Suite à la levée de boucliers des syndicats suscitée par les nouvelles conditions d'accès aux concours de recrutement des enseignants, le ministre de l'Education, Chakib Benmoussa, et les représentants des syndicats les plus représentatifs ont tenu, mardi dernier, un nouveau round de dialogue. Eclairage La réforme de l'Education annoncée par le ministre de l'Education nationale a provoqué son lot de controverses. Si quelques mesures de cette réforme sont prônées par l'ensemble des parties concernées, d'autres points, tels que la fixation de l'âge maximum à 30 ans et l'impossibilité des enseignants du privé à rejoindre le secteur public sans l'accord de leur patron constituent toujours la pomme de discorde entre les syndicats et la tutelle. En témoigne la dernière réunion, tenue le mardi 23 novembre, entre Chakib Benmoussa, et les centrales syndicales les plus représentatives durant laquelle chacun a tiré la corde vers soi. En effet, lors de cette réunion, le ministre de tutelle n'entend pas reculer sur les conditions d'accès à la profession qui constituent, à ses yeux, une étape « douloureuse », mais « nécessaire » pour la réforme du système éducatif afin de répondre aux revendications des familles marocaines pour une école publique de qualité. Pour leur part, les syndicats ont une fois de plus sorti la carte de l'égalité sociale, soutenant que tous les marocains ont le droit d'avoir une chance de passer le concours. En quête d'un système éducatif de qualité... Cela dit, les syndicats et la tutelle sont tous d'accord sur l'impératif d'une refonte du système éducatif, surtout que l'école publique a perdu non seulement son aspect qualitatif, mais également et surtout son attractivité. Selon le ministre de l'Education, 70% des élèves rencontrent des difficultés en lecture, écriture et mathématiques et 28% des élèves dont l'âge est compris entre 12 et 14 ans ne vont pas à l'école. C'est ainsi que le Nouveau modèle de développement (NMD), a fait de la refonte du secteur de l'éducation une priorité en rehaussant le niveau des élèves dans le primaire, le renforcement de l'égalité des chances et en imposant le préscolaire comme levier de développement de l'école de demain au Maroc. Pour atteindre ces objectifs et arriver à une école de qualité, le ministre de l'Education estime qu'il faut d'abord que le métier d'enseignant retrouve son attractivité, afin qu'il devienne « un métier que les gens intègrent avec conviction, comme c'est le cas avec tous les métiers nobles (médecine, ingénierie ...) ». Que prônent les syndicats ? Pour Abderrazak El Idrissi, Secrétaire général de la Fédération nationale de l'éducation (FNE), le plus grand péché de Chakib Benmoussa est l'approche unilatérale du ministère dans la mise en oeuvre du projet de réforme. « Bien qu'on fut réunis avec le ministre quelques jours avant l'annonce, le ministre ne nous a rien dit. L'annonce est tombée comme un couperet », a-t-il regretté. De même, a-t-il estimé, la décision « n'a pas pris en compte la nature, les spécificités et les problèmes de la société marocaine ». Interrogé par nos soins sur la question de l'implication des syndicats dans le processus de prise de décision, le ministère de l'Education nous indique qu'il n'a pas l'habitude de limiter la liste des sujets à aborder avec les partenaires sociaux. «Un processus de dialogue social est engagé pour construire ensemble l'avenir des métiers de l'enseignement dans une logique partenariale. Les sujets abordés seront communiqués le moment venu par les parties concernées», a-t-il promis. Par ailleurs, l'autre condition qui suscite l'indignation du syndicaliste, c'est l'interdiction des enseignants du secteur privé à rejoindre l'école publique sans une autorisation de leurs directeurs respectifs. « Ces enseignants sont à la merci du patron de l'école, ils ne peuvent rejoindre l'école publique qu'avec la permission du directeur de l'établissement privé», nous explique le syndicaliste. Et d'ajouter que leur conditions de travail sont déplorables « les salaires sont bas et une bonne partie d'entre eux ne bénéficient même pas d'une assurance maladie». Même son de cloche du côté du secrétaire général du Syndicat national de l'enseignement, affilié à la Confédération démocratique du travail (CDT), Abdelaghni Erraki qui a usé des mêmes éléments de langage que ses homologues. « Suite aux premières dialogueréunions le processus de dialogue a été salué et accueilli favorablement par les syndicats, avant que ces dernières mesures viennent nous brouiller la vue», indique notre interlocuteur. «Au-delà de l'information, nous voulons être associés à l'élaboration de toute décision concernant le corps éducatif», a-t-il précisé. Un prochain round dans les jours à venir ... Toutefois, les syndicats et la tutelle ont fixé des dossiers essentiels à traiter dans les mois à venir. « On s'est mis d'accord avec le ministère sur la méthodologie de travail à suivre. Le dialogue va ainsi se poursuivre lors des prochaines réunions. Le plus important est que nous allons conserver les précédents acquis sur plusieurs dossiers qui étaient en cours de résolution. Ce qui va nous permettre de reprendre de là où on s'est arrêté », a indiqué M. Erraki, Secretaire général du bureau du SNE. Aujourd'hui, quelque 26 dossiers revendicatifs attendent d'être résolus et se trouvent désormais sur la table du nouveau chef du ministère et les syndicats se veulent optimistes quant à leur résolution. Pour ce qui est de la très controversée réforme de l'enseignement, trois rendez-vous vont être tenus entre le ministère et les syndicats : le Lundi 29 novembre ainsi que le 1er et le 7 décembre . C'est dire que le bras de fer est loin d'être terminé. Chaimae Barki L'info...Graphie Concours Plusieurs manifestations sont tombé à l'eau
Après avoir manifesté à Fès, à Marrakech, à Casablanca ou encore à Safi et Nador contre la réforme des concours d'accès à l'enseignement, portée par le ministre de l'Education nationale, Chakib Benmoussa, des étudiants opposés à limite d'âge de 30 ans avaient prévu d'investir la capitale pour y tenir une manifestation de grande ampleur. En effet, ce dimanche dans l'Avenue Mohammed V au centre de Rabat. Un grand rassemblement avait été attendu au point que les autorités publqiues ont déployé les forces auxiliaires et les éléments de la sureté nationale devant le Parlement pour assurer le maintien de l'ordre. Cependant, seuls quelques dizaines de personnes ont répondu à l'appel de la coordination. Ces derniers ont été aussitôt dispersés et priés par les autorités, de quitter les lieux, vu qu'il s'agissait d'une manifestation non autorisée. Malgré quelques accrochages verbaux, aucun incident n'a eu lieu.
