Entre indignation et appel à la retenue, la polémique continue de susciter des réactions ambivalentes au sein du corps des professions judiciaires. Sous pression, le ministre s'est vu obligé par la Justice administrative de revérifi er les copies des candidats. Détails. Les soubresauts de la polémique des avocats se poursuivent. En dépit de ses sorties médiatiques pour se défendre, le ministre Abdellatif Ouahbi n'est pas parvenu à éteindre les flammes d'une affaire aux allures d'un scandale, qui continuent d'embraser le débat public. Ce dernier, rappelons-le, s'est senti obligé de se défendre en allant, dimanche, au plateau de 2M à l'émission «Avec Ramdani» pour plaider son innocence. Cette affaire ne cesse de faire crépiter les claviers des journalistes, tant les indignations se font de plus en plus nombreuses. Les critiques ont commencé à apparaître au sein même du corps des avocats, dont le syndicat du Maroc a critiqué ouvertement la gestion du concours par le ministère de tutelle. Dans un communiqué publié samedi, le syndicat a fait part de son inquiétude des irrégularités qui ont entaché le concours, tout en en imputant l'entière responsabilité au ministre. Celui-ci est, aux yeux du syndicat, pleinement responsable, aussi bien sur le plan éthique que juridique, des dysfonctionnements des épreuves écrites. Appels à annuler les résultats
De quoi pousser le syndicat en question à appeler à l'annulation des résultats du concours et à ouvrir une enquête pour élucider les soupçons de favoritisme qui pèsent sur les personnes admises. Les rédacteurs dudit communiqué ont jugé opportun de réorganiser les épreuves écrites de sorte à assurer l'égalité des chances à tous les candidats. Outre cela, le syndicat a exigé la révision des copies. Le ministre, Abdellatif Ouahbi, s'est montré ouvert à cela, en assurant à tous les candidats le droit d'avoir accès à leurs copies. Lors de son passage au plateau d'Al Oula, mercredi dernier, le ministre a déclaré que toute personne qui s'estime lésée peut faire recours auprès de la commission des examens et demander à consulter sa copie. Les épreuves écrites, rappelons-le, se sont déroulées sous forme de QCM à points négatifs, ce qui veut dire que toute fausse réponse est sanctionnée par retrait de points. La correction s'est faite par une machine qui calculait les notes, selon les explications de Ouahbi. La Justice dit son dernier mot
Très critiquée sur les réseaux sociaux, ce dernier s'est vu même confronté à la Justice. Après avoir fait recours, une candidate malheureuse, nommée Wafaa, a obtenu gain de cause auprès du Tribunal administratif de Rabat. Dans une décision datant du 6 janvier, dont «L'Opinion» détient copie, la juridiction administrative a autorisé la plaignante à revoir sa copie. Raison pour laquelle le tribunal a nommé un commissaire judiciaire et l'a dépêchée auprès de la commission ministérielle chargée des épreuves pour consulter la copie concernée et la comparer avec la référence des réponses. Le tribunal a jugé cette demande pertinente, correctement motivée et fondée en droit dans la mesure où elle ne contrevient aucunement à la loi. Ce cas, rappelons-le, n'est régi par aucune disposition législative ou réglementaire. Les magistrats préoccupés. De con côté, le Club des magistrats du Maroc n'est pas resté silencieux après que plusieurs personnes l'aient contacté. Dans un communiqué, paru samedi, le Club s'est dit incompétent à recevoir les plaintes, tout en faisant part de son inquiétude de ce qui se dit dans le débat public au sujet des résultats de l'examen d'accès au barreau et les conséquences sur la défiance vis-à-vis du concours. Le Club s'est montré attaché au principe de l'égalité des chances et au droit d'accéder aux métiers de justice sur la base du mérite. Prenant acte de ce qui s'est passé, ce rassemblement de magistrats a décidé d'examiner les outils d'évaluation adoptés dans les examens d'accès aux métiers judicaires tels que les attachés judiciaires. Là, le Club a fait référence au QCM dont il examinera l'objectivité et la transparence dans une note qu'il annoncera prochainement. L'adoption de cette méthode dans un métier aussi complexe et sensible que celui des avocats a fait couler beaucoup d'encre, vu qu'il était de coutume d'opter pour les dissertations et les sujets de réflexion, et ce, en harmonie avec la vocation des robes noires dont le métier est d'écrire et professer des plaidoiries à l'intention des juges. L'ABAM dénonce une campagne de diffamation
Pour sa part, l'Association des Barreaux du Maroc (ABAM) a réagi à la polémique, après plusieurs jours de silence. Réunis en urgence, vendredi dernier, les membres de l'Association se sont finalement prononcé sur ce sujet en publiant un communiqué en cinq points. En réaction aux critiques qui ont ciblé la liste des personnes admises, l'ABAM a dénoncé fermement ce qu'elle appelle «l'exploitation du concours pour porter atteinte à la profession d'avocat et à son image». L'association a condamné les motivations des personnes derrière les campagnes de dénigrement qui, poursuit la même source, ne ratent aucune occasion pour compromettre une profession aussi noble que celle des avocats. En ce qui concerne le concours d'aptitude, l'association a regretté les réactions qu'elle juge «déplacées et démesurées» qui «outrepassent le droit légitime à la protestation». Allusion faite à la diffusion de la liste des personnes admises et leurs liens de parenté avec des personnalités publiques et influentes. Un geste qualifié de «dérapage» par l'ABAM dans son communiqué où elle dénonce la diffamation à l'encontre des candidats admis et leurs familles. Raison pour laquelle les membres de l'association ont appelé tous les avocats à rester solidaires les uns des autres et vigilants. L'association a expliqué que l'accès à la profession demeure organisé par la loi et supervisé par le ministère de tutelle, de façon à garantir à tous les candidats les meilleures conditions de stage pour apprendre le métier et s'imprégner de ses valeurs. Rappelons que le concours d'aptitude à la profession d'avocat a eu lieu le 4 décembre. Les résultats des épreuves écrites ont été publiés à la fin du même mois, provoquant une vive polémique qui a ciblé le ministre de tutelle, Abdellatif Ouahbi, accusé de favoritisme. Les avocats qui n'ont pas été admis ont protesté, mardi dernier, devant le Parlement pour revendiquer l'annulation des résultats. Le ministre, pour sa part, a refusé les accusations de clientélisme, en assurant, dans ses sorties médiatiques, que l'examen s'est déroulé de façon transparente. Anass MACHLOUKH