Alors qu'une bonne partie des Marocains semblent décidés à reprendre un train de vie normal malgré la récente recrudescence des cas de contamination au Covid, certains préfèrent rester confinés. C'est le cas des personnes atteintes de ce qu'on appelle le « syndrome de la cabane » ou de « l'escargot ». Eclairage. L'arrivée au Royaume du variant Delta, vraisemblablement responsable de la récente flambée des cas positif au COVID-19, qui s'approchent dangereusement de la barre des 2.000 cas quotidien, semble donner raison à une partie de la population qui continue à se confiner. Réouverture des plages et des piscines, des théâtres et cinémas, autorisation des rassemblements publics... Depuis le communiqué de l'Exécutif annonçant l'allégement progressif des mesures restrictives, les Marocains retrouvent progressivement leurs habitudes d'avant Covid. Une dynamique qui est loin de faire l'unanimité. En effet, la détérioration de la situation épidémiologique couplée à une communication floue des autorités sanitaires explique qu'une bonne partie de la population se montre réticente quant à un retour imminent à la vie normale. Là où pour certains, cette attitude s'explique par un excès de prudence, pour d'autres la simple idée de devoir retourner au bureau, d'être invités à dîner, ou encore d'être confrontés à la foule dans les lieux publics est devenue une source d'angoisse profonde, que les spécialistes appellent le « syndrome de la cabane ». En effet, allant de simples troubles au stress post-traumatique, le confinement et la menace sanitaire du Covid-19 impactent haut et fort la santé mentale des Marocains, selon le dernier rapport du Haut Commissariat au Plan (HCP) sur la question. «Pour 49% des ménages, l'anxiété est devenue le principal impact psychologique du confinement et 8% des ménages présentent d'autres troubles psychologiques tels que l'hypersensibilité et la nervosité ou la lassitude ». Le confinement a indéniablement impacté la santé publique en provoquant une grande détresse psychologique, toutefois qu'en est-il du déconfinement qui a mis en lumière ce syndrome longtemps négligé, dont l'impact est assez déplaisant mais confortable pour certains ? Entre désir de liberté et culpabilité, des personnes témoignent Et si le syndrome de la cabane ressurgissait aujourd'hui sous différentes formes ? Et si, après la peur de retrouver l'extérieur surgit le désir de rester chez soi ? Une chose est sûre : cette envie aux contours égoïstes de façade peut évoluer en un sentiment de culpabilité touchant un nombre considérable d'individus avec pour point commun le syndrome de la «Cabane» . Karima, 35 ans, témoigne : « Je n'irai pas jusque là dans mon cas particulier, mais un léger sentiment de tristesse, je le ressens. C'est surtout que je n'ai pas envie de quitter notre maison à la campagne pour me retrouver coincée dans un appartement d'emprunt en ville avec deux garçons qui ne pourront sortir qu'accompagnés . Un vrai calvaire ! J'aurai donc moins d'espace et moins de liberté de mouvement qu'ici si on peut employer ces termes dans un contexte de confinement. Ironie du sort, peut-être que mon vrai confinement commence maintenant... ». Alors que pour certains, il y a le constat d'un virus encore présent qui ressurgit. « La situation n'a pas changé, c'est la même chose », affirme Asmae, 32 ans, employée dans une petite structure. « Ça m'angoisse beaucoup de reprendre une vie normale, de recommencer à voir des gens, à les frôler. J'ai peur de faire mes courses, ça m'angoisse, j'ai la boule au ventre ». Mohammed, à son tour, est un retraité soixantenaire pour qui l'ouverture des frontières est synonyme d'intrusion de variants beaucoup plus morbides et virulents que les souches classiques : « Je me dis que c'est peut-être un peu tôt pour se déconfiner. Il y a encore pas mal de cas, rajoutant à cela l'ouverture des frontières, chose qui signifie plus de variants et l'apparition probable de nouvelles mutations du virus. Une chose est sûre : je ne sortirai que pour une nécessité, je crains réellement ces nouveaux variants qui ne cessent d'apparaître». Toutefois, d'autres, pour se protéger, se cachent derrière les mille et une excuses du genre « La vie, le boulot, tout ça nous embarque dans un