C'est une question vitale de pouvoir transformer sur le continent les matières premières pour une valeur ajoutée économique en arrêtant le bradage des ressources minières. Car seule l'industrialisation de l'Afrique pourrait procurer massivement de l'emploi à la jeunesse africaine. Explications avec Samuel Koffi Fangnon, Ingénieur mécanicien et Promoteur du Projet d'Industrialisation de l'Afrique (PIA). -Vous aimez dire : «Tant que nous ne produirons pas ce que nous mangeons, tant que nous ne produirons pas ce dont nous nous vêtons, nous demeurerons toujours des gens pauvres». Qu'est-ce que cela signifie dans un monde globalisé ? - Vous conviendrez avec moi que le soubassement de l'économie d'un pays est basé sur la productivité de sa population, c'est pourquoi on parle souvent du PIB (Produit Intérieur Brut). Le PIB d'un pays signifie l'ensemble de la richesse que produit la population de ce territoire. Donc si vous êtes incapables de produire dans votre propre pays ce que vous mangez, automatiquement vous êtes pauvres et c'est le cas de bon nombre de pays africains. La majorité des pays africains dépensent des milliards de FCFA pour importer de la nourriture et des vêtements sur d'autres continents. Ce phénomène d'importation de ce que nous mangeons sur d'autres continents nous rend dépendants de ces pays. Je peux même dire que nous sommes des «esclaves» de ces pays qui nous donnent à manger même si nous achetons la nourriture avec notre propre argent. Pourtant, l'Afrique dispose d'une grande potentialité agricole avec près de 60% de terres arables et une grande potentialité en ressources hydrauliques, nous permettant de produire tout ce que nous mangeons sur le continent. C'est un constat amer et qui doit nous interpeller à plus d'un titre. -Justement, vous êtes promoteur du «Projet d'Industrialisation de l'Afrique» (PIA). De quoi s'agit-il ? - Le Projet d'Industrialisation de l'Afrique est un projet que j'ai conçu depuis plus d'une vingtaine d'années, suite à un constat que j'ai fait pendant ma formation d'ingénieur mécanicien en Inde. J'ai été au coeur de l'industrie métallurgique de ce vaste pays où nous fabriquions toutes sortes de machines et engins agricoles. Arrivé en Inde pour ma formation en ingénierie mécanique, j'ai pu déceler le mécanisme qui a permis à l'Inde et d'autres Etats asiatiques comme la Chine de pouvoir s'industrialiser. J'ai été fasciné par la simplicité et la méthode qui ont permis à ces deux pays, l'Inde et la Chine, de fabriquer des machines qui, jadis, étaient uniquement la chasse gardée des Occidentaux. Depuis lors, je nourris sans cesse l'ambition de répliquer ce modèle qui consiste à former massivement des ingénieurs Mécaniciens/ Polytechniciens pour amorcer l'industrialisation de l'Afrique. -L'Afrique a tout mais son tissu industriel peine à accompagner ce développement tant escompté. Comment qualifiez-vous aujourd'hui l'industrie du continent ? - A ce jour, je peux dire que l'industrie africaine n'existe même pas, au sens propre du terme. Et le peu d'usines et d'industries dont nous disposons sur le continent est détenu majoritairement par les Occidentaux et le reste par les Asiatiques. Pourtant, l'Afrique détiendrait plus de 30% des ressources minières du monde. Le continent demeure, à cet effet, le grand pourvoyeur de la matière première à l'industrie occidentale et asiatique. Comme je ne cesse de le dire, nous devons aller vers l'industrialisation de l'Afrique. C'est une question de pouvoir transformer, sur place, nos matières premières pour une valeur ajoutée économique. L'avantage est que seule l'industrialisation de l'Afrique pourrait procurer massivement de l'emploi à la jeunesse africaine. -Faut-il penser à la mise en place d'une politique industrielle ou des politiques industrielles pour une meilleure compétitivité