Après le limogeage du Premier ministre et de la ministre de la Justice, d'autres têtes sont passées par la charrette. Mardi à minuit, la présidence tunisienne a annoncé la publication d'un arrêté présidentiel mettant fin aux fonctions de fonctionnaires, dont Al-Muizz Lidin Allah Al-Muqaddam, directeur de cabinet du Premier ministre limogé Hisham Al-Mashishi, le secrétaire général du gouvernement Walid Al-Dhahabi, et tous les conseillers du Premier ministre limogé, Rashad Ben Ramadan, Salim Al-Tisawi, Mufdi Al-Masdi, et le chef de l'Autorité générale pour les martyrs et les blessés de la révolution et des opérations terroristes Abdul Razzaq Al Kilani. Saied avait émis, lundi dernier, un ordre de décharger de leurs fonctions le Premier ministre et ministre de la Défense Ibrahim Al-Bartajy, et la ministre de la Justice par intérim, Hasna bin Suleiman, et il a également limogé les secrétaires généraux ou ceux chargé des affaires administratives et financières - à la tête du gouvernement et des ministères de la défense et de la justice. mBien que l'agence de presse officielle ait déclaré que les arrêtés présidentiels avaient été émis mardi, les arrêtés indiquaient la cessation des fonctions des fonctionnaires qui y étaient mentionnés depuis dimanche dernier. Mardi, les Tunisiens ont pris conscience de la fermeture de nombreuses institutions publiques en raison des décisions du président. Saied a annoncé la suspension du travail dans les administrations centrales, les intérêts extérieurs, les groupes locaux et les institutions publiques à caractère administratif, pour une période de deux jours, avec possibilité de prolonger la suspension, à l'exception des institutions de sécurité, militaires et sanitaires. Une feuille de route de la société civile Plus tôt mardi, sept associations et organisations tunisiennes ont souligné, dans une déclaration commune, que la feuille de route que veut Saied «doit porter sur des questions urgentes, telles que la lutte contre la pandémie du virus Corona, la révision de la loi électorale et du système politique, et la lutte contre la corruption». Ces organisations sont : le Syndicat national des journalistes, l'Union générale du travail, l'Association nationale du barreau, l'Association des femmes démocratiques, l'Association des juges, la Ligue pour la défense des droits de l'homme et le Forum des droits économiques et sociaux. Dans leur déclaration commune, les organisations ont mis en garde contre toute extension injustifiée du chapitre 80, soulignant la nécessité de respecter le délai du mois, de terminer les travaux par des mesures exceptionnelles et de récupérer les pouvoirs entre les mains du président, et ont appelé au respect de l'indépendance de la justice, afin qu'il puisse lui redonner son rôle et travailler en toute indépendance pour accélérer l'ouverture de la justice. Tous les dossiers, notamment ceux liés aux assassinats, au terrorisme et à la corruption, selon elle. Les décisions du président tunisien interviennent à un moment où le pays est frappé de plein fouet par une crise économique et sociale accentuée par un pic meurtrier de l'épidémie de Covid. Ces décisions n'ont pas manqué de susciter l'inquiétude au sein de la communauté internationale, en particulier à Washington, Bruxelles et Paris. Bruxelles appelle au «rétablissement de la stabilité institutionnelle» Le président de la Commission de l'Union Africaine, Moussa Faki Mahamat, a appelé mardi «au strict respect de la Constitution tunisienne (...) et à la promotion du dialogue politique». M. Saied a par ailleurs reçu les ministres des Affaires étrangères marocain et algérien, Nasser Bourita et Ramtane Lamamra, selon la diplomatie tunisienne, dont les communiqués n'ont fait aucune référence à la crise politique en cours. L'Union Européenne a appelé au «rétablissement de la stabilité institutionnelle » dans le seul pays à poursuivre sa démocratisation après la vague de soulèvement des printemps arabes en 2011. Les initiatives de Saied ont été approuvées par nombre de Tunisiens, en colère contre le gouvernement notamment pour sa gestion de la crise liée au Covid, la Tunisie ayant l'un des taux de mortalité officiels les plus élevés au monde. Mais d'autres Tunisiens appréhendent un glissement vers la dictature. Lundi, Ennahda a appelé ses partisans à se retirer du siège du parlement, pour donner la priorité à l'intérêt national, selon sa description, après que la scène ait été témoin d'escarmouches hier entre les partisans du mouvement et les partisans de Saied. Réaction arabe : Wait and see Quatre pays arabes ont annoncé des positions neutres concernant les récents développements en Tunisie, et leur ont souhaité sécurité et stabilité, appelant à éviter l'escalade et à adopter la voie du dialogue. Dix-sept autres pays arabes n'ont pas exprimé de position. Le Qatar a confirmé, dans un communiqué publié lundi par son ministère des Affaires étrangères, qu'il suivait de près l'évolution de la crise politique tunisienne, appelant toutes les parties à « privilégier la voix de la sagesse et évitez l'escalade ». La Jordanie, à son tour, a annoncé lundi dans un tweet adressé de son ministre des Affaires étrangères, Ayman Safadi, via «Twitter», que le Royaume suivait l'évolution de la situation en Tunisie, exprimant l'espoir que «les frères tunisiens surmonteront ces situations difficiles, d'une manière qui préserve la sûreté, la sécurité et la stabilité de la Tunisie». Ryad a affirmé lundi, par l'intermédiaire de son ministre des Affaires étrangères, Faisal bin Farhan, «son souci de la sécurité, de la stabilité et de la prospérité de la République tunisienne soeur, et son soutien à tout ce qui permettrait d'y parvenir». A Bahreïn, le Conseil des ministres a confirmé, lors de sa session hebdomadaire ordinaire du lundi, qu'il suivait avec intérêt les derniers développements en République tunisienne soeur. Toutefois, 17 pays arabes sont restés réservés sur les décisions du président tunisien Kais Saied