Au moment où les partis de la majorité enchaînent les discussions pour la formation du gouvernement, la prochaine coalition devra se pencher sur une pile de dossiers aussi délcats les uns que les autres. Réformes économiques, NMD, dossiers sociaux... le prochain mandat s'annonce laborieu. Détails. Maintenant que la majorité est annoncée, le trio gagnant des élections (RNI, Istiqlal, PAM), qui forme la coalition gouvernementale, fait la course contre la montre pour finaliser la liste des ministres qui siégeront au prochain Conseil du gouvernement. Une liste que le chef de l'Exécutif désigné Aziz Akhannouch devrait soumettre à SM le Roi Mohammed VI dans les plus brefs délais. Au moment où les spéculations médiatiques abondent sur le casting des ministres, plusieurs experts convergent vers l'hypothèse d'un Exécutif réduit, avec moins de portefeuilles que le précédent. Indépendamment des profils qui embarqueront dans le navire gouvernemental, l'équipe d'Aziz Akhannouch devra gérer le legs difficile laissé par l'équipe sortante de Saâd Dine El Othmani, tant les dossiers épineux sont nombreux. De l'économique au social en passant par le sociétal, des défis aussi bien énormes qu'urgents attendent le premier gouvernement du Royaume à l'ère du Nouveau Modèle de Développement. En plus des dossiers non réglés, le nouvel Exécutif est tenu de concrétiser les grandes réformes votées en 2021. Médecins, enseignants, une solution à l'horizon ? Le mandat du gouvernement sortant était ponctué de grognes sociales, dont celles des enseignants contractuels qui ont marqué le quinquennat précédent. Le système de contractualisation, mis en place pour des raisons d'austérité budgétaire, a opposé l'Exécutif aux enseignants tout au long des cinq dernières années. Bien que le ministère de tutelle ait formellement abrogé ce système en 2019, la brouille persiste puisque les enseignants revendiquent toujours l'intégration pure et simple dans la Fonction publique. Saaïd Amzazi avait précisé que ces derniers ont les mêmes droits que les fonctionnaires, avec pourtant quelques différences dans le système de retraite et dans la mobilité... Les AREF comme on les surnomme adhèrent à une caisse de retraite (RCAR) jugée moins avantageuse que la CMR, dont bénéficient les fonctionnaires subordonnés directement au ministère. S'ajoute à cela le problème de la mobilité : les enseignants concernés revendiquent un système national de mobilité au lieu de la mobilité régionale qui leur est imposée de par leur statut. Si on jette un regard sur les programmes des partis de la majorité, on est en droit de s'attendre à un dialogue plus serein et à une clôture de ce dossier, tant les trois partis se sont engagés, chacun à sa manière, à améliorer les conditions du corps éducatif national. Alors qu'Aziz Akhannouch veut augmenter le salaire des enseignants du primaire en début de carrière qui passera de 5000 dirhams à 7500 dirhams, le Parti de l'Istiqlal s'est engagé à les intégrer définitivement dans la Fonction publique, comme l'a répété Nizar Baraka plusieurs fois, partant de sa propre conviction puisqu'il a lui-même refusé le système contractuel quand il fut ministre des Finances. Si le dossier des enseignants a ennuyé l'équipe de Saâd Dine El Othmani, celui des médecins du public n'est pas moins compliqué. Malgré de fortes contestations et des grèves nationales répétitives, ces derniers n'ont pas pu se faire entendre par l'Exécutif concernant leur dossier revendicatif. Amélioration du statut salarial, hausse des indemnités de risque, droit à la mutation et amélioration des conditions de travail, la liste des revendications est longue, et c'est bien mérité surtout après l'épreuve du Covid-19 où le personnel de Santé a pris le pays tout entier sur ses épaules, nous explique El Mountadar Alaoui, Secrétaire général du Syndicat Indépendant des Médecins du Secteur Public. Face à cette situation des médecins, le département de Khalid Ait Taleb a préféré réagir par une réforme globale du système de santé, dont l'axe le plus important est la création d'une Fonction publique de Santé gérée par une approche régionale moins décentralisée. La