Le Maroc parie sur la technologie israélienne pour booster sa flotte de drones, désormais un des piliers de l'Armée de l'Air. Il va sans dire que la coopération militaire est l'un des piliers de la nouvelle alliance maroco-israélienne. Emboîtant le pas au ministre de la Défense Benny Gantz, le Chef d'Etat-Major de Tsahal, Aviv Kokhavi, lui-même, vient d'achever une visite, la première d'un militaire hébreu d'un tel rang au Royaume, où il a rencontré plusieurs responsables, dont le général de Corps d'Armées, Belkhir El Farouk, Inspecteur général des Forces Armées Royales et Commandant de la Zone Sud, et le ministre chargé de la Défense nationale, Abdellatif Loudiyi. La visite est qualifiée d'« historique ». En témoigne l'accueil grandiose réservé à Aviv Kokhavi, qui a été reçu avec tous les honneurs militaires dus à un invité de marque. Evidemment que ce n'est pas fortuit et que tout est bien calculé, d'autant que l'enjeu de cette visite est de taille ! Concrétiser la coopération militaire, en passant de la théorie à la pratique, c'est-à-dire aux contrats d'armement. Au Maroc, la communication officielle n'en a pas donné de détails. Mais des rapports médiatiques israéliens en ont dévoilé quelques-uns sur le bilan de la visite. Celle-ci s'est soldée par un contrat d'acquisition de drones « Kamikaze ». Selon le site Haaretz, la visite de Kokhavi aurait été l'occasion d'aborder le contrat d'achat des drones sans pilote « Harops », surnommés « Kamikaze », vu leur capacité à s'autodétruire lors d'un choc avec une cible ennemie. En effet, les négociations auraient d'ores et déjà commencé. En novembre dernier, il a été annoncé que le Royaume a passé une commande à « Israeli Aerospace Industries », fabricant de ces drones, d'une somme de 22 millions de dollars. Un contrat qui s'ajoute à d'autres conclus précédemment (Voir repères). D'une longueur de deux mètres et demi, ce type de drones hypersophistiqués a la caractéristique de pouvoir voler pendant six heures sans interruption avec une durée de vol maximale de neuf heures. Destinés à des missions de combats, les drones « Harop » peuvent détruire une cible et être ramenés à la base aérienne d'où ils ont décollé. Autrement dit, s'ils ne parviennent pas à y trouver un ennemi volant, ils peuvent être ramenés à leur base d'origine. Le drone est équipé d'un système photographique avancé qui lui permet d'identifier ses cibles en fonction de critères établis avant son expédition. Il attaque sa cible en s'écrasant dessus et en explosant, après avoir reçu l'autorisation du commandement qui peut se trouver jusqu'à 200 kilomètres de sa position. Les drones ont d'ores et déjà fait leur preuve sur le terrain. L'Azerbaïdjan, par exemple, en a fait usage lors de la guerre du Haut Karabakh, pour attaquer les redoutables systèmes de défense sol-air russes « S-300 » exploités par l'armée arménienne. Israël et le Maroc tâtent le terrain d'expérimentation La négociation des contrats n'a pas été l'unique but de la visite du général israélien. Ce dernier s'est rendu, mercredi, à la Base aérienne de Benguérir, selon la correspondante militaire de la Défense israélienne, Anna Ahronheim, qui a fait cette annonce sur son compte Twitter. L'objectif de cette visite est clair : passer en revue les différents aspects liés à l'usage des drones et l'éventualité d'organiser des exercices conjoints entre les forces aériennes. La correspondante israélienne a aussi fait savoir que le général a discuté avec le commandant de la Base des menaces posées par les drones. En acquérant de nouveaux drones israéliens, les Forces Armées Royales confirment leur appétence pour les Drones, dont elles veulent constituer une escadre assez importante pour qu'ils soient un pilier de la flotte aérienne. S'agit-il donc d'une priorité de la nouvelle doctrine militaire marocaine ? Hicham Hafidi, ancien officier et expert dans les questions de Défense, estime que tout laisse croire que l'usage opérationnel des drones est appelé à se renforcer dans le futur proche, ceci prouve que cela fait partie des choix stratégiques du Haut Commandement des FAR. Selon notre interlocuteur, l'usage des drones est une tendance irréversible à l'échelon international, d'autant qu'ils ont fait leur preuve dans plusieurs conflits régionaux comme celui du Haut Karabakh et sur le théâtre ukrainien. « Les drones ont le vent en poupe après la guerre du Haut Karabakh où ils se sont illustrés comme un véritable game changer, le nouveau must have des armées modernes. C'est pourquoi les FAR ont rapidement acquis une large palette de drones couvrant un grand spectre de missions », a-t-il poursuivi, ajoutant que la guerre en Ukraine a permis de mettre encore plus en avant le