« Le message principal de ce roman est que la raison majeure derrière l'endoctrinement de «Saâd» est sa passivité. Il a cru à une pensée irrationnelle parce qu'il était passif et, au fil du temps, une transformation silencieuse a été instaurée au fond de lui jusqu'à ce qu'il se soit trouvé dans une situation délicate ». - Vous publiez votre premier roman à l'âge de 58 ans. L'écriture, est-ce pour vous une passion d'enfance ? - Sincèrement, j'avais le goût de la lecture et je continue toujours de l'avoir, mais la raison derrière la publication de ce roman à l'âge de 58 ans est la manière dont les jeunes sont induits en erreur par l'extrémisme. En fait, j'ai vécu pas mal d'expériences dans ce sens dans mon entourage personnel et professionnel, et je me suis rendu compte que la situation était très grave, profonde et enracinée dans la société. C'est après ce constat que j'ai décidé de réagir à ce danger qui menaçait notre société. Au début, j'hésitais entre un essai et un roman et j'ai opté pour le roman car j'aurais plus de liberté. Mon roman n'est qu'une réaction vis-à-vis d'un vécu très dangereux. - A quel point la neurolinguistique, qui est l'étude des phénomènes neuronaux qui contrôlent la compréhension, la production et l'acquisition du langage, vous a-t-elle permis de prévoir, voire guider la compréhension du lecteur ? - La programmation neurolinguistique a comme principe fondamental que chacun a sa propre carte du monde qu'il imagine à sa façon. En tant que neurolinguiste, je me suis permis de me mettre à la place de l'autre et de regarder sa propre carte du monde. En littérature, cela m'a aidé en me donnant la capacité de me mettre à la place des personnages, donc je peux mieux décrire leurs pensées, comportements, sentiments, et par conséquent me rapprocher du lecteur. En outre, chacun des personnages a subi ce qu'on appelle en littérature «le voyage initiatique ». Il s'agit d'un voyage dans le temps qui permet de remettre en question toutes les croyances et peut-être les changer. La neurolinguistique m'a donc permis de bien tracer ces changements de croyances de tous mes personnages et de les accompagner tous dans leurs voyages. - Politique-religion, dichotomie mauvaise à instaurer, ou éléments indissociables dans la société ? - Le système de croyances, qu'il soit religieux ou non, gère d'une manière ou d'une autre notre comportement. Ceci dit, la clé de tout cela est la capacité propre à l'être humain de penser à sa pensée. Qu'est-ce que l'humain pourrait faire pour ne pas être endoctriné religieusement, politiquement ou sur une autre échelle ? Il doit se poser des questions tout le temps. C'est à l'individu de se poser des questions sur le chemin qu'il est en train de prendre et de voir si ce dernier le mènera vers plus de choix, de libertés et d'épanouissement. La seule garantie pour que l'individu réussisse est de penser, la rationalité est la base. La pensée irrationnelle ne peut influencer nos cerveaux qu'à travers l'émotionnel, la religion ou les zaouïas qui recourent à l'émotionnel pour convaincre. En parallèle, les croyances ont comme base une charge émotionnelle qui leur permet de nous inculquer de fausses idées. - Pourquoi avez-vous choisi le Moyen-Orient comme foyer de l'extrémisme ? - Il faut dire que toutes les scènes décrites dans ce roman relèvent de la réalité. Saâd, qui habite une zaouïa qui s'est effondrée, et qui a voyagé dans un pays du Golfe, est une personne que je connais très bien. Seule la partie de l'extrémisme n'est pas réelle. Pour l'écrire, j'ai dû me documenter à travers l'Histoire et les échos qui arrivent à chaque fois. L'origine du wahhabisme par exemple est le Moyen Orient. L'histoire de Saâd ne s'est pas terminée au Maroc car les Marocains ont vécu, tout au long de l'Histoire, en paix côte à côte avec les juifs et les chrétiens. C'est un aspect très positif qu'on trouve dans la culture marocaine : la sagesse qui est concrétisée et contextualisée dans le roman à travers la mention de plusieurs proverbes marocains. Le personnage de Benmouh est un personnage avec qui j'ai vécu. En