banque africaine de développement et servent des marchés et des segments de clientèle essentiels au développement global du continent. «Elles jouent un rôle important dans la promotion du commerce et de l'intégration régionale. Il s'agit du premier soutien financier de la Banque à la BIDC, et nous nous réjouissons à l'idée d'un partenariat encore plus solide dans un avenir proche», a-t-il déclaré. La Banque africaine de développement estime que le déficit annuel de financement du commerce en Afrique est d'environ 81 milliards de dollars. Comparativement aux multinationales et aux grandes entreprises locales, les PME et autres entreprises nationales ont plus de difficultés à accéder au financement du commerce, note le communiqué.