L'opposition entend introduire des amendements de fond aux projets de loi portant sur la réforme des retraites, soumis par le gouvernement au Parlement. Le bureau de la Commission des finances, chargé de l'examen de ce dossier, devra se réunir cette semaine pour fixer une date pour le démarrage des discussions. Cette fois-ci, le quorum n'est pas nécessaire. Le dossier de la réforme des retraites devrait bientôt être discuté au sein de la Chambre des conseillers, à en croire certains parlementaires. Mais, rien n'est sûr. Après plusieurs reports, une réunion du bureau de la Commission des finances, de la planification et du développement économique de la Chambre haute est prévue ce mardi en vue de fixer une date pour le démarrage des discussions autour des textes soumis par le gouvernement au Parlement il y a plus deux mois. La majorité gouvernementale compte, cette fois, mobiliser ses troupes pour tenir la réunion de la commission dans les plus brefs délais. Rappelons que les travaux de la commission avaient été reportés en raison de l'absence des Conseillers. Cette fois-ci, le quorum n'est pas nécessaire. La commission pourra se tenir même en présence d'un seul parlementaire. Contactés par les Inspirations ECO, des parlementaires aussi bien de la majorité que de l'opposition se disent prêts à discuter les projets de loi portant sur la réforme des retraites. Visiblement, même certains conseillers syndicalistes qui critiquent ouvertement la réforme proposée par le gouvernement sont favorables à l'examen de ce dossier épineux au Parlement. De l'avis du parlementaire du groupe socialiste et secrétaire général de la Fédération démocratique du travail (FDT), Abdelhamid Fatihi, le boycott n'est pas une politique à faire prévaloir au sein des institutions. Un avis qui ne semble pas être celui de l'Union marocaine du travail qui maintient sa position de la chaise vide et tient au retrait des projets en question, comme le souligne son secrétaire général Miloudi Moukharik. Mais, à en croire une source interne, l'opposition entend resserrer ses rangs pour jouer la même partition au sein de la Chambre des conseillers. Les groupes de l'opposition- ou du moins certains d'entre eux- comptent présenter des amendements en commun s'inspirant des différents rapports ayant été réalisés sur le dossier, notamment ceux du Conseil économique, social et environnemental et de la Cour des comptes. Si les discussions s'ouvrent autour de ce dossier, les débats seront houleux au sein de l'institution législative. Consensus nécessaire L'opposition reproche au gouvernement son approche unilatérale dans l'élaboration de la réforme. «Il s'agit seulement de mesures paramétriques portées uniquement par le fonctionnaire alors que le coût de la réforme doit être réparti sur toutes les parties», précise Fatihi. L'opposition a, ainsi l'intention de peser de tout son poids pour amender les textes. D'ailleurs, elle dispose de la majorité numérique lui permettant techniquement de remodeler les projets au sein de la Chambre des conseillers sans le consentement du gouvernement. La majorité gouvernementale au sein de la Chambre des conseillers ne compte que 38 parlementaires, soit un pourcentage de 31,6% seulement. Cependant, l'expérience a démontré que le gouvernement pourrait compter aussi, lors de l'adoption des textes, sur l'appui d'autres composantes de la Chambre des conseillers comme le groupe de la CGEM ou encore celui de l'Istiqlal. Rien n'est acquis d'avance, d'autant plus que le dossier de la réforme des retraites est très sensible et sera une véritable épreuve pour le gouvernement et sa majorité. Ce dossier ne doit pas être traité selon la logique de la majorité et de l'opposition; il nécessite plutôt le consensus, de l'avis du parlementaire et syndicaliste, Mohamed Daidaa. Un avis largement partagé par le conseiller du parti de la lampe Abdelali Hamieddine, qui souligne la plus haute importance de la mise en œuvre de la réforme ajournée depuis de longues années. Par ailleurs, il est à rappeler que le gouvernement peut toujours compter sur sa majorité au sein de la Chambre de représentants qui peut supprimer tous les amendements «indésirables» introduits par les conseillers. Mais, politiquement, le gouvernement gagnerait à trouver un terrain d'entente avec les parlementaires pour asseoir la réforme sur des bases solides. Rahal El Mekkaoui Président de la Commission des finances, de la planification et du développement économique à la Chambre des conseillers. «Le débat sur la réforme de la retraite s'impose » Les Inspirations ECO: Que pensez-vous de la réforme des retraites proposée par le gouvernement ? Rahal El Mekkaoui : Il est normal que le projet de la réforme de la retraite suscite tant d'intérêt et de polémique au niveau national. Je pense que cette réforme doit se faire dans le cadre d'une révision globale de la protection sociale. Avant d'entamer la réforme, il faut définir les objectifs à atteindre concernant le modèle escompté de protection sociale. Si on n'arrive pas à résoudre ce problème, la réforme de la retraite sera plutôt technique car on agira seulement sur quelques éléments qui concernent la viabilité financière du régime. Le problème ne sera, de ce fait, pas résolu. On va juste le reporter à plus tard. Il s'avère nécessaire de décliner dans l'immédiat une vision globale de la réforme et se mettre d'accord à l'échelle nationale sur la réforme en lançant un débat avec les concernés eux-mêmes, les syndicats et les partis politiques. Mais il est utile d'avoir un débat sur la réforme de la retraite au sein du Parlement. Globalement, la réforme est nécessaire car elle traîne depuis de longues années. Mais, c'est la manière d'asseoir cette réforme qui nécessite une large concertation impliquant les syndicats et les partis politiques afin d'élaborer une vision. Le reste ne sera, par la suite, qu'un simple détail. Le lancement d'un débat national autour du dossier de la réforme nécessite-t-il, à votre avis, le retrait des textes soumis par le gouvernement au Parlement ? Je pense que les concertations peuvent être lancées en parallèle avec l'examen du dossier au Parlement. Dès que le débat sera ouvert, toutes les parties pourront enrichir le projet de réforme. Pensez-vous que la majorité numérique de l'opposition lui permettra de faire passer les amendements de fond ? Au sein de la Chambre des conseillers, la notion de majorité et d'opposition ne doit pas primer, compte tenu de la représentativité très large (patronat, syndicats et partis politiques). La Chambre des conseillers est une institution où c'est le débat fructueux qui doit primer pour améliorer les textes de loi. Je pense qu'il faut faire prévaloir, surtout, l'intérêt national au lieu de la majorité numérique, de la part de l'opposition comme de la majorité gouvernementale. Les avis des uns et des autres permettent d'affiner les projets. La Commission des finances va-t-elle accélérer la cadence de la discussion des textes sur la réforme des retraites pour rattraper le retard ? La cadence des discussions dépend du bon vouloir des membres de la commission. Je pense qu'il est de l'intérêt de notre pays de commencer rapidement l'étude de ces textes et d'y opérer les changements et les amendements nécessaires pour que la réforme réponde aux intérêts des concernés. Et ce, en prenant en considération les différents points de vue des partis politiques et des syndicats.