sur le continent ? - L'industrialisation du continent est un impératif car elle a de multiples avantages sur le plan économique. En effet, la transformation de nos ressources minières sur le continent, pour une valeur ajoutée, nous apporterait beaucoup d'argent. Je peux même dire que la transformation de nos matières premières sur le continent pourrait nous rapporter jusqu'à un ratio de 1000%. C'est-à-dire que si nous investissons $100 dollars dans la transformation de nos matières premières, nous aurons $1000 dollars comme gain financier. C'est-à-dire que c'est très rentable de transformer ces matières premières sur le continent. En plus de cela, nous aurons le grand avantage de créer massivement de l'emploi pour la jeunesse africaine qui, à cause de la misère et la pauvreté, quitte le continent pour lutter quotidiennement contre la mort dans les déserts ou les océans, le lot de l'immigration clandestine. -Partant de constat, quel peut être le rôle des gouvernements africains dans l'émergence industrielle du continent à travers le partenariat public-privé ? - Le rôle de nos gouvernants est capital dans l'accélération et la réalisation des projets d'industrialisation. Aucun projet d'industrialisation ne pourrait réussir sans le soutien inconditionnel des gouvernements, car l'industrialisation relève d'une décision politique et souveraine d'un Etat, le rôle du secteur privé serait d'accompagner l'Etat sur le plan technique à travers le partenariat public-privé. -Dans ces conditions, quel appel avez-vous à lancer à l'adresse des chefs d'Etat par apport à l'industrialisation de l'Afrique ? - Je voudrais ici lancer un appel solennel à nos chefs d'Etats africains d'arrêter de brader nos matières premières aux multinationales. Ces dernières pillent nos ressources minières pour des modiques sommes qui ne permettent pas à nos pays de vivre avec autosuffisance économique. Nous devons penser à l'industrialisation de l'Afrique, ce qui nous permettra d'exploiter nous-mêmes nos ressources minières sur le continent pour une valeur ajoutée. Nous devons prendre exemple sur l'Inde et la Chine qui étaient aussi pauvres que nous, mais ont réussi l'industrialisation de leurs pays. Rappelons qu'il y a 30 ans, l'Inde et la Chine ne pouvaient pas extraire du pétrole ou du gaz de leur sous-sol. Aujourd'hui, ces deux pays y sont arrivés, grâce à la formation massive des ingénieurs mécaniciens/polytechniciens. C'est pourquoi, je propose la création de centres d'excellence en mécanique dans chaque pays d'Afrique pour former 10.000 ingénieurs mécaniciens/ polytechniciens, question d'amorcer l'industrialisation de l'Afrique. Seule cette industrialisation peut garantir un avenir radieux à la jeunesse africaine. Entretien réalisé par Wolondouka SIDIBE Bon à savoir
Ingénieur mécanicien et Promoteur du Projet d'Industrialisation de l'Afrique (P.I.A), Samuel Koffi FANGNON est détenteur d'un Diplôme d'Ingénieur de Génie Mécanique ; Option Fabrication de Matériel Hydraulique et Agricole à l'Institut ParanTaman P.R.D de TAMILADU INDE avec comme spécialité : Conception et Fabrication du Matériel des Travaux Publics. Depuis février 2000 à nos jours, il est Ingénieur à FORAMAT SA. A ce titre, il a réalisé plusieurs travaux en tant que coordinateur. En 2001, il réalisa 10 forages équipés de pompe INDIA MARK II a Bolgatanga au Ghana pour la compte de PNUD GHANA, et 25 autres équipés de pompe INDIA MARK II a WA au Ghana pour le compte de l'AGENCE CANADIENNE DU DEVELOPPEMENT INTERNATIONALE (ACDI). Presque chaque année, Samuel Koffi FANGNON pilote des projets de forage. Rien qu'en 2017-2018. Il a réalisé 20 forages, dans la région de TILLABERIE au NIGER, financement ECN et 20 autres forages Profond a AGADEM dans la région de DIFA au NIGER, financement CNPC en 2018-2019. Et la liste est longue...