Après l'investiture du gouvernement, le chef de l'Exécutif et son équipe sont appelés à engager une véritable course contre la montre. Une course semée d'embûches. Les parlementaires de la majorité et de l'opposition sont aux aguets. Le gouvernement devra passer à la vitesse supérieure pour rattraper le retard accusé durant tout un semestre. Plusieurs défis sont à relever, à commencer par celui de la cohésion de la coalition gouvernementale. C'est l'un des principaux points soulevés par l'opposition et la majorité lors de la discussion de la déclaration gouvernementale, aussi bien dans la première que la seconde chambres. À l'instar des députés, les Conseillers de l'opposition ont émis des doutes quant à l'efficacité de l'actuelle équipe gouvernementale formée de six composantes politiques outre les technocrates. D'ailleurs, même les interventions des groupes de la majorité, notamment ceux du PJD, du RNI et de l'USFP à la Chambre haute laissent entendre que le courant a encore du mal à passer entre les alliés gouvernementaux alors qu'il est primordial pour la coalition gouvernementale d'accorder ses violons afin de pouvoir jouer la même partition. Unir les rangs Quelques dossiers épineux risquent d'attiser les tensions au sein de la majorité, comme celui de la poursuite de la réforme de la Caisse de compensation. Mohamed Alami, président du groupe socialiste à la Chambre des conseillers met en garde contre toute décompensation totale sans la mise en place des mesures nécessaires pour soutenir les couches défavorisées et renforcer le pouvoir d'achat des citoyens. Le soutien des parlementaires de l'Union socialiste des forces populaires au gouvernement ne sera pas inconditionnel, comme le soulignait ce Conseiller lors de la séance de discussion de la déclaration gouvernementale, mardi dernier. Le message du parti de la rose est ainsi on ne peut plus clair, tout comme celui des parlementaires du PJD, d'ailleurs. Aussi, apparaît-il clairement que la mission du gouvernement ne sera pas facile au sein de l'institution législative. Certes, les parlementaires de la majorité sont tenus -éthiquement- de voter en faveur des projets de loi, mais avant cette étape, les discussions des textes et des dossiers tant politiques qu'économiques risquent d'être houleuses du côté non seulement de l'opposition mais aussi de la majorité. En effet, les premières interventions des parlementaires dans l'hémicycle donnent un avant-goût de la nature des débats qui marqueront cette législature, sauf si El Othmani parvient à apaiser les esprits des uns et des autres. En tout cas, il s'avère nécessaire d'unir les rangs des composantes de la majorité. La tâche du gouvernement sera d'autant plus compliquée dans la Chambre des conseillers où la coalition gouvernementale ne dispose pas de la majorité numérique. Elle n'est représentée que par 42,5% des parlementaires à la Chambre haute qui est marquée par une opposition farouche menée notamment par les Conseillers relevant des syndicats. Cette situation inconfortable pour le gouvernement risque de lui créer de réels problèmes d'autant plus que l'Exécutif vient visiblement de perdre le précieux soutien des héritiers d'Allal El Fassi. L'Istiqlal a en effet opté pour l'abstention lors du vote de confiance. La prochaine réunion du Parlement du parti de la balance devra annuler la décision ayant été prise pour soutenir le gouvernement. L'opposition ne sera de la sorte plus représentée uniquement par le parti Authenticité et modernité à la Chambre basse. Le bras de fer s'annonce ainsi serré dans les deux chambres. La majorité est certes composée de 240 députés soit un pourcentage de 60,75%, mais El Othmani devra les fédérer surtout lors de la phase cruciale de l'adoption des textes en commissions et en séances plénières. Mais, attention, l'absentéisme pourrait être un fléau fatal pour la coalition gouvernementale ! Principaux dossiers En tout cas, les choses sérieuses commencent et le ton est déjà annoncé par les différents groupes au Parlement. Les dossiers qui constituent la priorité aux yeux des parlementaires ont été soulevés à plusieurs reprises par les différents groupes. Il s'agit notamment de la réforme de l'enseignement qui a été soulignée par les différentes interventions dans les deux Chambres du Parlement. Le gouvernement est très attendu en la matière. Les efforts déployés au cours des dernières années sont jugés on ne peut plus insuffisants. C'est pourquoi, l'Exécutif est appelé à changer d'approche pour insuffler une nouvelle dynamique à l'école marocaine et améliorer les indicateurs de l'enseignement. La mise dans le circuit législatif de la loi-cadre sur l'enseignement devra se faire pendant les prochains mois. Par ailleurs, le secteur de la santé accapare aussi l'attention des parlementaires qui critiquent vertement ses dysfonctionnements, notamment le manque d'équipements et de ressources humaines dans plusieurs régions. Un autre dossier est au centre des préoccupations : celui du parachèvement du chantier de la régionalisation avancée. À ce titre, aucun retard ne sera désormais toléré. L'adoption des décrets toujours en suspens et la mise en place d'une véritable politique de déconcentration administrative sont les attentes formulées par les élus de la nation. Sur un autre registre, l'institutionnalisation du dialogue social est en tête des doléances des parlementaires syndicalistes qui reprochent à El Othmani d'avoir pris des décisions «hâtives» dans le cadre de la déclaration gouvernementale sans avoir consulté au préalable les centrales syndicales. Touria Lahrech, coordinatrice du groupement parlementaire de la CDT cite notamment l'annonce de réforme du Code du travail, un dossier que les syndicalistes ne souhaiteraient pas remettre sur la table des négociations contrairement au patronat. Du côté de la Confédération générale des entreprises du Maroc, le président de son groupe parlementaire à la Chambre des conseillers, Abdelilah Hifdi, souligne la nécessité de procérer à une évaluation des différents programmes menés du moment que le gouvernement opte pour la continuité. Tout en critiquant certaines dispositions du programme gouvernemental, le groupe de la CGEM met l'accent sur plusieurs points dont l'instauration de la bonne gouvernance dans le cadre d'une commission mixte nationale et des commissions régionales, l'amélioration de l'accès au foncier, l'accélération de la cadence pour l'intégration du secteur informel, l'octroi des mêmes avantages accordés aux entreprises internationales à l'entreprise nationale sur le plan industriel... El Othmani devra donc mener des batailles sur plusieurs fronts. Le premier test, après l'investiture, est celui du projet de loi de Finances 2017 qui sera discuté aujourd'hui par le Conseil de gouvernement et qui devra être entériné dans les plus brefs délais. L'expérience a démontré que l'Exécutif réussissait toujours à tirer son épingle du jeu en raison du soutien inconditionnel de sa majorité, mais cette fois-ci, le contexte est manifestement différent. Le ministre de l'Economie et des finances, Mohamed Boussaïd, devra user de beaucoup de tact en acceptant les propositions d'amendements émanant de la majorité et de l'opposition pour relever son premier défi. Du moins, c'est ce qu'attendent les parlementaires.