L'armée et le gouvernement afghan mis en place par Washington se sont littéralement écroulés en moins de 100 jours après le départ des troupes US. Une déroute qui rappelle la chute de Saïgon en 1975 et la guerre du Vietnam. « Les Talibans ne sont pas l'armée nord-vietnamienne. Ils ne sont en aucun cas comparable en termes de capacités. Il n'y aura sous aucune circonstance des images de personnes évacuées par hélicoptères des toits de l'ambassade à Kaboul », des déclarations du président Biden tenus le mois dernier qui ont été rapidement démentis par la réalité. A l'heure où nous mettions cet article en ligne, le président Ashraf Ghani avait quitté l'Afghanistan, alors que les Talibans commençaient à investir la capitale, pour « assurer l'ordre ». Entretemps, les derniers vols chargés de ressortissants et diplomates occidentaux décollaient de l'aéroport de Kaboul, alors que plusieurs pays pris de court par l'avancée des Talibans doivent envoyer d'urgence des troupes pour sécuriser leurs chancelleries et organiser l'évacuation de leurs ressortissants. Victoire éclair des Talibans Il aura donc fallu moins de 90 jours aux Talibans pour reprendre le pouvoir en Afghanistan après le retrait unilatéral des forces américaines décidés par le président Biden en mai dernier. Le gouvernement afghan a ainsi subi un véritable Blitzkrieg qui a surpris les observateurs. L'offensive talibane a été déclenchée depuis le Nord traditionnellement hostile au mouvement Taleb et ainsi fief de l'alliance du Nord du Commandant Massoud qui avait résisté jusqu'en 2001 aux assauts des Talibans. Une première attaque qui a été suivie par une offensive depuis le Sud prenant en étau la région de Kaboul et coupant toute possibilité de fuite aux forces stationnées dans la capitale.
Les Talibans ont également entrepris une prise méthodique des postes frontières, isolant petit à petit le pays et ne laissant que les passages permettant aux éléments de l'armée régulière acculées de fuir, comme ce fut le cas lors de la prise de la ville de Masar El Sharif. Des conquêtes qui ont permis aux Talibans de mettre la main sur les armes et équipements de l'ANA (Armée nationale Afghane) comme aux installations abandonnées par les troupes américaines. La déroute de l'ANA, malgré le fait qu'elle disposait d'une supériorité aérienne, s'explique également par le départ dans le sillage des américains, des sous-traitants chargés de la maintenance des appareils afghans, clouant au sol l'armée de l'air et privant l'ANA de son principal avantage. Le sacrifice des forces spéciales afghanes qui ont payé un lourd tribut lors de ses 90 jours n'aura pas suffi à stopper l'avancée des Talibans. Ces derniers ne pourront toutefois remettre en pied un régime à l'image de celui du mollah Omar. L'Afghanistan de 1994 n'a rien à voir avec celle de 2021 et le mouvement taleb a évolué, loin d'être un mouvement unifié et homogène. Plus qu'un mouvement politique organisé les Talibans d'aujourd'hui s'apparentent plus à une confédération de milices unies pour faire tomber le gouvernement. Une évolution qui pourrait faciliter la mise en place d'un régime parlementaire ou fédéral de façade où seraient représenté les différentes ethnies qu'englobent l'Afghanistan.
Un nouveau cadre régional Le renforcement des relations entre la Chine et la Pakistan (soutien historique des talibans) devrait également changer la donne. L'Afghanistan représente un maillon essentiel dans les nouvelles routes de la soie chinoise, permettant à Pékin de contourner son rival indien. Karachi de son côté qui voit le rapprochement entre Washington et New Delhi d'un œil inquiet a multiplié les accords de défense avec la Chine. Un bouleversement de l'ordre géopolitique de la région que les nouveaux maîtres de Kaboul ne peuvent ignorer. La Russie de son côté, a renforcé ses forces stationnées dans les ex-républiques soviétiques frontalière avec l'Afghanistan, tout en faisant partie des rares pays ayant annoncé le maintien de leurs représentations diplomatiques à Kaboul. Une approche qui s'explique par la volonté de Moscou de maintenir un canal de communication avec les Talibans qui ont offerts des gages aux Russes en se montrant tout aussi féroce avec l'Etat islamique comme d'autres groupuscules djihadistes composés d'Ouzbeks ou de Tadjiks. Pour l'heure, les Talibans ont réussi à déjouer les pronostics et projections des analystes occidentaux, reste à savoir quel niveau d'influence auront des puissances comme le Pakistan, la Chine, la Turquie ou encore l'Inde dans les évènements à finir. Ce qui est sûr, c'est que l'image des occidentaux se trouvent terni par les récents événements. Il est à fort à parier, qu'à court et moyen termes toute intervention américaine ou de l'OTAN ne pourra profiter du soutien de la population civile. L'un des drames de la chute du gouvernement afghan reste l'abandon des traducteurs et autres auxiliaires de la force internationale dont certains ont tentés tant bien que mal de quitter le pays depuis 2014, mais ont vu leur demande de visas rejetés par leurs anciens employeurs. Nombre de ces civils se retrouvent aujourd'hui piégés et risquent de se faire exécutés pour trahison, comme ce fut le cas de centaines de collaborateurs et militaires afghans exécutés lors de la prise de Kandahar.