Reprise du dialogue Benmoussa ne reviendra pas sur ses conditions
Dans un communiqué publié par le ministère de l'Education nationale à l'issue de la réunion du mardi 23 Nouvembre, il a été précisé que M. Benmoussa a expliqué aux syndicats les motivations de cette décision, ainsi que ses objectifs, à savoir l'amélioration de la qualité de l'enseignement et de l'apprentissage des élèves, en mettant en place un nouveau cursus au profit de l'enseignant. Par ailleurs, selon ledit communiqué, quatre principaux axes ont été discutés. Le premier est relatif aux dossiers revendicatifs dont les projets de décrets rectificatifs sont déjà prêts, notamment les cadres pédagogiques et les cadres responsables d'orientation. « Il a été décidé de reprendre les discussions là où elles ont été interrompues et de présenter les projets de décrets à la commission technique pour que celle-ci émette ses remarques », précise-t-on. Le second axe, quant à lui, est relatif aux enseignants cadres des Académies régionales d'éducation et de formation (AREF), le but étant de trouver des solutions innovantes. Alors que, le troisième axe concerne le statut fondamental de l'enseignement. « Des accords sur certains points ont été trouvés entre les deux parties, sur lesquels débutera le travail à partir du mois de janvier prochain, tout en prenant en considération la loi cadre 51.17 et le Nouveau modèle de développement », indique-t-on. Et d'ajouter que le quatrième et dernier axe est relatif à la feuille de route encadrant la relation entre les syndicats et le ministère. « Il a été décidé d'étudier la circulaire 103 publiée en 2017 lorsque Mohamed Hassad était encore à la tête du ministère, et de la mettre à jour s'il le faut », a-t-on conclu.
3 Questions à Mme Khadija Zoumi, syndicaliste chevronnée et figure de proue féminine de l'Union Générale des Travailleurs au Maroc Notre système éducatif pâtit de plusieurs maux
- En tant que membre du syndicat de l'UGTM, quelle est votre lecture de la situation actuelle quant au système éducatif marocain et comment percevez-vous la stratégie de Chakib Benmoussa qui a placé la barre haute pour transformer l'école en « une école de qualité » digne de son nom ? - Notre système éducatif pâtit de plusieurs maux et autres dysfonctionnements qui ont paralysé la bonne marche de certaines idées réformatrices qui, au lieu de donner un résultat inscrit dans l'efficience, se sont révélées souvent contre-productives avec des ratés. Il est donc indéniable qu'une réforme s'impose! En effet, tout le monde est d'accord pour une restructuration totale de l'éducation nationale, et cela passe essentiellement par les infrastructures et l'encadrement pédagogique. - Après la dernière décision prise par le ministre, le dossier des contractuels a ressurgi avec plus de bruit, selon vous qu'est-ce qui a semé la zizanie ? - En effet, la dernière décision a entrainé une forte levée de boucliers, notamment contre la condition d'âge. À mon sens, cette note est contraire à la Constitution et au statut de la fonction publique qui autorise toute personne ayant entre 18 et 45 ans le droit de passer l'examen de la fonction publique, donc si l'on cherche à exclure ceux ayant plus de 30 ans, il faudrait carrément changer la loi-cadre. - Selon vous, quels sont les critères de première nécessité qui doivent être au coeur de cette nouvelle réforme ? - J'estime que pour avoir une éducation de qualité il faudrait avant tout un enseignant bien qualifié, aux compétences prouvées et à la volonté affirmée d'enseigner et surtout qui ne soient pas recruté pour résorber le chômage d'aujourd'hui mais pour éviter qu'il y en ait demain !