gros, il y a une grande partie de la réalité dans « Le muet ». - Votre personnage principal, Saâd, était, avant d'être endoctriné, élève d'une zaouïa, est-ce un lieu de culte dangereux ? - Pour les zaouïas, ce qui est dangereux n'est pas le soufisme en luimême parce qu'il s'agit simplement d'une connexion ou liaison entre l'individu et Dieu, et qui satisfait le besoin spirituel de l'être humain. L'institution de la zaouïa est la plus dangereuse, surtout, et dans la majorité des cas, quand elle est gérée par des gens de mauvaise foi, par des manipulateurs qui donnent naissance à des victimes. - Dans un passage, vous dites : «J'aurais bien aimé ne jamais être allé à la zaouïa, j'aurais aimé être chanteur », est-ce un passage des « ténèbres » de la zaouïa vers les « lumières » de l'art ? - Initialement, le père du jeune Saâd l'a influencé pour aller à la zaouïa puisqu'il chantait bien le Coran, alors que Saâd voulait bien être musicien. Il pensait que l'intégration d'une zaouïa pourrait l'aider à devenir une star de la chanson surtout qu'il regardait à la télévision les différents programmes de jeunes talents en musique. Le vainqueur de la dernière édition était Marocain. - Le prologue, la première et dernière pages sont caractérisés par une dominance des verbes de perception. Le titre du roman « Le muet » est également relatif à la faculté de parler. Y a-t-il une raison derrière ce choix ? - Sincèrement, je ne l'ai pas fait exprès. Une fois vous écrivez un roman, vous êtes dans l'obligation de voir ce que les personnages voient, sentir ce qu'ils sentent, dire ce qu'ils disent, etc. Vous vous rapprochez même de leurs pensées. Pour moi, c'était une conséquence du fait que j'ai essayé de me mettre à la place de tous mes personnages, la neurolinguistique que je maîtrise m'a sans doute aidé. - Vous terminez votre roman avec « qui sait ? » Est-ce une invitation aux lecteurs pour plonger dans une réflexion et chercher la réponse ? - Effectivement, j'ai préféré ne pas lancer très explicitement mon message, il fallait le mettre dans un agréable moule littéraire. Dans « Le muet », on peut suivre deux histoires en parallèle, celle de Benmouh et Zahra, et celle de Saâd. Le lecteur est dès le début du roman dans deux perspectives différentes, cela demande une gymnastique intellectuelle. J'ai estimé qu'il aurait été sec si j'avais terminé mon roman avec ma propre vision, et c'est pour cela que j'ai mis « qui sait ? » justement pour inciter le lecteur à se lancer dans une réflexion profonde, à penser à sa manière et à trouver sa propre réponse. Recueillis par Achraf EL OUAD Portrait De l'exploration de mines à la prospection de lignes
«Hamza Marzak est mon nom de plume, je l'ai choisi comme hommage à ma grand-mère maternelle avec qui j'ai passé de longues années de ma vie ». Abderrazak Hamzaoui est né en 1963 à Aoufous dans la province d'Errachidia, il est ingénieur et Maître Praticien en programmation neurolinguistique (PNL). Il a animé plusieurs conférences sur le développement personnel et le pouvoir créatif de l'individu. Orphelin de mère depuis l'âge de 4 ans et de père 7 ans plus tard, le petit Hamzaoui a développé un sens aigu de la lecture : «Dès mon enfance, je lisais tout ce qui tombait entre mes mains : romans, nouvelles, livres scientifiques et magazines. Je lisais également le Coran d'une façon régulière ». Réservé et introverti, l'enfance de notre auteur ne ressemble pas à celle de ses semblables. La méditation a frappé à sa porte à un très jeune âge. Il profitait de ses moments de solitude pour mener une profonde réflexion sur sa vie et son existence, et ce, avant de se pencher vers la neurolinguistique qui, selon lui, lui a permis de développer ses potentialités et de se rendre compte de ses qualités et ses défauts. Ingénieur de formation, Hamza Marzak est Président du PMI Morocco Chapter (Project Management Institute). En outre, il est ex-chef du département Project management and new technologies applaid to mining exploration à l'ONHYM et actuellement chef de division à la préfecture de Rabat dans le même établissement. A. E.