Priorité aux conseillers ou aux représentants ? C'est tout le dilemme auquel fait face aujourd'hui le gouvernement concernant la prochaine destination des projets de lois organiques des régions, des communes, des provinces et des préfectures. Et pour cause, les dispositions de la Constitution à ce sujet restent très ambiguës et se prêtent de facto à plusieurs interprétations. Ce sont principalement deux articles de la Constitution de 2011 qui génèrent aujourd'hui une véritable impasse. Il s'agit notamment des articles 78 et 85. Le premier institue une exception concernant les projets relatifs aux collectivités territoriales, au développement régional et aux affaires sociales qui doivent être déposés en priorité sur le bureau de la Chambre des conseillers. Mais problème, l'article 85 dispose que les projets et propositions de lois organiques sont soumis à la délibération par la Chambre des représentants à l'issue d'un délai de dix jours après leur dépôt sur le bureau de la Chambre. «L'article 78 parle des projets de loi alors que l'article 85 traite les projets de lois organiques. Force est de reconnaître que les dispositions constitutionnelles sur ce sujet supportent différentes interprétations. C'est la raison pour laquelle les projets de lois organiques relatifs aux régions, communes et provinces n'ont toujours pas été transférés au Parlement», affirme Mohamed Ansari, président du groupe parlementaire de l'Istiqlal (opposition) à la Chambre des conseillers. Et de poursuivre: «Il ne s'agit nullement d'un bras de fer entre la majorité et l'opposition parlementaires mais plutôt d'un débat sur l'interprétation exacte de la Constitution. Et il semble que le gouvernement hésite encore sur la question».
Quatre lectures ? Mais l'interprétation des dispositions de la loi fondamentale du pays n'est pas le seul obstacle devant le gouvernement et le Parlement. D'autres problèmes d'ordre plutôt technique et procédural font surface. Traditionnellement, les projets de lois qu'ils soient ordinaires ou organiques sont adoptés en deux lectures par le Parlement. La première Chambre examine et adopte la première un texte de loi donné puis transfère le même texte à la deuxième Chambre pour examen et adoption. Cette dernière va à son tour transférer le projet à la première Chambre pour adoption définitive du texte en deuxième lecture. Le hic, c'est que le Parlement sera, en l'absence d'une solution constitutionnelle valable, contraint d'adopter les projets de lois organiques relatifs aux régions, communes, provinces et préfectures en plusieurs lectures. «Si les projets de lois organiques sont déposés à la Chambre des conseillers en priorité, on devra adopter les textes en quatre lectures ce qui est tout aussi inconstitutionnel», explique Ansari. Plus concrètement, si les projets sont déposés en priorité chez les conseillers, ils seront alors examinés une première fois par la deuxième Chambre qui va les transférer à la première Chambre qui devra à son tour transférer une nouvelle fois les textes amendés à la deuxième Chambre. Enfin, celle-ci devra soumettre les textes une dernière fois à la première Chambre qui adopte toujours les textes de lois en dernier ressort. Bref, c'est un véritable casse-tête chinois auquel l'Exécutif doit trouver une solution dans les plus brefs délais. Car les lois organiques devront passer dans une ultime étape avant leur entrée en vigueur devant le Conseil constitutionnel. En cas d'un vice de procédure, les textes seront renvoyés au Parlement. Ceci voudra dire automatiquement un nouveau report des élections prévues en septembre prochain. A noter enfin qu'une source proche du bureau de la deuxième Chambre a affirmé que le gouvernement va transférer les projets de lois organiques lors de la session parlementaire extraordinaire dont la date n'a pas été encore fixée.