Le temps d'une semaine, Rabat est propulsée en capitale mondiale du patrimoine culturel immatériel en hébergeant les travaux de la 17ème session du Comité intergouvernemental de l'UNESCO. Le coup d'envoi des travaux de la 17ème session du Comité intergouvernemental de l'UNESCO de sauvegarde du patrimoine culturel immatériel a été donné lundi à Rabat, sous la présidence du Maroc, avec la participation de ministres et de représentants de la société civile de 180 pays, ainsi que des responsables de l'UNESCO. La séance d'ouverture de cette session, qui se poursuit jusqu'au 3 décembre 2022, a été marquée par le message adressé par SM le Roi Mohammed VI aux participants, dont la lecture a été donnée par le Secrétaire général du gouvernement, Mohamed El Hajoui, en présence du Conseiller de SM le Roi, André Azoulay, du ministre de la Jeunesse, de la Culture et de la Communication, Mohamed Mehdi Bensaïd, du représentant permanent du Maroc à l'UNESCO, Samir Addahre, et de la Directrice Générale de l'UNESCO, Audrey Azoulay. SM le Roi a appelé, à cette occasion, au renforcement de la coopération multilatérale internationale en matière de protection du patrimoine culturel immatériel et à l'échange d'idées et d'expériences autour des moyens de sa sauvegarde. Un nouveau centre national Le Souverain a par ailleurs appelé à l'élaboration d'approches judicieuses pour sensibiliser les jeunes générations à la portée réelle de ce patrimoine en mettant l'accent sur la nécessité de le numériser dans toute sa richesse. SM le Roi Mohammed VI a également annoncé « la création d'un Centre national pour le patrimoine culturel immatériel, qui aura pour tâche de consolider les acquis réalisés en la matière. L'une des missions de ce Centre consistera à poursuivre l'inventaire méthodique du patrimoine national à travers le Royaume et à mettre en place une base nationale de données pertinentes. Outre des formations académiques organisées pour renforcer les capacités des professionnels chargés des mesures de sauvegarde, la nouvelle structure nationale sensibilisera les jeunes générations à l'importance du patrimoine culturel. Elle aura également pour objectif d'évaluer l'efficacité des mécanismes de conservation des biens marocains répertoriés sur les listes du patrimoine mondial et de préparer les dossiers de candidature que notre pays compte présenter à l'avenir ». Métiers de l'artisanat L'autre fait marquant de la 17ème session du Comité intergouvernemental de l'UNESCO a été la signature d'un accord de projet pour la sauvegarde et la transmission du patrimoine artisanal menacé de disparition. Paraphé par la ministre du Tourisme, de l'Artisanat et de l'Economie sociale et solidaire, Fatim-Zahra Ammor, et le directeur du bureau de l'UNESCO pour le Maghreb, Eric Falt, cet accord vise la mise en place d'un système durable de transfert des compétences et de transmission des savoir-faire liés aux métiers de l'artisanat, notamment ceux classés par l'inventaire national mené par le ministère avec l'appui de l'UNESCO, comme étant menacés de disparition. L'accord signé prévoit, d'une part, l'encouragement des maîtres-artisans porteurs de savoirs et compétences ancestrales uniques, et qui se verront accorder le titre de Trésors Humains Vivants, à partager leur connaissances et compétences, et, d'autre part, l'incitation des jeunes à apprendre, reconstruire et recréer cet héritage artisanal, tout en leur offrant un programme de formation qualifiante. Trésor humain vivant Dans une déclaration à la presse, Mme Ammor a ainsi précisé que l'objectif de ce partenariat est de répondre au souci de perte du savoir-faire dans le domaine de l'artisanat du fait que, souvent, les maîtres-artisans finissent de pratiquer leur savoir sans avoir eu le temps de transmettre cette connaissance aux générations futures. « Il s'agit de mettre en place un système de trésor humain vivant qui va nous permettre d'identifier ces maîtres-artisans et de mettre en place les moyens à même de pouvoir transmettre tout leur savoir à des générations plus jeunes pour perpétuer nos traditions », a-t-elle expliqué. De son côté, M. Falt s'est dit fier de la signature de ce nouvel accord portant sur le patrimoine immatériel qui s'inscrit dans le cadre d'une rencontre, laquelle réunit des experts des quatre coins du monde, mettant en avant la richesse patrimoniale du Maroc estimée très importante. Tous ces métiers qui existent depuis des millénaires, a-t-il dit, ont besoin d'un soutien, réitérant l'engagement de l'UNESCO de collaborer avec le Maroc afin de soutenir un nombre de corps de métiers et de pouvoir les transmettre aux nouvelles générations. Oussama ABAOUSS Repères Réception royale La Princesse Lalla Hasnaa, Présidente de la Fondation pour la Sauvegarde du Patrimoine Culturel de Rabat, a offert lundi une réception en l'honneur d'une délégation de l'UNESCO. Cette réception a été l'occasion d'un échange entre Son Altesse Royale et la Directrice Générale de l'UNESCO, Mme Audrey Azoulay, qui a porté sur la coopération, depuis dix ans, entre la Fondation et l'Organisation onusienne en ce qui concerne la gestion du patrimoine de la ville de Rabat, inscrit en 2012 sur la liste du patrimoine mondial de l'humanité.