réforme promet un système basé sur la motivation du capital humain et un investissement plus important dans les effectifs et les infrastructures. Cette réforme globale est désormais du ressort du nouveau gouvernement, qui devra trouver les ressources financières. Le RNI a promis de doubler le budget de la Santé, avec une mise à niveau des CHU. De son côté, le Parti de l'Istiqlal veut donner plus d'attention aux zones rurales et enclavées en matière d'accès aux services de santé. Réconciliation avec les syndicats ? Le ministre sortant du travail, Mohamed Amekraz, va quitter son poste en laissant à son successeur la rude épreuve de relancer le dialogue social avec les centrales syndicales interrompu sur fond de désaccords sur la loi de droit de grève et la loi sur les syndicats. Nourredine Modian, Chef de file des parlementaires istiqlaliens, estime que le gouvernement sortant a failli à mener le dialogue social, chose que s'engage à faire la nouvelle majorité. Les syndicats ont d'ores et déjà appelé le nouveau gouvernement à une politique plus sociale orientée vers l'amélioration du pouvoir d'achat. Concrètement, les syndicats revendiquent une augmentation des salaires, la revalorisation du SMIG et plus de pouvoir d'achat pour la classe laborieuse. Des revendications conformes à l'orientation du Parti de l'Istiqlal qui avait promis une fiscalité accommodante pour les classes moyennes (baisse de l'IR, imposition des frais de scolarité dans le secteur privé, etc.). Comme on s'attend à un programme gouvernemental social en phase avec les orientations du NMD, on imagine mal un dialogue aussi tendu que celui auquel nous avions assisté avec le gouvernement sortant. Le seul point d'achoppement qu'ont pourrait imaginer est celui de la réforme de la retraite, que le gouvernement sortant a omis de régler pendant son mandat. Les difficultés financières des Caisses de l'Etat et la pression de la hausse démographique de la population âgée soulèvent la question de l'allongement de l'âge de départ à la retraite et celle des cotisations. Généralisation de la couverture sociale L'une des mesures phares du Nouveau Modèle de Développement issu de la vision Royale, la sécurité sociale universelle ne manquerait pas de capter l'essentiel de l'attention de la nouvelle équipe. Comme la réforme est déjà conçue et votée, l'Exécutif n'a qu'à respecter le calendrier fixé. Pourtant, quelques difficultés se présentent, à savoir la mise en place du Registre Social Unifié, dont la plus dure tâche est d'intégrer le secteur informel, bien que la CPU va régler beaucoup de problèmes liés à l'intégration des commerçants, des agriculteurs et des travailleurs non salariés. De leur côté, les partis de la majorité ont promis plusieurs mesures pour faciliter l'accès des citoyens, notamment les plus démunis, aux offres de soins. Le RNI veut mettre en place la carte du tiers payant pour une prise en charge sans frais préalables. De son côté, le Parti de l'Istiqlal aspire à prendre en charge complètement et gratuitement les femmes enceintes et les enfants de 0 à 5 ans. Anass MACHLOUKH
L'info...Graphie Tourisme Sauver un secteur endeuillé
Si la pandémie du Covid-19 a ravagé notre économie comme celles du monde entier, elle a été particulièrement très dure, voire cruelle, envers le tourisme et ses professionnels qu'il fait vivre. Avec la fermeture des frontières, la chute du flux touristique et les restrictions sanitaires, le secteur du tourisme à été mis à genoux, peinant à se relancer après un an de léthargie. Les résultats sont là sous nos yeux : crise des transporteurs touristiques, la chute de l'activité des établissements hôteliers et celle des métiers indirects (environ 2,5 millions en vivent, selon Hamid Bentahar, nouveau président du CNT). Ceci dit, la relance du tourisme est une urgence pour le prochain profil qui succédera à Nadia Fettah Alaoui, qui a tâché de sauver le secteur par l'indemnisation des employés prévue par le contrat-programme signé en 2020. Une mesure qui a permis d'amortir le choc, mais le sauvetage dépend d'une stratégie plus globale.
Relance, réforme fiscale, chômage, dette L'équation insoluble ?
