Bien que le calendrier du retrait des troupes américaines d'Afghanistan prévu par les accords signés par Donald Trump et les Talibans avait fixé le 1er mai 2021 comme date-butoir, le président Joe Biden – invoquant des questions de logistiques – avait annoncé, en Avril, que les derniers soldats américains allaient quitter l'Afghanistan avant la date symbolique du 11 Septembre 2021. Le président américain a tenu parole car, ce vendredi 2 Juillet 2021, le porte-parole du ministère afghan de la Défense a annoncé que « l'aérodrome de Bagram a été officiellement remis au ministère de la Défense. Les forces américaines et la coalition se sont complètement retirées de la base et, désormais, les forces armées afghanes protègeront la base et l'utiliseront pour combattre le terrorisme ». Ainsi, après vingt années d'une présence ininterrompue en Afghanistan, les derniers soldats américains ont quittés cette importante installation militaire qui constituait un ancrage stratégique au cœur du déploiement des Etats-Unis en Afghanistan au lendemain des attentats du 11 Septembre 2001 et seul un contingent de 600 militaires américains restera dans le pays pour sécuriser la grande ambassade américaine de Kaboul. Située à 50 kilomètres de la capitale afghane, la base aérienne de Bagram était un point d'appui essentiel aux troupes américaines qui leur permettait de lancer des frappes aériennes sur les talibans et les combattants d'Al Qaïda et servait, également, de relais idéal pour les réapprovisionnements en hommes et en matériels. Mais si, en réponse à l'annonce officiel de ce retrait, Zahibullah Mujahid, le porte-parole des Talibans, a déclaré que ces derniers « se réjouissent » et « soutiennent » ce départ qui « permettra aux Afghans de décider, eux-mêmes, de leur avenir », Nishank Motwani, expert basé en Australie, est d'un autre avis car, pour lui, le départ des troupes étrangères de Bagram « symbolise le fait que l'Afghanistan est seul, abandonné et contraint de se défendre seul contre l'assaut des talibans ». Il ajoutera même qu'une fois « de retour chez eux, les Américains et les forces alliées verront de loin que ce qu'ils se sont battus si durement pour construire est en train d'être réduit en cendres... » Ayant multiplié leurs offensives dans tout le pays depuis qu'a débuté, en mai, dernier le retrait final des forces étrangères d'Afghanistan, les insurgés talibans ont pris le contrôle de dizaines de districts ruraux pendant que les forces de sécurité afghanes consolidaient leur présence dans les grandes villes. Or même si en parvenant à conserver le contrôle de la base aérienne de Bagram, qui au fil des années a fini par ressembler à une petite ville occidentale avec ses piscines, ses cinémas, ses spas et même une promenade où sont ouvertes des chaînes de restauration comme « Burger King » et « Pizza Hut », l'armée régulière afghane pourra préserver la sécurité aux abords de la capitale et maintenir la pression sur les talibans, la population craint fort une dégradation de la situation sécuritaire. Ainsi, pour Matiullah, vendeur de chaussures sur le marché de Bagram, « la situation est chaotique (...) Il y a beaucoup d'insécurité et le gouvernement n'a pas (assez) d'armes et d'équipements ». Lui emboitant le pas, Fazal Karim, un vendeur de vélos, rappellera que « depuis qu'ils ont commencé à se retirer, la situation a empiré. Il n'y a pas de travail et les affaires ne marchent pas ». Pour rappel, la base de Bagram qui abrite aussi une prison ayant accueilli des milliers de détenus talibans et jihadistes avait été construite, par les Etats-Unis pour leur allié afghan, pendant la guerre froide, pour le protéger de l'Union Soviétique. Mais, comble de l'ironie, elle fut utilisée et considérablement agrandie par les forces soviétiques lorsque ces dernières envahirent l'Afghanistan en 1979. Le départ des forces étrangères d'Afghanistan va-t-il ramener la paix dans un pays en proie à la guerre depuis quatre décennies ou, au contraire, attiser les rivalités internes entre le gouvernement de Kaboul et les insurgés talibans ? Attendons pour voir... Nabil EL BOUSAADI