« Halqa » à l'honneur Une performance artistique a mis en lumière, lundi à Rabat, la place de la « Halqa », en particulier dans la mémoire populaire marocaine, et du patrimoine culturel immatériel marocain en général. Organisée par l'Association des rencontres de l'éducation et de la culture dans le cadre de la 17ème session du Comité intergouvernemental de l'UNESCO, cette performance, marquée par la présence d'un public international et multiculturel, a été l'opportunité de mettre en avant les patrimoines culturels et populaires marocains. L'info...Graphie Ordre du jour Le Comité intergouvernemental de l'UNESCO au four et au moulin
L'ordre du jour de cette 17ème session du Comité intergouvernemental de l'UNESCO de sauvegarde du patrimoine culturel immatériel prévoit l'examen de 24 rapports sur un élément inscrit sur la Liste du patrimoine culturel immatériel nécessitant une sauvegarde urgente et de 42 rapports des Etats parties d'Europe sur la mise en oeuvre de la Convention de 2003 et sur l'état actuel des éléments inscrits sur la Liste représentative. Le Comité (présidé par le Maroc et composé de 24 représentants élus parmi les 180 Etats parties à la Convention pour la sauvegarde du patrimoine culturel immatériel) planchera aussi sur 4 candidatures pour la Liste de sauvegarde urgente, 46 candidatures pour la Liste représentative, 5 propositions pour le Registre de bonnes pratiques et une demande d'assistance internationale déposée par le Malawi. A noter que la Convention pour la sauvegarde du patrimoine culturel immatériel est un traité de l'UNESCO adopté par la Conférence générale de l'Organisation onusienne le 17 octobre 2003 et entré en vigueur en 2006.
Coopération L'expertise marocaine au service de la protection du patrimoine africain
Mardi 29 novembre à Rabat, le Maroc et l'Organisation des Nations Unies pour l'éducation, la science et la culture (UNESCO) ont signé un accord-cadre de partenariat visant à mettre l'expertise marocaine en matière de protection du patrimoine à la disposition d'autres pays d'Afrique subsaharienne. En vertu de cet accord-cadre, paraphé par le ministre de la Jeunesse, de la Culture et de la Communication, Mohamed Mehdi Bensaïd, et la directrice générale de l'UNESCO, Audrey Azoulay, les deux parties conviennent d'apporter leur expertise à des activités de renforcement des capacités dans le domaine du patrimoine mondial, de celles des acteurs de la lutte contre le trafic illicite des biens culturels, ainsi que des spécialistes des musées pour contribuer à la lutte contre le trafic illicite de ces biens et à la conservation des collections, à l'établissement d'inventaires et à la promotion du rôle des musées en Afrique pour les sociétés. En plus du renforcement des capacités, ce partenariat comporte aussi un volet de coopération technique avec l'UNESCO "pour la mise en oeuvre des missions de courte ou de longue durée d'experts marocains dans les Etats bénéficiaires, l'accueil dans des organismes publics au Maroc de fonctionnaires ou de techniciens en provenance des Etats bénéficiaires pour des programmes de formation, l'organisation dans les Etats bénéficiaires de sessions de formation de courte ou de longue durée, ainsi que de séminaires techniques et la participation du partenaire aux différents événements nationaux et internationaux organisés par l'UNESCO". 3 questions à Ahmed Skounti « Les communautés concernées doivent garder le contrôle du patrimoine qu'elles produisent afin d'être les premières à pouvoir en bénéficier »
Anthropologue affilié à l'Institut national des sciences de l'archéologie et du patrimoine (INSAP), Pr Ahmed Skounti répond à nos questions sur la sauvegarde du patrimoine immatériel national. - Le risque de spoliation ou d'appropriation indue d'un patrimoine immatériel est-il réel et préjudiciable à ce même patrimoine ? -Oui, effectivement, c'est un risque lorsqu'il s'agit par exemple d'utiliser des motifs de l'artisanat, ou encore des formes d'expression musicale ou autres, dans des contextes qui ne sont pas ceux dans lesquels ils sont pratiqués et transmis. C'est pour cela que la convention du patrimoine culturel immatériel de l'UNESCO place les communautés, les groupes et les individus au coeur de toute politique de sauvegarde du patrimoine. L'article 15 de la convention est très clair par rapport à ce sujet : les communautés concernées doivent garder le contrôle du patrimoine qu'elles produisent afin d'être les premières à pouvoir en bénéficier. - Dans une précédente interview, vous nous aviez expliqué l'importance de mettre en place un système de trésor humain. La convention signée dans ce sens vient-elle combler ce besoin ? - Le système de trésor humain vivant consiste à reconnaître et valoriser des personnes qui maîtrisent à très haut niveau ce qu'elles font dans n'importe quel métier de l'artisanat. L'accord, qui a été signé entre le Département de l'Artisanat et l'UNESCO, s'inscrit dans la continuité des efforts qui ont été entrepris depuis plusieurs années par le Département de l'Artisanat. Je travaille à cet égard depuis 2017 auprès de ce Département en tant que facilitateur de la Convention du patrimoine culturel immatériel, dans le cadre d'un projet de renforcement des capacités (des artisans et des parties prenantes concernées) mis en oeuvre par le Département en collaboration avec l'UNESCO. On arrive actuellement à une étape où on doit valoriser les détenteurs des savoirs et des savoir-faire à travers la mise en place de ce système de trésor humain vivant pour encourager la transmission. - La création du centre national pour le patrimoine immatériel permettra-t-elle de centraliser les efforts entrepris pour la protection de ce patrimoine ? - Il est certain qu'il y avait à ce jour un indéniable besoin de créer une institution de ce genre. Il faudra attendre de voir comment cette décision royale sera mise en oeuvre sur le plan institutionnel, juridique et financier, mais la création de cette institution permettra certainement de consolider les acquis en coordonnant les politiques et orientations dans ce domaine. Il sera certainement question de renforcer le travail important de proximité qui se fait au niveau des territoires avec la société civile et les communautés concernées. Recueillis par O. A.