Après une récession historique due à la crise sanitaire, le Maroc s'apprête à renouer avec la croissance en 2021, dont les prévisions du HCP l'estiment à 5,8%. Le nouveau gouvernement aura la tâche de consolider cette reprise tout en faisant face au défi de taille que constitue le chômage. Ainsi, le prochain ministre de l'Economie et des Finances ne manquerait pas d'avoir les yeux braqués sur les indicateurs du chômage poussés par la pandémie à des niveaux alarmants (12,5%). Il n'est pas question de forfaiture là-dessus, d'autant plus que les Marocains se rappellent très bien des promesses électorales. 1 million d'emplois promis par le Parti qui dirigera le gouvernement en cinq ans, un engagement qui va dans le sens du programme de l'allié istiqlalien qui donne la priorité à l'accompagnement des jeunes dans l'entrée au marché de travail. En gros, la relance de l'économie passera par le soutien à l'entrepreneuriat (programme Intelaka) et l'investissement dans les projets productif (Fonds Mohammed VI). Cependant, l'équipe d'Aziz Akhannouch devra également préserver les équilibres macroéconomiques et notamment le déficit et la dette qui frôlent le niveau d'alarme (6,7% de déficit budgétaire et 76% de dette extérieure). En parallèle, le prochain quinquennat sera capté par la réforme globale de la fiscalité, dont la loi-cadre a été votée cette année, une loi qui énonce les principes généraux qui devraient refaire le code fiscal actuel, jugé complexe, inefficace et injuste en vue de lutter contre l'évasion fiscale et la fraude. Plusieurs principes sont énoncés et qu'il convient de concrétiser, à savoir la progressivité de l'impôt, la simplification des procédures, l'unification de l'IS et la baisse de la cotisation minimale. Bref, la fiscalité est supposée servir une politique sociale de soutien à la demande.
3 questions à Abdelhafid Adminou « Le prochain gouvernement sera soutenu par une majorité forte face à une opposition affaiblie »
Abdelhafid Adminou, politologue, spécialiste du droit constitutionnel et professeur de droit à l'Université Mohammed V-Agdal, a répondu à nos questions sur les enjeux de la rentrée parlementaire et les grands défis du prochain gouvernement. - Quelques jours nous séparent de l'annonce du prochain gouvernement. À votre avis, la nouvelle équipe aura-t-elle la tâche difficile ? - Il est clair que le prochain gouvernement devra gérer des défis de grande envergure, surtout ceux qui touchent à la justice sociale et la réduction des disparités territoriales à tous les niveaux. Là, l'accélération de la régionalisation avancée est vivement recommandée pour concrétiser ces aspirations. Plus important encore est la réalisation des programmes sociaux des partis de la majorité. Ces programmes requièrent un financement conséquent, d'où le grand défi. Il convient donc de chercher assez de ressources aussi bien étrangères que nationales pour financer les grands chantiers sociaux tel que la sécurité sociale, de façon à préserver les équilibres budgétaires. - Le quinquennat précédent a été marqué par une tension entre l'Exécutif et les syndicats, ce qui a perturbé le dialogue social. Comment imaginez-vous la relation entre les deux parties après l'avènement de la nouvelle équipe? - J'estime que ça sera plus apaisé, plus calme, parce que plusieurs syndicats affiliés à des partis de la majorité sont bien placés dans la scène syndicale, ce qui devrait contribuer à plus de convergence de vues. J'ajoute que les revendications syndicales seraient plus audibles chez le gouvernement, compte tenu qu'on se dirige vers un Nouveau Modèle de Développement qui préconise un paradigme économique social. Donc, les acquis sociaux devraient être protégés et promus, ce qui est de nature à améliorer la relation entre les syndicats et le gouvernement. - Comme la nouvelle majorité détient une forte supériorité numérique au Parlement, ils sont nombreux à penser que cela fragiliserait l'opposition...Partagez- vous ce constat ? - Il est clair que les trois partis de la nouvelle majorité, par le nombre de sièges obtenus, dominent la Chambre des Représentants. L'opposition sera naturellement affaiblie, elle le sera d'autant plus que certains partis, l'USFP, l'UC et le MP qui ont participé au gouvernement sortant, auront du mal à s'opposer à la politique de la nouvelle équipe, ce qui donnera moins de crédibilité à leurs discours, aussi virulents soient-ils.