tourbillon infernal avec trop peu de répit... Le confinement m'a aidée à en prendre conscience. Il a éveillé chez moi une réflexion sur plusieurs sujets, notamment sur mon rythme de vie et mes priorités, et il pourrait évidemment m'aider, de nouveau, à freiner et penser à moi. Alors, parfois, je me dis que c'est égoïste de ma part, mais, en même temps, je ne pense pas assez à mes besoins, à moi », affirme Ines, 29 ans. Cela dit, bien que chacun a son histoire, le syndrome reste toujours le même, ou du moins de quoi confirmer l'adage: « Pour vivre heureux, vivons cachés ». Les spécialistes rassurent, cet état est transitoire et pas du tout grave Heureusement, ce n'est pas une fatalité ! Cet état est transitoire selon les spécialistes, et ne semble pas si grave. « Ce qu'il faudrait retenir, c'est que cette tendance n'est pas une maladie pathologique particulière, mais plutôt une adaptation dans laquelle s'inscrit quelqu'un et qui n'est pas du tout grave en soi, toutefois, il faudrait faire en sorte à ce qu'elle ne constitue pas une entrave à notre liberté, notamment de sortir de chez soi et de pouvoir vivre notre vie pleinement sans barrières limitatives», explique Dr Mohamed Hachem Tyal, psychiatre-psychanalyste. Après un temps d'adaptation propre à chacun, il tendrait à disparaître. Toutefois, trois symptômes s'apparentent à ceux de la dépression : une fatigue émotionnelle, une perte de motivation et une appréhension de tout ce qui pourrait nous arriver, une fois à l'extérieur. Et pour y remédier, il faut y aller progressivement, sans se brusquer, conseille une psychologue Saloua.K : « Il faut y aller pas à pas. Une fois que la prise de conscience de ce mal-être a eu lieu, il est important de consulter pour mettre en place un cercle vertueux. Ensuite, pas question de se brusquer. Il faut avancer par étapes. Un jour, sortez acheter le pain, le lendemain promenez-vous un peu plus loin, puis allez dans un parc avant de prendre les transports et de fréquenter des lieux bondés comme les magasins. Il faut affronter la foule progressivement ». Dernier conseil : « Les gens n'ont rien à craindre tant qu'ils respectent les mesures sanitaires, alors qu'en cas d'angoisse, n'hésitez pas à demander à un ami de vous accompagner lors de vos premières sorties pour vous rassurer», recommandent les spécialistes.
Chaimae BARKI 3 questions à Tyal Mohamed Hachem « Le syndrome de la cabane frappe souvent les personnes qui ont une certaine fragilité émotionnelle » Nous avons contacté Dr Tyal Mohamed Hachem, psychiatre, psychanalyste et directeur de la clinique Villa des Lilas afin de nous éclaircir sur le syndrôme de la cabane. - Après plus d'une année de semi-confinement, une partie de la population n'arrive toujours pas à renouer avec la «vie normale». Qui sont généralement les personnes à risque ? - Le syndrome de la cabane frappe souvent les personnes qui ont une certaine fragilité émotionnelle : pour celles-ci, le terrain est déjà favorable notamment à l'angoisse et éventuellement à ce syndrome qui pourrait prendre une place relativement importante dans la vie de ces personnes. - Comment ces personnes peuvent-elles s'en remettre ? - Il faudrait simplement sortir de la situation doucement et avec parcimonie, en commençant à sortir de plus en plus longtemps et de plus en plus en loin. Généralement, avec l'aide d'un spécialiste on dresse un plan, une stratégie d'accompagnement dans la vie de tous les jours, qui soit adaptée à l'environnement de la personne concernée, dépendamment de son degré d'angoisse et de ses propres spécificités. Grâce à cette méthode, l'on prouve à notre inconscient qu'il n'y a pas de raison de s'angoisser ou de s'inquiéter. En s'intégrant graduellement à la vie quotidienne, la personne se rend compte que la situation n'est pas aussi dangereuse qu'elle le craignait. D'habitude, la personne rebondit deux à trois fois, puis la situation reprend son cours normal. - Ces personnes ont-elles besoin d'un traitement ou d'un médicament spécifique ? - Pour assurer la sécurité des patients, l'on prescrit souvent des produits très légers qu'ils mettent sous la langue, et qui des fois peuvent être associés à du magnésium entre autres. En revanche, les psychotropes ne sont pas prescrits.