Ce n'est pas la première fois que les films de Driss Roukhe se distinguent dans les festivals internationaux. Dernièrement, il a reçu le Prix de la meilleure réalisation pour son film «Jrada Malha», au Festival d'Alexandrie. Il nous raconte comment il a continué un parcours loin d'être aisé. - Votre Opus « Jrada Malha », primé au Festival d'Alexandrie, a réuni une panoplie d'éminents acteurs, notamment Abderrahim Meniari, Fatima Zahra Bennacer et Mouna Rmiki. Quelle a été votre approche pour le casting ? - Pour ce genre cinématographique, thriller-psychologique, il est basé principalement sur la psychologie des personnages. Le casting est donc une étape cruciale et déterminante. D'abord, quand nous, mon ami Adnane Mouhejja et moi-même, avons commencé à écrire le scénario de ce long-métrage, nous avons commencé par déterminer les caractères voulus et avons cherché les personnages qui vont interpréter les rôles et se mettre dans la peau des personnages. Donc, nous avons commencé à étudier le côté physique et psychique et la métamorphose de ces personnages. Autrement dit : comment peuvent-ils s'adapter aux différentes situations délicates ? Nous avons donc fait une analyse psycho-dramatologique des personnages. De là est venu le choix des acteurs. Pour le rôle principal de Rania, sur lequel repose toute la narration, il fallait chercher une actrice complète sur tous les plans précités. Nous avons cherché les personnages au Maroc et ailleurs. Nous sommes finalement tombés sur la perle rare, Mouna Rmiki, qui était aux Etats-Unis. J'ai trouvé en elle une énergie incroyable et incomparable.
J'ai envie de me lancer dans de nouvelles aventures en réalisant des films et séries de guerre, historiques, policières. - Comment avez-vous abordé la réalisation de ce long métrage ?
- Ce volet était également délicat. On est devant un thriller-psychologique, un genre cinématographique spécifique et dont la composition technique et artistique est pointue et spécifique. Nous avons mené plusieurs étapes, de la rédaction du scénario aux touches techniques, artistiques et psychologiques, avant d'arriver à harmoniser tous les éléments qui composent le film. Il fallait travailler chacun de ces éléments à part, pour enfin les lier, mais pas n'importe comment. Il fallait aussi trouver les bons techniciens, chefs opérateurs, ingénieurs de son, etc. - Quels échos le film a-t-il eu auprès des critiques et du public lors du Festival d'Alexandrie ? - Le film n'est pas encore projeté sur grand écran, mais a été visionné dans des festivals et des séances de visionnage privées avec notamment des journalistes, des critiques, des artistes et le public y était présent. Nous avons eu des échos positifs, notamment en termes de narration et de technicité. C'est un film qui dure 02h05, ce qui n'est pas facile. Tout l'effort a fini par payer. Selon ces échos, « Jrada Malha » sort de l'ordinaire, et il y a de la profondeur. - A cette occasion, vous avez décroché le Prix de la meilleure réalisation pour votre film « Jrada Malha ». Ce n'est pas la première fois que vous êtes primé pour votre travail de réalisation. Quel est votre secret ? - Il faut savoir que je travaille sur ce film depuis quatre années consécutives, de la conception à la post-prod. Selon mon vécu et mes expériences, pour réussir, il faut être vrai. Il faut accorder le temps nécessaire à son oeuvre, avoir le souci du détail surtout, et être exigeant envers soi et avec autrui. - D'acteur à réalisateur, en passant la case du scénario, votre palette a connu une grande évolution. Pensez-vous être une exception ? Est-ce que des acteurs cantonnés dans des seconds rôles peuvent-ils également évoluer au fil des années vers d'autres fonctions dans le domaine du cinéma ? Quels conseils leur donneriez-vous ? - Ce n'est pas parce qu'on est acteur, réalisateur et scénariste qu'on est exceptionnel. Loin de là. Être artiste n'est pas aussi facile que ça. On se sacrifie pour l'art. Il faut semer les bonnes graines pour en cueillir les bons fruits. Même si le don ne fait pas défaut, si on ne l'affine pas et qu'on ne cherche pas à évoluer en étant curieux, généreux, ouvert de coeur et d'esprit, on stagne. Les futurs comédiens comme les futurs réalisateurs doivent se donner à fond, être curieux et se dépasser. - Vous avez déclaré avoir refusé un grand nombre de propositions de rôles alors qu'à vos débuts vous avez dit qu'il fallait tout accepter pour comprendre et expérimenter. Aujourd'hui, quelle est votre vision de la chose ? Quel serait votre ressenti si un acteur refusait votre offre ? - Quand j'étais à mes débuts, j'étais très jeune, et je voulais faire carrière. Je suis lauréat de l'Institut Supérieur d'Art Dramatique et d'Animation Culturelle (ISADAC), j'ai fait ensuite des études à Paris. En retournant au Maroc, je découvre que je dois chercher du travail pour vivre. J'ai commencé donc à chercher des rôles. J'ai accepté des rôles à 100 dirhams, puis à 2000, et ainsi de suite. Au fil des expériences, l'envie de faire carrière se confirme. J'ai dû jouer le maximum de personnages, travailler avec le maximum de réalisateurs, producteurs et acteurs de renom, au Maroc comme à l'étranger. Ensuite, le choix des rôles à interpréter devient plus rigoureux et fin. C'est là où j'ai commencé à avoir peur pour ma carrière. Je commençais à refuser des projets et en accepter d'autres, pour des raisons personnelles ou professionnelles. Là, on commence à construire une carrière selon des critères. Avec le temps, on devient sage, artistiquement. Personnellement, je comprends les refus et je les accepte. Les personnes qui me connaissent plus savent que quand je leur propose un rôle, ils savent que je prends en considération le côté artistique et humain de chacun.
- Dans la télévision, nous vous voyons surtout pendant Ramadan, notamment à travers des sitcoms, puis dans le cinéma le reste de l'année. Est-ce un choix voulu ou forcé, compte tenu du marché ? - C'est vrai que pendant Ramadan on me voit beaucoup dans des sitcoms, des feuilletons. D'abord, c'est parce que l'offre et la demande entrent en jeu. Hors Ramadan, il y a des projets qu'on essaye de mener. A la télévision, j'ai envie de me lancer dans de nouvelles aventures en réalisant des films et séries de guerre, historiques, policières,...
Je travaille sur ce film depuis quatre années consécutives, selon mon vécu et mes expériences, pour réussir, il faut être vrai
- Evoquant les sitcoms, certains acteurs égyptiens ont fait leur apparition dans la troisième partie de «Kolna Jirane». Serait-ce un signe d'attractivité de votre travail ? - Concernant ce sitcom, j'ai assuré la réalisation des deux premières saisons. Sinon, je suis pour ce genre de collaborations. Un vrai travail sur les personnages adéquats et se poser la question du pourquoi de la chose. Si c'est important, on le fait, pour un type d'histoires. Ça permet aussi à nos efforts d'être vus ailleurs et vice-versa. - Quels sont les projets sur lesquels vous travaillez et quelles autres sorties internationales sont-elles prévues ? - Un autre long-métrage est déjà tourné et est en phase de post-production actuellement. C'est une comédie romance d'action « Je t'aime, je divorce » tournée à Rabat, Bouznika, Salé et Benslimane, avec des acteurs comme Adnan Mouhejja, Jalila Tlemsi, Abdessamad Miftah El Kheir, Salma Salaheddine, Yahya Fandi, Mohammed Ouarradi, et d'autres. Le public la découvrira bientôt. D'ailleurs, « Jrada Malha » participera à d'autres festivals, à Amsterdam, aux Etats-Unis, et à Rabat. Recueillis par Safaa KSAANI