Les négociations de la dernière heure se poursuivent entre le chef de gouvernement et les principales centrales syndicales du pays. Après une première réunion infructueuse la semaine passée, un deuxième round est prévu entre les deux parties. En attendant, le démarrage de l'examen des projets de lois relatifs à la réforme des retraites vient d'être reporté suite à une demande des représentants des syndicats à la deuxième Chambre parlementaire. Le hic, c'est que des doutes commencent à planer sur la capacité du Parlement actuel à boucler l'examen et à adopter tous les projets de lois avant la fin de l'actuelle législature. Il faut dire que le calendrier paraît déjà serré, beaucoup trop serré même. Et pour cause, la session parlementaire actuelle prend fin à la fin de ce mois de février. Ceci voudrait dire que les textes soumis par le gouvernement au Parlement ne seraient adoptés en session plénière qu'au cours de la prochaine session parlementaire dont le début n'intervient qu'au mois d'avril prochain. Et encore. Il faut espérer que la commission parlementaire compétente à la Chambre des conseillers fasse son boulot entre les deux sessions à un rythme soutenu. Ensuite, les projets en question seront transférés à la première Chambre parlementaire. Commence alors un autre périple entre examen puis adoption en commission avant la soumission des textes de nouveau à une séance plénière pour examen puis adoption. Mais il faut préciser que la première Chambre sera au cours de la prochaine session parlementaire du printemps occupée par d'autres chantiers tout aussi importants, à savoir les projets de lois organiques nécessitant un examen approfondi ainsi que la révision probable du cadre légal encadrant les prochaines élections législatives prévues le 7 octobre prochain. Par ailleurs, le choix effectué par le gouvernement de soumettre les textes de la réforme des retraites en priorité à la Chambre haute du pays est de nature à prolonger encore davantage la procédure d'adoption. Si les projets de lois sont normalement adoptés au bout de trois étapes lorsque la première Chambre est saisie en premier, dans le cas où les textes arrivent en priorité chez les conseillers, les projets de lois doivent faire quatre allers et retours entre les deux Chambres du Parlement. Concrètement, les conseillers examinent puis adoptent les projets en premier. Ces derniers sont par la suite transférés à la Chambre des représentants pour examen puis adoption. Les lois vont par la suite revenir chez les conseillers qui vont dans le cadre d'une deuxième lecture pour examiner les amendements des députés. Enfin, les textes reviendront à la première Chambre pour l'adoption finale de la réforme. Le gouvernement et le Parlement peuvent, cependant, accélérer l'adoption si bien évidemment les négociations secrètes entre le chef de gouvernement et les secrétaires généraux des syndicats aboutissent à un accord. «La première réunion s'est déroulée à huis clos entre le chef de gouvernement et les représentants des centrales syndicales. Les péripéties de la réunion restent donc secrètes», affirme Abdelhaq Arabi, conseiller du chef de gouvernement chargé du dossier social. Et de poursuivre: «Les syndicats ont proposé au chef de gouvernement de retirer les textes du Parlement pour les faire revenir à la table des négociations, chose qui reste impossible vu le retard cumulé». Autant dire que les positions des uns et des autres restent figées. De quoi renforcer encore le doute sur l'adoption de la réforme dans les délais. Retraites : Une réforme nécessaire mais controversée Le débat sur la réforme des retraites ne date pas d'aujourd'hui. Le dossier a été officiellement ouvert sous le gouvernement de Driss Jettou (2002-2007). Une commission nationale est alors créée avec la participation de tous les partenaires sociaux. Plusieurs études actuarielles commandées par le gouvernement concluent à la nécessité de la réforme du système de retraites au Maroc. Seul bémol, les recommandations des experts demandent l'introduction de mesures paramétriques. Des mesures qui sont aussitôt rejetées par les syndicats. Et pour cause. La réforme paramétrique doit, en effet, se traduire par un rallongement du départ à la retraite. Alors que le gouvernement avait laissé entendre que l'âge de départ légal à la retraite dans la fonction publique serait ramené à 65 ans, les textes finaux élaborés retiennent un âge de 63 ans. Les autres mesures paramétriques prévues concernent notamment la hausse de la cotisation supportée à part égale entre l'Etat et les fonctionnaires. Il s'agit, en outre, de revoir la méthode de calcul des pensions sur la base des huit dernières années d'activité. Pourquoi les conseillers saisis en premier ? Le gouvernement a créé la surprise en choisissant de donner la primauté de l'examen de la réforme des retraites à la deuxième Chambre. Une surprise qui s'inscrit parfaitement en tout cas dans le cadre légal et constitutionnel du pays. Dans ce sens, la Constitution stipule dans son article 78 que «l'initiative des lois appartient concurremment au chef de gouvernement et aux membres du Parlement. Les projets de lois sont déposés en priorité sur le bureau de la Chambre des représentants. Toutefois, les projets de lois relatifs notamment aux collectivités territoriales, au développement régional et aux affaires sociales sont déposés en priorité sur le bureau de la Chambre des conseillers». Des dispositions qui sont également reprises par le règlement intérieur de la deuxième Chambre en consacrant le droit des conseillers à une deuxième lecture. L'article 84 dispose que «la deuxième Chambre conserve son droit à une deuxième lecture concernant les projets de lois déposés prioritairement chez elle et qui ont été amendés par la Chambre des représentants mais le débat se limite juste aux amendements introduits aux textes».