Dans le conflit yéménite, les USA ménagent le chou et la chèvre. Ils vendent des armes à Riyad pour contrer les houthis mais sans isoler la rébellion pour ménager Téhéran. Après avoir aspergé d'eau le brasier yéménite, voilà que Washington y jette de l'huile ! Alors que l'Administration Biden était en froid avec l'Arabie saoudite à la suite de l'assassinat de Jamal Khashoggi, le département d'Etat vient d'approuver une grande vente d'armes destinées à Riyad. Une première lors de ce mandat. En tout, 280 missiles air-air, d'une valeur d'environ 650 millions de dollars. À ces projectiles s'ajoutent 596 lanceurs sur rail (MRL) LAU-128, ainsi que du matériel de soutien, des pièces de rechange et une assistance technique. Un arsenal officiellement «défensif». Cette vente «est pleinement conforme à l'engagement de l'Administration d'oeuvrer avec diplomatie pour mettre fin au conflit au Yémen», a justifié le porte-parole du département d'Etat. «Les missiles AIM-120C saoudiens ont joué un rôle clé dans l'interception des multiples attaques de drones qui ont mis les forces américaines en danger et menacé plus de 70.000 ressortissants américains dans le royaume», poursuit-il. Les rebelles houthis multiplient de surcroît les frappes de drones contre les installations pétrolières saoudiennes. De quoi fragiliser grandement l'économie du Royaume. L'achat «permettra à l'Arabie saoudite de reconstituer ses stocks et aux Etats- Unis de respecter l'engagement du Président de soutenir la défense du territoire saoudien [...] contre les attaques aériennes des houthis soutenus par l'Iran», précise le porte-parole du département d'Etat. Le contrat doit encore être approuvé par le Congrès. Biden soumis aux lobbys de l'armement ? Cette vente permettrait surtout de rassurer son principal allié dans la région. «Les Etats-Unis ne pouvaient pas aller trop loin dans la brouille avec l'Arabie saoudite », estime Pierre Berthelot, un chercheur associé à l'Institut prospective et sécurité en Europe (IPSE) et directeur de la revue Orients stratégiques. «Les Etats- Unis rassurent un partenaire global », résume-t-il. Pourtant, c'est bien l'Administration Biden qui avait retiré une partie des dispositifs antimissiles de la base aérienne saoudienne Prince Sultan. En effet, en septembre dernier, le système de défense Thaad et des batteries de missiles Patriot ont été enlevés. Reste que l'Administration Biden semble en proie à une valse-hésitation dans ce dossier. Au début de son mandat, le Président américain proclamait sa volonté de mettre un terme à ce conflit. «Cette guerre doit cesser », avait-il martelé en février dernier. Annonçant la fin du soutien américain à la coalition saoudienne, il avait également déclaré mettre fin à «tout soutien américain aux opérations offensives dans la guerre au Yémen, y compris aux ventes d'armes». Neuf mois plus tard, les combats font toujours rage entre les forces gouvernementales, soutenues par l'Arabie saoudite, et les houthis, appuyés par l'Iran. Les insurgés ont quasiment repris entièrement la ville stratégique de Marib. Une victoire arrachée au prix d'âpres combats au cours desquels une centaine de combattants, y compris des enfants soldats, mouraient quasiment tous les jours. Depuis l'intervention saoudienne en 2015, les houthis n'ont eu de cesse de reprendre des territoires stratégiques. Aujourd'hui, ils contrôlent les trois quarts du Yémen utile, notamment Sanaa (la capitale), et l'un des principaux ports, Al-Hodeïda, situé dans le golfe d'Aden. Donner des gages à l'Iran pour une reprise des négociations nucléaires Dès son arrivée au pouvoir, Joe Biden s'était empressé de retirer les houthis de la liste des organisations terroristes. Officiellement, cette mesure répondait à un impératif humanitaire, les ONG ne pouvant pas traiter avec les terroristes. Officieusement, il s'agissait de jouer sur deux tableaux afin de donner des gages à l'Iran dans la perspective d'une reprise des négociations sur le nucléaire. Une main tendue vers l'Iran qui aurait tout de même ses limites. L'US Navy intercepte régulièrement des cargos remplis d'armes dans le détroit d'Ormuz ou au large des côtes yéménites. Des cargaisons destinées aux houthis. À force de ménager la chèvre et le chou, les Etats-Unis semblent dans une impasse. Un cul-de-sac dont Washington ne pourrait sortir qu'en prenant les devants diplomatiques: «Il faut un règlement global de la question yéménite, avec les deux acteurs régionaux, à savoir l'Iran et l'Arabie saoudite et avec les Etats-Unis, et pour l'instant ce n'est pas le cas», observe Pierre Berthelot avant de livrer un verdict sans appel: «Ce n'est pas une préoccupation des Etats- Unis.» Le conflit au Yémen a déjà fait plus de 230.000 morts. Les ventes d'armes offensives ou défensives des Etats-Unis y seraient pour quelque chose. Entre 2015 et 2020, les Etats-Unis ont livré plus de 64,1 milliards de dollars d'armes à Riyad. 73% des importations saoudiennes provenaient des Etats-Unis.
Interception par Riyad d'un drone lancé contre l'aéroport d'Abha Deuxième attaque en deux semaines: un drone bourré d'explosifs a été envoyé en direction de l'aéroport international d'Abha; la coalition dirigée par l'Arabie saoudite annonce l'avoir intercepté. La coalition sous la houlette saoudienne qui intervient militairement au Yémen a déclaré avoir intercepté un drone chargé d'explosifs lancé contre l'aéroport d'Abha, selon l'agence de presse SPA. Les systèmes de défense aérienne l'ont détruit. L'aéroport est situé dans le sud-ouest de l'Arabie saoudite. Le 27 octobre, l'infrastructure a également été prise pour cible par un drone, intercepté par la coalition. Ce même jour, Riyad a détruit un autre appareil qui visait la ville de Najran, dans le sud du pays. L'Arabie saoudite annonce souvent riposter aux frappes aériennes au Yémen, où sa coalition est engagée militairement depuis 2015.