Le Maroc peut devenir un hub important pour la Russie sur le continent africain, comme la Russie peut devenir un hub intéressant pour le Maroc au niveau de l'Europe orientale et de l'Asie, souligne le fin connaisseur des marchés russe et marocain, Artem Tsinamdzgvrishvili. - Quelle est la vision stratégique de la Russie pour utiliser le Maroc comme plateforme vers l'Afrique et l'Amérique latine ? - Les crises créent toujours des opportunités. Les sanctions antirusses illégales ouvrent en même temps de nouvelles opportunités non seulement pour la Russie, mais aussi pour ses amis, auxquels appartient sans aucun doute le Royaume du Maroc. Nous avons toujours vu une telle opportunité et certains exportateurs russes en ont déjà profité. Nous considérons toujours le Maroc comme la porte d'entrée du continent africain, notamment de l'Afrique de l'Ouest. La position géographique avantageuse du Royaume ainsi que les liaisons économiques et commerciales avec de nombreux pays d'Afrique et d'Amérique latine lui permettent de devenir une plateforme importante pour la Russie dans les nouvelles conditions géopolitiques. Nous travaillons déjà dans ce sens, notamment avec les fabricants russes de bitume et de voitures. - L'exemple de l'automobile est évidemment présent. Quelles sont les chances de booster les échanges commerciaux dans ce secteur ? - La coopération dans le secteur de l'automobile est déjà établie. On ne parle pas uniquement de fourniture des automobiles russes ici mais aussi de l'assemblage de voitures. Il y a des sociétés russes, à l'instar du constructeur GAZ, qui a déjà commencé à commercialiser la gamme GAZelle sur le marché marocain. Au niveau de l'assemblage, il y a des partenaires fiables marocains qui travaillent avec des sociétés russes. Dans les conditions actuelles, ce volet devient plus important et prometteur. - Des investisseurs russes ont affiché leur désir d'investir dans le projet du gazoduc Nigeria-Maroc. Quel commentaire en faites-vous ? - La Russie a toujours été forte dans le domaine énergétique, notamment dans le lancement et la gestion de projets énergétiques. Il y a des compétences hautement qualifiées dans ce domaine. De grandes sociétés russes, des leaders mondiaux, ont effectivement affiché leur intérêt pour le projet du gazoduc Nigeria-Maroc. Pour le moment, nos gouvernements discutent déjà avec des sociétés présentes dans les pays engagés dans ce projet. - Qu'est-ce que le Maroc a à offrir à Moscou ? - Pour le moment, les exportations du Maroc semblent de plus en plus prometteuses et intéressantes pour la Russie. Traditionnellement, ce sont des produits agricoles – les fruits et les légumes. Du coup, le Maroc exporte aussi vers la Russie des produits de l'industrie textile. Par exemple, l'année dernière les importations d'agrumes ont augmenté à 33%. Pour des vêtements et des chaussures marocains, le chiffre est monté vers 23%. Compte tenu de la conjoncture et des tendances actuelles, je peux prévoir une augmentation de la demande russe pour les marchandises à valeur ajoutée, produits au Maroc, notamment dans les domaines énergétique et automobile. Je suis sûr que le commerce bilatéral russo-marocain a de très bonnes perspectives et nous sommes toujours prêts à travailler pour l'améliorer. - Quelles sont les ambitions de la Russie pour s'étendre au niveau continental ? - Le Maroc peut devenir un hub important pour la Russie sur le continent africain. Comme la Russie, qui peut devenir un hub intéressant pour le Maroc au niveau de l'Europe orientale et de l'Asie. Il y a pas mal de sociétés russes qui travaillent déjà dans ce sens, en recourant à des partenaires marocains qui sont présents en Afrique depuis des années. Une fois qu'une société russe travaille avec des partenaires marocains, toutes les possibilités se présentent pour aller ensemble vers l'Afrique. Outre les produits agroalimentaires, les domaines de coopération s'étendent actuellement vers les marchandises à valeur ajoutée, tels que les vaccins vétérinaires exportés vers les pays africains par les producteurs russes avec leurs partenaires marocains. Recueillis par Safaa KSAANI Bio Les échanges commerciaux n'ont plus de secret pour lui
Artem Tsinamdzgvrishvili apporte son expertise à la Représentation commerciale de la Fédération de Russie au Maroc, ayant notamment assuré diverses missions à la Représentation commerciale de la Fédération de Russie en République de l'Inde, entre 2004 et 2010, avant de devenir le directeur adjoint de la Représentation de Gazprombank en Inde. Il a participé à maintenir une tendance haussière du chiffre d'affaires russo-marocain. « Le volume des échanges bilatéraux entre la Russie et le Maroc a augmenté en 2021 de 42,3% par rapport à 2020 et a atteint 1,6 milliard de dollars. Les exportations russes au Maroc continuent d'augmenter et ont la dynamique positive. L'année dernière, elles ont atteint un record d'augmentation à 58,5%, dépassant 1,2 milliard de dollars. C'est le meilleur indicateur pour la Russie parmi tous les pays africains. Les importations marocaines ont également assisté à la croissance », s'est-il félicité. Avant de devenir le Représentant commercial de la Fédération de Russie au Royaume du Maroc depuis 2016, il fut Directeur adjoint, Directeur du Département de la coopération internationale du ministère de l'Agriculture de la Fédération de Russie. Né en 1979 à Moscou, Artem Tsinamdzgvrishvili a été formé à l'Institut d'Etat des relations internationales de Moscou auprès du Ministère des affaires étrangères de la Fédération de Russie, en 2001. Il a ensuite occupé des postes divers au Ministère du développement économique de la Fédération de Russie. En 2012, l'actuel Représentant commercial de la Fédération de Russie a été formé à Académie russe du commerce extérieur. S. K.