potentiel des drones à travers de nouvelles formes d'utilisation en essaim et dans le cadre de la techno guérilla. Par ailleurs, Hicham Hafidi continue en expliquant que dans le domaine de la défense, il faut être très attentif aux évolutions des matériels, au risque d'être rapidement dépassé par les événements. « Chaque nouvel équipement nécessite d'être pris en compte dans l'effort permanent de modernisation des armées », a-t-il repris, citant l'exemple de l'apparition des premiers chars et des premiers avions au détour de la première guerre mondiale qui a conduit les armées modernes à s'en équiper massivement. En conséquence, la deuxième guerre mondiale a été le théâtre des plus grandes batailles de chars de l'Histoire militaire, ainsi que de campagnes aériennes d'envergure. « Il est donc vital de ne pas rater le coche de l'innovation technique », conclut l'expert. Un deal mutuellement bénéfique Cette nouvelle alliance entre le Maroc et Israël s'apparente à un jeu à somme positive. C'est-à-dire que les deux parties s'en sortent gagnantes. Le Maroc bénéficie de la technologie israélienne en échange de partager son expérience en matière de sécurité et de lutte contre le terrorisme, sachant que les deux pays partagent une relation spéciale avec l'OTAN. En plus de cela, les FAR sont connues pour avoir un haut niveau de qualification et de modernisation, ce qui en fait un partenaire crédible et digne d'une coopération au plus haut niveau. En témoigne la déclaration du Général américain, commandant de l'Africom, Stephen Townsend, qui a indiqué, au micro de « L'Opinion » à l'issue de l'Exercice « African lion », que les FAR ont atteint les standards de l'OTAN en matière de conduite des exercices militaires. Anass MACHLOUKH Industrie militaire : vers un transfert de technologie
Depuis les deux dernières années, le Maroc affiche sa volonté de développer son industrie militaire. Ceci a fait l'objet de l'accord de coopération militaire signé, en octobre 2020, avec les Etats-Unis et qui couvre la période 2020-2030. En plus des Etats-Unis, le Royaume compte également sur Israël pour promouvoir son industrie. Ceci a été au coeur des discussions qu'a eues le général israélien avec le ministre délégué chargé de l'Administration de la Défense. Le communiqué officiel a souligné l'intérêt du Maroc à monter conjointement des projets industriels conjoints au sein du territoire national. Cette visite, traduisant l'excellente coopération militaire maroco-israélienne, a par ailleurs permis d'examiner les opportunités de développer davantage les axes de cette coopération portant principalement sur la formation, le transfert de technologie, ainsi que sur le partage d'expériences et d'expertises entre les Forces Armées Royales et les Forces armées israéliennes, conclut la même source.
Repères Une reprise en mouvement Depuis la reprise des relations diplomatiques, le 10 décembre 2020, le Maroc et Israël ont scellé un partenariat sans précédent dans l'Histoire de leur relation, en établissant une coopération multidimensionnelle. En l'espace de deux ans, plusieurs membres du gouvernement israélien ont visité à tour de rôle le Royaume. Des visites qui se sont soldées par plusieurs accords de coopération dans plusieurs domaines, à savoir le tourisme, les investissements, l'innovation, l'industrie, l'Eau, les services consulaires et l'Education. L'un des accords les plus remarquables est celui conclu par la ministre israélienne de l'Intérieur qui s'est rendue récemment au Royaume et qui porte sur la mobilité des travailleurs marocains vers Israël.
Drones israéliens : un large éventail Ce n'est pas la première fois que le Maroc se dote de drones israéliens. Le site Haaretz révèle que notre pays a acheté, en 2014, trois drones « Heron » fabriqués par « Israel Aerospace Industries » pour 50 millions de dollars. Selon la même source, l'accord ne portait pas sur des drones armés, mais sur le Heron 1, équipé de capteurs qui, selon le site web de l'Israel Aerospace Industries, permettent «la collecte de renseignements complexes, la surveillance, la patrouille et l'identification de cibles, et la conduite de missions sur des terrains différents».
Vers plus d'exercices conjoints Au cours de leurs discussions, l'Inspecteur général des FAR et son homologue israélien ont exprimé leur satisfaction du niveau atteint par les relations maroco-israéliennes, concrétisé par l'échange d'expériences et d'expertise, et la participation à des exercices d'entraînements communs, notamment la participation récente de l'armée israélienne à l'exercice militaire multilatéral African Lion 2022, organisé par le Maroc et les USA. Israël, rappelons-le, a été représenté par deux observateurs.