Les Echos quotidien : Vous êtes membre du jury courts métrages du Festival national du film de Tanger et en lice pour le prix d'interprétation féminine avec deux longs métrages, «Nhar Tzad tfa Dow» de Mohamed Kerrat et «Mains rudes» de Mohamed El Asli. Vous êtes omniprésente ... Houda Rihani : Pas vraiment. En tant que membre du jury courts métrages, j'assiste aux projections des films en compétition. Je visionne aussi quelques projections de longs métrages en lice pour le grand prix du festival afin de satisfaire une certaine curiosité personnelle. Quant aux films auxquels je participe, ils ont été tournés, il y a un moment. Par ailleurs, je passe des moments agréables en compagnie des autres membres du jury à voir les films en compétition. Justement, quel bilan faites-vous des courts métrages que vous avez déjà vus jusqu'à maintenant ? Il y en a des bons, des moins bons et d'autres à oublier. Certains jeunes réalisateurs arrivent à nous transmettre leur vision de la mise en scène, leur capacité à diriger les acteurs... comme il y en a d'autres qui sont complètement décallés. Je pense qu'il y a encore du chemin à faire. Les deux rôles que vous interprétez dans «Nhar Tzad Tfa dow» et «Mains rudes» sont complètement différents. Sur quels critères vous basez-vous pour choisir vos rôles ? C'est une question de feeling avant tout. Lorsqu'un réalisateur me sollicite pour jouer dans son film, j'arrive à me situer, et surtout à savoir si on travaillera en bonne intelligence ou pas. Il y a des réalisateurs avec lesquels j'ai déjà travaillé, d'autres pas encore... Mais je sais d'ores et déjà que je ne participerai jamais à un travail effectué par certains réalisateurs marocains, à cause, notamment, de nos visions complètement différentes du cinéma. Par ailleurs, je ne décide d'accepter une offre qu'après la lecture du scénario. C'est très important pour moi. Le dernier critère sur lequel je me base demeure le contrat et le cachet. Certains critiques disent que vous vous limitez, depuis quelques années déjà, à jouer des rôles similaires et répétitifs. Qu'en pensez-vous ? Ce n'est pas voulu. C'est ce qu'on me propose... Et puis, il ne faut pas oublier que bon nombre d'acteurs marocains ne passent pas leur temps à recevoir des scénarii. Les fois où on nous sollicite sont vraiment rares. Vous savez, cela fait 14 ans que je suis actrice professionnelle, et ce n'est qu'aujourd'hui que certains réalisateurs ont découvert que je suis capable de jouer des rôles comiques. À chaque fois, on me proposait presque le même personnage, celui de la jeune fille docile. Il est vrai que les personnages sont différents les uns des autres, mais ils ont un trait en commun. Bref, j'accepte ces rôles parce qu'il n'y a pas d'autres propositions. Et puis je n'ai pas envie de rester tout le temps chez moi à ne faire rien et de rater l'occasion de faire de belles rencontres au moment du tournage, par exemple. Je me dis donc que le jour viendra où nos réalisateurs sauront que je sais jouer un autre rôle que celui de la femme obéissante. Avez-vous déjà refusé de participer à certaines productions nationales ? Oui. Je refuse d'interpréter des rôles osés. C'est un problème que j'essaie de régler avec moi-même, depuis plusieurs années déjà, en me disant que je suis une comédienne, et que je dois jouer tous les rôles, mais sans succès. D'ailleurs, j'envie les actrices qui arrivent à jouer ces rôles sans aucun complexe. Je pense que ma décision repose sur des considérations plutôt psychiques. Mon grand-père, qui a près de 105 ans regarde les productions auxquelles je participe, je n'ai pas envie qu'il ait un jour honte de moi. C'est valable aussi pour mon public qui m'a toujours soutenue et que je n'ai pas envie de décevoir. Les deux métrages «Thar Tzad tfa dow» et «Mains rudes» marquent votre retour sur la scène artistique. Pourquoi tant d'années d'absence ? C'est simple : il n'y a pas de demande ! Je présentais, il y a quelques années, une émission pour Al Oula et certains réalisateurs ont trouvé un prétexte pour ne plus me solliciter, en pensant que je vais plutôt me consacrer à l'animation télévisuelle. Sinon, j'ai fait de très belles rencontres lors de ce festival, et j'ai eu certaines propositions qui, je l'espère, se concrétiseront. L'idée de passer derrière la caméra ne vous tente-elle pas ? Pas du tout. Je ne peux pas faire de la réalisation, cela me dépasse de très loin. Je suis persuadée que les réalisateurs sont des génies, ce qui n'est pas mon cas.... De plus, en tant que comédienne, je n'ai pas tout exploré. Je rêve toujours de jouer certains rôles complexes, de me surpasser... C'est pourquoi, je préfère me concentrer sur mon métier. Qu'en est-il du théâtre, votre première passion ? Je suis vraiment triste de ne pas pouvoir renouer avec mes premières amours, les planches. J'ai participé, il y a deux ans, dans une pièce de théâtre de la troupe «Takoune», «Hennat y'dinna», mais malheureusement, nous n'avons pas fait beaucoup de représentations. Sinon, cela fait dix ans que je rêve de jouer un monodrame. J'ai la pièce entre les mains, mais je ne sais pas encore comment je vais m'y prendre. Certains pensent que le problème qui entrave le développement du cinéma dans notre pays demeure celui du scénario. Qu'en pensez-vous ? Je suis d'accord, mais il y a d'autres problèmes, outre celui du scénario. Je pense tout particulièrement aux salles de cinéma de plus en plus rares dans notre pays. Il y a aussi le problème de la formation des réalisateurs, des acteurs et des techniciens. Toutefois, je pense que la problématique la plus complexe est celle du scénario. Il faut avoir une imagination fertile pour trouver des histoires et les développer. Malheureusement, personne ne lit et on passe notre temps à se gaver des séries mexicaines proposées par nos chaînes. Tout le monde peut maîtriser les techniques de l'écriture du scénario, mais rares ceux qui peuvent nous transporter dans un univers onirique grâce à des histoires bien ficelées. Après le festival de Tanger, allez-vous entamer le tournage d'un film, téléfilm, sitcom ou série ? J'avais signé un contrat pour participer à une sitcom, mais le projet a été annulé, sans que j'en aie les explications. En parallèle, j'ai monté, il y a un an, une entreprise de production. J'ai déjà soumis des concepts à la télévision et j'attends toujours la réponse. En me lançant dans la production, j'ai découvert qu'on a beau être un visage connu et apprécié du public, quand il s'agit du buisness, d'autres considérations surgissent.