Face au mécontentement marocain, l'ambassade de Berlin a cherché à connaître les raisons derrière la crise maroco-allemande en faisant appel au Réseau des Compétences Marocaines en Allemagne (DMK). Une collaboration qui a été à l'origine de la réconciliation entre les deux pays. Récit d'un triomphe du soft power. Qui aurait imaginé, il y a quelques mois, qu'un simple changement de gouvernement en Allemagne puisse mettre fin à une crise diplomatique sans précédent entre Rabat et Berlin. Après avoir acté officiellement leur réconciliation, Rabat et Berlin regardent désormais vers l'avenir. Un appel téléphonique d'un haut diplomate allemand à son homologue marocain a eu lieu récemment et a été jugé "très positif», nous expliquent des sources bien proches du dossier. Ce « coup de fil » a été l'occasion de clarifier la position de chaque pays l'un vis-à-vis de l'autre et de revoir les perspectives d'une reprise normale des relations bilatérales, après la suspension des contacts entre la diplomatie marocaine et l'ambassade de Berlin. Le président fédéral allemand prend l'initiative En réagissant à la déclaration allemande qui a tout fait pour amadouer le Royaume, le ministère marocain des Affaires étrangères s'en est réjoui tout en demandant "des actes pour refléter un nouvel état d'esprit et marquer un nouveau départ de la relation sur la base de la clarté et du respect mutuel". Message bien reçu du côté de l'Allemagne, dont le président fédéral, Frank-Walter Steinmeier, s'apprête à adresser une invitation officielle à SM Roi Mohammed VI pour effectuer une visite en Allemagne. L'information, qui a été relatée par Le Desk et Africa Intelligence, nous a été confirmée par une source proche de la diplomatie allemande, qui nous a relaté les détails de cette invitation et les coulisses de la réconciliation maroco- allemande. Rien n'est dû au hasard Si le président fédéral allemand a pris l'initiative d'inviter le Souverain marocain, ce n'est pas dû au hasard, c'est une idée qui a émané de plusieurs réunions entre l'ambassade de Berlin à Rabat et des membres du Réseau «Forum marocain des compétences en Allemagne » (MKFD). Après l'éclatement de la crise, la mission diplomatique fut tellement étonnée par la réaction du Maroc, qui a coupé les canaux de communication, qu'elle voulait en comprendre les raisons. Pour cela, elle a fait appel au Réseau susmentionné, composé de journalistes, chercheurs et d'autres composantes de la société civile, provenant aussi bien du Maroc que de l'Allemagne. Ce réseau compte 1000 volontaires, leur rôle consiste à tisser des liens entre les deux pays tout en créant des ponts entre les élites politiques, intellectuelles et médiatiques. Contactés par nos soins, quelques membres de ce réseau ont accepté de se confier à « L'Opinion », sous couvert d'anonymat. Ces derniers ont assisté à plusieurs réunions organisées par l'ambassade allemande à Rabat pendant les dures heures de la crise afin de l'analyser avec un regard marocain. "Ce fut une initiative clairvoyante et ingénieuse de la part des autorités diplomatiques allemandes qui, au lieu de succomber à la surenchère et à la tentation de l'escalade, à l'instar des Espagnols, ont décidé de gérer la crise autrement à travers le soft power", nous explique un de nos interlocuteurs. Durant ces meetings, il a été question de réfléchir à une piste de sortie de crise. Nos sources nous affirment que pendant les discussions, l'idée d'une invitation officielle de SM le Roi par le président allemand a surgi. Pourquoi ? Les personnes qui l'ont recommandée l'ont justifiée par la nécessité d'un geste de bonne volonté émanant de la plus haute autorité allemande qui a le statut de chef d'Etat. Il est connu de tout le monde que le président fédéral en Allemagne n'a qu'un statut honorifique et c'est le chancelier qui concentre le pouvoir exécutif. Toutefois, le protocole oblige. Ce fut le même raisonnement qui a abouti à la "profession de foi" dans la coopération maroco-allemande qu'a publiée, le 13 décembre, le département d'Annalena Baerbock pour regagner la confiance du Maroc. Connus par leur pragmatisme et leur sens du compromis, les diplomates allemands ont fini par se demander qu'est-ce qui pourra remettre les choses au calme et rassurer les autorités marocaines, d'où l'idée de faire une déclaration élogieuse sur le Royaume. Cette idée a fini par s'imposer après que les membres du réseau ont expliqué, preuves à l'appui, les griefs de la diplomatie marocaine qui reprochait au gouvernement allemand son ambiguïté vis-à-vis du conflit du Sahara et l'accumulation d'actes hostiles. Aussi, la réception ostensible des délégations du front séparatiste dans le Parlement régional de Brême et le refus d'extradition de Mohammed Hajib ont exacerbé la colère marocaine. Lors d'une réunion, nous racontent nos sources, après avoir écouté attentivement les exposés des participants sur la marocanité du Sahara et le plan d'autonomie, quelques membres de la mission diplomatique allemande se sont demandé s'il serait judicieux que le ministère des Affaires étrangères manifeste un soutien allemand à cette initiative. En effet, la déclaration allemande n'a fait que souligner l'importance de la solution de l'autonomie, en soutenant les efforts de l'Envoyé spécial du Secrétaire Général des Nations Unies, Staffan de Mistura. De toute évidence, le Réseau des Compétences Marocaines en Allemagne (DMK) a joué un rôle important dans la crise entre Rabat et Berlin, prouvant que le soft power fait ses preuves. Anass MACHLOUKH