Couvrant les années 2020 et 2021 et s'ouvrant sur les perspectives de 2022, l'objectif du rapport du Policy Center for the New South (PCNS) est de contribuer, modestement, à la construction des politiques économiques dont l'Afrique a besoin, quand on sait que la pandémie a mis en lumière toute une série de fragilités préexistantes restées sans réponse après la crise financière mondiale. C'est un document fort riche en enseignements sur le continent en matière d'économie. C'est la première impression que l'on a sur la 3ème édition du rapport annuel du Policy Center for the New South (PCNS), une institution dirigée par Karim El Aynaoui. Préfacé par Larabi Jaïdi, Senior Fellow, Policy Center for the New South (Coordination générale), ce rapport 2022, présenté lors d'une conférence de presse, vient s'ajouter à la longue liste des documents et recherches que produit PCNS chaque année. En effet, comme le souligne le rapport, la succession des chocs pandémiques, climatiques et géopolitiques a éprouvé les économies africaines. Partant de ce constat, soulignent les rédacteurs, les liens commerciaux et financiers avec le monde ne sont plus seulement considérés comme des moteurs de performance, mais aussi comme des sources potentielles de vulnérabilité. La défiance à l'égard de la mondialisation s'est accrue. Le rapport met en évidence les trois chocs qui ont traversé le monde, à savoir le choc sanitaire, le conflit russo-ukrainien et le choc climatique, ainsi que leurs conséquences négatives sur l'Afrique. Il met en relief le rôle de la Conférence de Charm El-Cheikh de 2022 sur les changements climatiques (COP 27) dans le placement de ce continent, à la fois spécifique et pluriel, lequel est au centre de toutes les préoccupations. Car ils ont mis à nu la dépendance du continent, le dérèglement de ses rapports à la nature et sa vulnérabilité face aux tensions géopolitiques. Il faut noter, au départ, que l'Edition 2021 du Rapport du PCNS sur l'Economie Africaine réunit les contributions d'une pléiade de chercheurs, praticiens du développement et acteurs de premier plan pour explorer les voies de renouveau de la solidarité économique africaine, valeur fondatrice du projet panafricain. Innovation économique Dans un environnement incertain, peut-on lire dans le rapport, l'enjeu économique n'est pas seulement de reconquérir une nouvelle frontière de croissance, il est aussi de réinventer les modèles de développement. Il s'agit de tracer le chemin de compatibilité entre l'innovation économique, la cohésion sociale et la durabilité écologique. Il s'agit de renforcer la convergence des dynamiques des Communautés économiques régionales et du chantier de la ZLECAF pour tisser une interdépendance économique, vecteur de la résilience du Contient. Il faut reconnaitre que l'économie africaine traverse une période complexe. C'est dans le continent, révèle le rapport, que les effets cumulés des trois chocs – pandémique, climatique et géopolitique – ont été les plus fortement ressentis. La réaction a été affaiblie par les contraintes des équilibres extérieurs, combinées à la lente transformation structurelle et aux limites des marges de financement de la relance économique et des attentes sociales. C'est donc en toute logique que la ligne directrice de ce rapport s'interroge sur les capacités du continent à conduire une triple transformation économique, sociale et écologique en réponse aux trois chocs subis. En 2020, fait remarquer le rapport, la pandémie a déclenché une crise économique qui s'est propagée plus rapidement que le virus lui-même. L'Afrique a été la région mondiale la moins touchée par la pandémie mais son PIB s'est contracté à un niveau jamais enregistré par le passé. La pandémie a mis en lumière toute une série de fragilités préexistantes qui sont restées sans réponse après la crise financière mondiale. La Covid-19 a rappelé que nous vivons dans un monde étroitement interdépendant qui comporte des risques mais offre aussi des opportunités. Si, durant l'année 2020, il semblait que le monde s'était arrêté de tourner pour se concentrer sur la lutte contre la pandémie, l'année 2021 a donné l'espoir d'un rebond économique et d'une sortie de crise salutaire. Nouveau choc climatique Cependant, le rebond de l'année 2021 a été inégal entre les pays et l'incertitude ne s'est pas dissipée. Fragilisées, les chaînes d'approvisionnement n'ont pas suffisamment alimenté la demande adressée à l'Afrique, les niveaux d'endettement ont considérablement augmenté. Dans ces conditions, le nouveau choc climatique, accentué par l'inattendu choc géopolitique, ont non seulement fait dérailler la reprise, mais aussi marqué défavorablement le début d'une décennie devenue plus incertaine, souligne le rapport. In fine, le document sur l'économie de l'Afrique soutient que la crise multidimensionnelle provoquée par la Covid-19 force le continent à faire le choix qui s'impose : tracer collectivement une nouvelle voie menant de la reprise économique à un continent plus innovant, plus égalitaire et écologiquement plus durable, conformément aux ambitions du Programme de développement durable à l'horizon 2030 et de l'Agenda 2063 de l'UA. Cette voie n'est pas simple à définir. La construction d'un monde meilleur est une question de conviction, de volonté et d'action collective. Selon le PCNS, l'objectif de cette publication est de contribuer, modestement, à la construction des politiques économiques dont l'Afrique a besoin. Les défis humains que doivent relever les pays africains sont majeurs pour l'avenir du continent. Des solutions nouvelles doivent être trouvées car l'innovation n'est pas que politique ou technologique, elle est aussi intellectuelle et institutionnelle. En effet, au moment où l'Afrique cherche à renforcer ses capacités d'adaptation face à l'évolution du monde et à «gagner» la bataille du développement, le rôle des think tanks est de prendre part à l'animation des débats stratégiques dans la perspective d'éclairer les choix que les décideurs auront à faire. Wolondouka SIDIBE Bon à savoir
Chaque thème du rapport apporte son éclairage sur l'insertion de l'Afrique dans un nouveau monde en gestation. Face à l'incertitude de l'avenir et aux tensions stratégiques des pôles dominants du «système-monde», le continent est tenu d'élaborer une réponse commune tant ses défis sont communs. Tirer pleinement parti des avantages potentiels de la ZLECAF suppose de recourir à un large éventail de politiques complémentaires aptes à renforcer le lien entre commerce et mutation structurelle du continent et à formuler des réponses aux grandes transformations en cours (économique, écologique, sociale). La manière dont ces transformations seront implémentées conditionnera grandement l'ampleur des gains économiques engrangés par l'Afrique et la captation de parts valorisantes dans les nouvelles dynamiques des chaînes de valeur mondiales. Rappelons que le Policy Center for the New South (PCNS) est un think tank marocain dont la mission est de contribuer à l'amélioration des politiques publiques, aussi bien économiques que sociales et internationales, qui concernent le Maroc et l'Afrique, parties intégrantes du Sud global. Le PCNS défend le concept d'un «nouveau Sud» ouvert, responsable et entreprenant.