Alors que l'Algérie dépense sans compter dans l'armement, le Maroc parie sur la rationalisation des dépenses et les choix ciblés et calculés. Détails. Dans un contexte géopolitique et international tout à fait particulier et ultrasensible, le Maroc a conçu son budget de la Défense pour l'année 2023 en tenant compte des impératifs qui commandent sa stratégie. La nouvelle architecture budgétaire a été présentée par le ministre délégué auprès du Chef du gouvernement chargé de l'Administration de la Défense nationale, Abdellatif Loudiyi, aux députés de la Commission des Affaires étrangères de la Chambre des Représentants. C'est plausible ! « Un budget plausible et équilibré par rapport aux pays voisins de la région », selon le ministre délégué qui a expliqué aux députés que les fonds alloués à la Défense nationale demeurent équilibrés et conçus de telle sorte à prendre en considération les exigences de l'Etat social et les contraintes des finances publiques. En 2023, la défense du Maroc coûtera au contribuable 62,2 milliards de dirhams (6,8 milliards de dollars), soit 5,2% du produit intérieur brut. Un chiffre modéré si on le compare à celui de l'Algérie qui ne cesse de démontrer ses velléités belliqueuses et sa dérive militariste en gonflant son budget à un niveau jamais atteint par le passé. On parle ici de 22,7 milliards de dollars. Cette montée en flèche est due, selon les observateurs, à la volonté de l'Armée nationale populaire de s'armer jusqu'aux dents, exacerbant ainsi la course à l'armement dans la région. Pour sa part, le Royaume parie sur une méthode plus rationnelle et sur la bonne gouvernance, sachant que le budget de 2023 reste limité par rapport aux besoins, comme l'a reconnu Loudiyi. Toutefois, l'Etat a dû faire un effort budgétaire remarquable cette année pour renforcer l'équipement des Forces Armées Royales dans le cadre du chantier de modernisation de toutes les composantes des armées (terre, mer et air). Raison pour laquelle le budget a augmenté de 4,2 milliards de dirhams cette année. Une décision qui est loin d'être fortuite puisque le Royaume a multiplié, ces dernières années, les contrats d'acquisition de matériel militaire dans plusieurs domaines. Les contrats sont nombreux. On en cite les hélicoptères Apache, dont la réception de 24 exemplaires est prévue pour 2024. Sur ce point, le Maroc a d'ores et déjà commencé à préparer l'infrastructure aéroportuaire adéquate à ce type d'aéronefs de combat, en réaménageant l'aéroport militaire de Khouribga. Le Maroc attend également la mise à niveau des avions de chasse «F-16», dont 25 unités seront « upgradées » avec des technologies de dernière génération. Le contrat validé par le Congrès américain, rappelons-le, en 2019 va coûter 4 milliards de dollars. En parallèle avec le raffermissement de sa flotte aérienne, le Royaume parie beaucoup sur les technologies du futur, c'est-à-dire les drones qui changent actuellement toutes les doctrines et les stratégies militaires de par le monde, vu leur capacité à changer la nature et le cours de la guerre moderne. Le fait que le Royaume soit doté de satellites de surveillance conforte ce choix qui s'érige en pilier fondamental de la doctrine marocaine. L'appétence du Maroc pour les drones est d'autant plus visible qu'une série de contrats ont été passés avec plusieurs pays, ce qui dénote d'une volonté de diversification des technologies et des sources d'approvisionnement. La technologie israélienne est, pour autant, très sollicitée par le Maroc qui a passé plusieurs commandes de drones, dont les fameux kamikazes «HAROP», auprès du groupe «Israel Aerospace Industries » (IAI). Un contrat très médiatisé d'une valeur estimée à 22 millions de dollars mais qui, rappelons-le, n'a pas fait l'objet d'une communication officielle. En plus des drones kamikazes, le Maroc s'est doté aussi des « WanderB VTOL », un drone israélien fabriqué par Bluebird, qui a été livré au Maroc pour autant qu'il a été exposé lors de l'exercice conjoint de gestion des catastrophes humanitaires Maroc-Etats Unis à Kénitra, organisé du 12 au 23 septembre 2022. En effet, une partie de ces drones devrait être produite au Maroc, à en croire la presse israélienne. Ceci montre la volonté du Royaume d'accélérer le chantier d'industrialisation. Sur ce point, Abdellatif Loudiyi a saisi l'occasion de son passage au Parlement pour faire une annonce retentissante. Bientôt des drones made in Morocco Il a annoncé officiellement que le Maroc va se lancer dans l'industrie militaire et la fabrication d'armement, dont les drones, sachant que le cadre juridique a été mis en place 2021 avec l'adoption de la loi n°10-20 relative aux matériels et équipements de défense et de sécurité, aux armes et aux munitions. En vertu de cette loi, le Maroc s'octroie la possibilité d'accorder des licences aux fabricants d'armes pour installer des activités sur le sol national. A travers cette démarche, le Royaume veut développer plusieurs types d'industrie, dont celles des armes et des munitions, et de la maintenance des avions militaires. Concernant les drones, le gouvernement marocain veut développer la fabrication de «drones capables de mener des opérations de renseignement, de surveillance et des attaques armées, en plus de la maintenance des avions militaires», c'est en tout cas ce qu'a précisé le ministre délégué dans son compte-rendu qui n'est pas très circonstancié. Ce que l'on sait pour l'instant, c'est qu'un projet de construction d'une usine de maintenance d'avions militaires a été confié à une entreprise internationale spécialisée, dans la région de Benslimane.