C'est l'une des rares fois où le gouvernement soumet un projet de loi en priorité à la Chambre des conseillers. En effet, l'Exécutif vient de soumettre le projet de réforme des retraites à la deuxième Chambre. D'un point de vue constitutionnel, la démarche gouvernementale vient en cohérence avec les dispositions de la Constitution de 2011. Cette dernière stipule dans son article 78 que «l'initiative des lois appartient concurremment au chef de gouvernement et aux membres du Parlement. Les projets de lois sont déposés en priorité sur le bureau de la Chambre des représentants. Toutefois, les projets de loi relatifs notamment aux collectivités territoriales, au développement régional et aux affaires sociales sont déposés en priorité sur le bureau de la Chambre des conseillers». Vu que la réforme des retraites comporte une dimension sociale, le gouvernement a décidé de soumettre les projets de lois en question en primauté à la Chambre haute du pays mais ce n'est pas tout. Contrairement aux lois organiques où le dernier mot appartient automatiquement aux députés même si la deuxième Chambre est saisie en premier, un traitement différent est prévu pour les projets de lois ordinaires. Les conseillers auront ainsi un droit de regard sur les amendements apportés par les élus de la première Chambre. Dans ce sens, le règlement intérieur de la Chambre des conseillers stipule dans son article 84 que «la deuxième Chambre conserve son droit à une deuxième lecture concernant les projets de lois déposés prioritairement chez elle et qui ont été amendés par la Chambre des représentants mais le débat se limite juste aux amendements introduits aux textes». Ceci veut dire que les partis représentés à la Chambre des conseillers, notamment ceux de l'opposition ainsi que les centrales syndicales devront partager le coût politique à une réforme dont l'élaboration s'est accompagnée, et cela continue toujours, d'une large contestation de la part des principaux concernés: les fonctionnaires. Les conseillers sont ainsi face à un dilemme. Faut-il chambouler complètement la réforme en éliminant toutes les dispositions jugées sévères au risque de vider carrément les textes de leur valeur ajoutée ou bien se contenter de certaines rectifications tout en gardant l'essentiel de la réforme paramétrique mais dans ce cas cautionner la réforme du gouvernement? Ce dilemme explique en partie le retard dans la programmation de l'examen des projets. «La commission économique au sein de la Chambre des Conseillers n'a pas encore fixé une date pour l'examen des projets sans nul doute parce qu'elle veut laisser aux concertations actuelles entre le gouvernement et les syndicats d'aboutir. Les deux parties devraient probablement se rencontrer avant le démarrage de l'examen des projets au Parlement», affirme Mohamed El Alami, président du groupe socialiste à la deuxième Chambre. ET de conclure : «Nous espérons que le gouvernement et les syndicats pourront atteindre un consensus à ce sujet d'ici là». A noter enfin que la réforme paramétrique adoptée par le gouvernement prévoit notamment le rallongement du départ à la retraite à 63 ans, la hausse des cotisations ainsi que la baisse des pensions à travers la révision de la méthode de calculs de ces pensions. Des mesures qui sont catégoriquement rejetées par les centrales syndicales les plus représentatives du pays...du moins pour le moment.