Le gouvernement se prépare à aborder les questions épineuses avec les syndicats, telles que le droit de grève, selon Aziz Akhannouch qui a exclu une hausse générale des salaires pour le moment. Détails. Sain et sauf après sa convalescence, le Chef du gouvernement, Aziz Akhannouch, est allé, mardi, à la Chambre des Conseillers pour prendre part à la séance mensuelle consacrée aux questions liées à la politique générale. Une occasion de reprendre l'exercice traditionnel des échanges verbaux dans le climat sobre de l'Hémicycle et rendre compte aux Conseillers de sa politique, souvent critiquée par l'opposition. Le Chef de l'Exécutif y est revenu sur le dialogue social qu'il veut institutionnaliser. Au cours d'une année, le gouvernement et les syndicats ont appris à se connaître et à travailler ensemble après la signature de la charte nationale du dialogue social le 30 avril dernier. Certes, cela a accouché de nombreux accords, mais de grands dossiers en suspens subsistent et promettent « un deuxième round » très chaud avec les syndicats les plus représentatifs qui n'ont pas baissé les bras en ce qui concerne leurs revendications en matière de libertés syndicales. La réforme de la loi relative au droit de grève et de celle de l'organisation des syndicats n'ont pas bougé d'un iota depuis le mandat du gouvernement précédent, dont la relation avec les syndicalistes était loin d'être cordiale, pour ne pas dire conflictuelle. Aziz Akhannouch a saisi son passage à la deuxième Chambre pour mettre les choses au clair et montrer son état d'esprit avant le prochain « round » qui représente, à ses yeux, un véritable « défi ». Mais, le chef de l'Exécutif semble rasséréné, c'est en tout cas l'impression qu'il a donnée. « Sans aucun doute, des questions à régler demeurent posées sur la table du dialogue social, en particulier l'aspiration à développer un système efficace pour la garantie et l'encadrement de l'exercice du droit de grève et l'amélioration des conventions collectives, augmentant ainsi les chances de construire les équilibres nécessaires, consolider la paix sociale au sein de l'espace entrepreneurial et instaurer la stabilité dans les relations de travail », a-t-il dit à ce propos. Pour le gouvernement, la résolution de ces questions épineuses permettra d'embellir le climat des affaires et « d'attirer davantage de flux d'investissements directs nationaux et étrangers ». « Cela contribuera également à conférer une vision claire aux entreprises, leur permettant de relever les défis et d'exploiter les opportunités résultant des changements dans le monde du travail et des développements technologiques, ainsi que d'améliorer leur progrès social et économique, et de garantir les outils nécessaires pour atteindre leurs objectifs », a poursuivi Akhannouch à cet égard. En effet, cela fait maintenant deux ans que la loi relative à l'exercice du droit de grève, dont le texte conçu par le gouvernement précédent a été jugé restrictif par les syndicats qui n'ont pas apprécié le fait qu'ils n'aient pas été assez consultés dans sa préparation, fait du surplace. Le projet de loi organique 97.15 a été adopté en Conseil des ministres, avant d'être soumis à la Chambre des Représentants le 6 octobre 2016. Il n'a pas été discuté depuis son transfert à la Commission des secteurs sociaux le 3 février 2017 pour une première lecture. Le gouvernement d'Aziz Akhannouch veut donc sortir du statu quo hérité de l'ère El Othmani. Maintenant, le champ est ouvert à la discussion dans un climat de sérénité, mais le gouvernement a la lourde tâche de composer aussi bien avec les syndicats qu'avec le patronat et de trouver une formule qui fasse le consensus. Le gouvernement, rappelons- le, a réuni la CGEM et les syndicats autour d'une même table en septembre dernier pour parler de la législation de travail, y compris le droit de grève. Une façon de faire l'ébauche d'un débat. En gros, Aziz Akhannouch a tenu à rassurer tout le monde en faisant part de la prédisposition du gouvernement à améliorer les conditions professionnelles et de travail et promouvoir la liberté d'association en activant « les textes légaux et les décrets d'application selon le calendrier convenu ». Hausse générale des salaires : difficile pour le moment ! Par ailleurs, le prochain round s'annonce d'autant plus intense que les syndicats brandissent des revendications de taille comme celle de la généralisation de la hausse des salaires dans la Fonction publique après avoir obtenu celle du salaire minimum. Aziz AKhannouch n'a pas attendu le face-à-face avec les centrales syndicales pour leur dire ce qu'il pense, d'autant qu'il était face à des Conseillers issus des syndicats à la deuxième Chambre. Il s'est montré catégorique lorsqu'il a fait comprendre que son gouvernement, vu la conjoncture économique et l'état actuel des finances publiques, ne peut pas se permettre d'augmenter les salaires de tous les fonctionnaires. « Les syndicats doivent comprendre que de telles revendications ayant un impact global sont difficiles à exécuter », a-t-il expliqué. Pour sa part, l'Union Générale des Travailleurs du Maroc (UGTM) s'est montrée compréhensive de l'argumentaire gouvernemental (Voir repères). De son côté, l'Exécutif estime qu'il a d'ores et déjà concédé plusieurs choses aux syndicats, dont la hausse du SMIG et du SMAG à 3500 dirhams. « Un effort qui a coûté 500 MMDH à l'Etat, en plus de 8 milliards de dirhams versés à titre de régularisation des promotions des employés pour les années 2020 et 2021. Aziz Akhannouch a jugé nécessaire de rappeler son bilan social pour faire valoir son point de vue. À cet égard, il a cité l'augmentation de 5% des pensions dans le secteur privé et la réduction de la durée minimale de cotisation pour bénéficier de la retraite à 1320 au lieu de 3240 jours. La conscience tranquille ! Autant d'accomplissements dont s'est félicité le Chef du gouvernement au cours de son allocution, tout en citant les accords conclus avec les professionnels de la médecine, de l'Education nationale et de l'Enseignement supérieur. Concernant les médecins, le gouvernement a augmenté leurs salaires en « activant l'autorisation de l'indice 509 avec indemnisation complète ». Ce à quoi s'ajoute l'habilitation du corps des infirmiers et des techniciens de santé à bénéficier de la promotion en grade et de l'augmentation de la valeur de l'indemnisation pour risques professionnels au profit du personnel administratif et des techniciens de Santé. Ceci nécessitera une enveloppe de 2 MMDH annuels, a rappelé Akhannouch, qualifiant cela de « levée d'injustice ». Toutefois, il a reconnu que son gouvernement a le défi de « convaincre les futurs médecins de rester au Maroc ». Pour ce qui est de l'Education nationale, le dialogue est toujours en cours afin d'aboutir à un nouveau statut pour les enseignants, qui soit en mesure de réhabiliter le métier et lui donner sa juste valeur. Evidemment, une hausse des salaires est envisageable. Anass MACHLOUKH