Il est préconisé de rehausser l'âge de la retraite à 63 ans à raison de 6 mois par an pendant les six prochaines années, tout en prônant une gouvernance participative et transparente. C'est un projet de réforme qui ne fait pas l'unanimité, mais il a réussi tout de même à obtenir la majorité au sein du Conseil économique, social et environnemental (CESE). Ce dernier, qui vient de se tenir en session extraordinaire, a recommandé à la majorité de relever l'âge de la retraite à 63 ans. Par ce vote qui, rappelons-le, a été repoussé auparavant faute de consensus (www.leseco.ma), le CESE estime qu'il serait judicieux de rehausser l'âge de la retraite à 63 ans à raison de 6 mois par an pendant les six prochaines années. Un avis qui conforte en quelque sorte la position des syndicats (voir entretien) et qui met à mal l'approche du gouvernement de Benkirane, cela étant, cet avis est intervenu suite à la demande par le gouvernement d'une saisine en date du 1er août dernier (www.leseco.ma) concernant le projet de loi 71.14 complétant et modifiant la loi n° 011.71 du 30 décembre 1971 instituant un régime de pensions civiles ainsi que le projet de loi n° 72.14 complétant et modifiant la loi n° 012-71 du 30 décembre 1971 fixant la limite d'âge des fonctionnaires et agents de l'Etat, des municipalités et des établissements publics affiliés au régime des pensions civiles. Ainsi comme le souligne le CESE : «Suite à de larges séances d'écoute et d'audition des parties concernées, à l'analyse des différents aspects et enjeux de ces projets de loi, à l'étude comparative des différentes pratiques internationales et aux débats internes menés, la réforme du régime des pensions civiles est aujourd'hui une urgence», toutefois cette réforme doit être inscrite dans le cadre de la construction d'un pôle public et d'une réforme globale de l'ensemble des régimes. Il faut aussi prendre «dans l'immédiat des mesures d'urgence, donner une visibilité à tous les intervenants et assurer une gouvernance adéquate», note le CESE. Parmi les recommandations du Conseil économique et social figure l'élaboration d'une loi-cadre avant juin 2015. Celle-ci doit contenir les principes directeurs et le schéma cible de la réforme globale des régimes de retraites. Elle doit aussi prévoir un échéancier précis et engageant pour les différentes parties. «Un dispositif de gouvernance et de pilotage devrait accompagner le processus d'élaboration et de mise en œuvre de la réforme globale en capitalisant sur l'expérience des commissions nationale et technique», ajoute le CESE. S'agissant de la réforme paramétrique, le CESE propose des mesures qui permettraient d'assurer au système actuel une viabilité minimale de 5 ans.«Ainsi, concernant l'obligation de prolonger la durée de contribution des affiliés au régime des pensions civiles, le conseil recommande de relever l'âge de la retraite à 63 ans, à raison de 6 mois par an pendant les six prochaines années. Cette approche doit aussi ouvrir la possibilité à ceux qui le souhaitent d'opter pour l'option de départ à la retraite à l'âge de 65 ans», recommande le CESE. Cette mesure doit être accompagnée par l'instauration d'un échelon supplémentaire dans la grille de la fonction publique, ce qui est â même d'améliorer la base de calcul de leurs pensions. Sur ce point, il est recommandé de procéder au bout de deux ans à l'évaluation des résultats des mesures mises en place. Il s'agit aussi d'en mesurer l'impact sur la viabilité du régime. S'agissant de la proposition d'augmentation du taux de cotisation de 20 à 28%, le CESE a recommandé une répartition de la cotisation globale des 28%, pour les salaires inférieurs au plafond, à raison de 12,5% pour l'employé et de 15,5% pour l'Etat/employeur. Cette recommandation prend en compte le principe de l'équité dans la répartition des efforts (principe de répartition d'un tiers pour l'affilié/deux tiers pour l'Etat-employeur pour les régimes de base). «Elle permet aussi de se préparer à la distinction au sein du régime des pensions civiles entre une tranche de base et une tranche complémentaire, ce qui faciliterait la fusion, à terme, avec le RCAR», ajoute le CESE. Pour l'application de la réforme décidée par le gouvernement, le Conseil recommande un accompagnement de la mise en œuvre d'une première étape de réforme du régime du RCAR et de la CNSS. Quant au RCAR, il est recommandé d'améliorer le niveau des pensions distribuées et ceci par le biais de la révision de la base de calcul de la pension, en prenant en compte la moyenne des 10 meilleures années au lieu de la moyenne valorisée sur toute la carrière. Il faudra aussi instaurer un plafond. Bien entendu, cette approche doit permettre aux bas et moyens revenus de valoriser leurs pensions qui sont aujourd'hui dérisoires. Pour une meilleure optimisation des placements de la CNSS, le CESE estime nécessaire d'introduire une révision des placements de réserves de la caisse dans le respect des règles prudentielles de risques. «De même, les affiliés du RCAR et de la Caisse nationale de sécurité sociale souhaitant repousser leur âge de mise à la retraite à 65 ans devraient se voir offrir cette possibilité», estime le CESE. Miloudi Mokharik SG de l'UMT «Il faut créer une haute autorité d'orientation des régimes de retraites» Les ECO : Quelle lecture faites-vous de l'avis du CESE sur la réforme des retraites ? Miloudi Mokharik : Nous saluons la recommandation qui veut que ce dossier soit traité dans le dialogue social car il n'appartient pas au gouvernement de décider tout seul. Nos représentants au sein du conseil ont combattu plusieurs scénarios du gouvernement qui n'ont pas été retenus. Le conseil n'a pas retenu non plus les deux projets de loi proposés par le gouvernement, à savoir relever l'âge des retraite dès maintenant à 62 ans et puis à 65 ans et augmenter les cotisations de 20 à 28% à parts égales entre employeur et salariés puis baisser les prestations. Cette thèse étant totalement irrationnelle. Le conseil a retenu une grande revendication de l'UMT, à savoir la répartition des cotisations qui est aujourd'hui de 50%. Il a recommandé une augmentation de deux tiers à la charge de l'Etat et d'un tiers à la charge des fonctionnaires salariés, ce qui est pour nous l'application de l'équité. Quelle et votre position par rapport à la baisse des prestations des pensions ? S'agissant de la baisse des prestations des pensions de retraite, nous restons attachés à ce qu'aucune baisse ne soit opérée car les retraités ont besoin d'une pension décente. Il ne faut pas les appauvrir davantage. Quant à la hausse de l'âge de la retraite, le conseil a retenu l'idée du prolongement facultatif de 60 à 65 ans alors que le gouvernement ne voulait pas de cette proposition. Nous allons continuer la lutte pour que la hausse de l'âge de la retraite soit facultative pendant deux ans à titre expérimental. Nous allons proposer également la création d'une haute autorité d'orientation des systèmes de retraite, qui sera composée du gouvernement et des syndicats, du patronat, du Conseil économique et social et de la Cour des comptes. Celle-ci devra orienter nos systèmes de retraites car toute réforme n'est que provisoire et il faut suivre constamment l'évolution de ces systèmes de retraites. Par ailleurs et ceci est très important, le gouvernement voulait cantonner ce qu'il appelle des réformes dans une seule caisse, à savoir la Caisse marocaine des retraites (CMR), sur ce point l'UMT a obtenu que la réforme soit étendue au Régime collectif d'allocation de retraite (RCAR) qui est un régime pauvre et avare, et qui jettent des milliers de retraités des offices et des collectivités locales dans la précarité. Nous voulons que le mode de calcul des pensions soit basé sur la moyenne des salaires, mais sur les dix dernières années. Il faudra aussi instaurer un système de retraite complémentaire à partir du premier dirham. Une loi-cadre pour régir la réforme Une loi-cadre serait de nature à offrir au gouvernement la possibilité de mettre en œuvre graduellement la réforme via des décrets d'application. Le rôle de l'instance législative reste pour l'instant ambigu. La formule légale à adopter pour le régime des retraites civiles accapare actuellement l'attention des partenaires sociaux. Le CESE préconise dans cette optique «l'élaboration d'une loi-cadre avant juin 2015 qui devrait reprendre les principes directeurs et le schéma cible de la réforme globale des régimes de la retraite et établir un échéancier précis et engageant pour les différentes parties», selon l'avis définitif de l'instance présidée par Nizar Baraka. L'option d'une charte des retraites, qui cantonnera le Parlement dans le rôle de fixateur des principes généraux, devant régir la transition projetée, est donc recommandée. Les députés, pris par l'examen du projet de loi de Finances, n'ont pas réagi jusqu'à présent à la proposition du CESE qui consiste en fait à permettre à l'Exécutif d'émettre des décrets et de statuer dans le domaine qui est a priori celui de la loi. Le flou persiste... Dans le cas où les deux chambres ne prendraient pas en considération cette recommandation, la réforme graduelle devrait être cadrée par des lois ordinaires, ainsi qu'avait procédé le gouvernement lors de la première étape entamée en août dernier, et qui a avait consisté à préparer des projets de loi qui tombent logiquement dans le champ d'intervention des députés. La formule constitutionnelle de loi-cadre pour la réforme des caisses de retraite offrirait également la possibilité au Conseil des ministres présidé par le roi de statuer sur la version finale, comme cela a été le cas pour la loi-cadre portant charte de l'environnement. Il est à noter qu'un flou persiste au sujet de la loi d'habilitation prévue par les articles 70 et 71 de la Constitution et qui fixent «les relations du travail, la sécurité sociale, les accidents de travail et les maladies professionnelles»,comme du ressort exclusif du Parlement. Ces mêmes dispositions indiquent que l'instance législative peut autoriser le gouvernement «pendant un délai limité et en vue d'un objectif déterminé, à prendre par décret des mesures qui sont normalement du domaine de la loi». La Constitution exige aussi que ces décrets entrent en vigueur dès leur publication, mais «ils doivent être soumis au terme du délai fixé par la loi d'habilitation à la ratification du Parlement». C'est dire que l'avis du CESE par rapport à la forme juridique de la réforme est une question qui se posera avec acuité lors des pourparlers qui seront tenus entre les partenaires sociaux à propos du rôle qui sera assigné aux deux chambres du Parlement, dans l'établissement des principes de base et du calendrier de la réforme. Quo qu'il en soit, le gouvernement sera autorisé à recourir à la Cour constitutionnelle s'il constate un empiètement sur ses prérogatives d'ordre réglementaire. Un scénario qui demeure plus que probable, concernant la réforme des retraites. Une gouvernance participative et transparente L'avis du CESE a aussi porté sur le pilotage du régime des pensions de retraites. Il a ainsi recommandé de procéder à l'amendement de l'article 7 du décret n° 2-95-749 en arrêtant le minimum des réserves réglementaires à 5 fois (au lieu de 2 fois) la moyenne des prestations des 3 dernières années. Mieux encore, «il faut instaurer les principes de gouvernance participative et de transparence basés sur une clarification des prérogatives de gestion et de gouvernance en s'assurant de la représentativité effective de toutes les parties prenantes, notamment de l'Etat, des employeurs et des centrales syndicales les plus représentatives», préconise le CESE.