Suite aux déclarations du Département d'Etat américain sur l'affaire du journaliste Soulaimane Raïssouni, la Délégation Interministérielle aux Droits de l'Homme et Mohamed Salah Tamek, Délégué Général de la Délégation Générale à l'Administration Pénitentiaire et à la Réinsertion, ont réagi sur un ton sévère, épinglant «l'ingérence» dudit département dans «une affaire de justice au Maroc qui concerne un citoyen marocain ». L'affaire a débuté en mai 2020 et elle s'est soldé par la condamnation à 5 ans de réclusion de Soulaimane Raissouni, ancien rédacteur en chef et éditorialiste à la plume acerbe du défunt quotidien arabophone «Akhbar Al Yaoum», accusé d'«agression sexuelle» pour des faits remontant à fin 2018 (des faits qu'il conteste catégoriquement) et un dédommagement de 100.000 Dh en faveur du plaignant. Le procès a défrayé la chronique pendant 8 mois, marqué par une grève de la faim du jugé qui dure depuis 90 jours. Ce verdict a été commenté par le Département d'Etat américain, dont le porte-parole, Ned Price, a déclaré lors d'un point de presse : « Nous pensons que le processus judiciaire qui a conduit à ce verdict contredit la promesse fondamentale du système marocain de procès équitables pour les personnes poursuivies par la justice, et est incompatible avec la promesse de la Constitution de 2011 et le programme de réformes de Sa Majesté le Roi Mohammed VI ». Moins, d'une journée plus tard, l'ancien diplomate et Délégué Général de la Délégation Générale à l' Administration Pénitentiaire et à la Réinsertion (DGAPR), Mohamed Salah Tamek, a exprimé sa profonde préoccupation suite à ladite déclaration, se disant «choqué» et «profondément touché» dans sa dignité de Marocain.
Le MAE esquive, Tamek et Ramid contre-attaquent !
Si la diplomatie marocaine, a préféré faire l'autruche, Tamek lui n'y est pas allé de main morte, dans une réaction publiée sur le site d'information "hespress.com" et relayée par l'Agence officielle MAP, en épinglant ce qu'il a qualifié d'ingérence dans une affaire de justice interne : « En vertu de quelle loi céleste oserez-vous vous mêler d'une affaire en justice au Maroc qui concerne un citoyen marocain dont vous n'avez même pas pu prononcer correctement le nom et sermonner les Marocains comme un maître d'école ses élèves ? » s'est-il interrogé.
«De quel droit vous vous arrogez le pouvoir de juger en toute arrogance ce qui est conforme à la Constitution marocaine et ce qui ne l'est pas ? Qu'est-ce qui vous donne le droit de discriminer les Marocains en faisant la différence entre des citoyens importants comme ceux que vous avez nommés et ceux que vous méprisez et jugez bons à écraser, tels que Adam et Hafsa ?», s'est demandé Tamek.
Et d'ajouter : «Pourquoi accorder toute cette importance à ces deux affaires en justice ouvertement débattues en salle d'audience et dans les médias ? Combien d'articles commis et d'enquêtes menées par ces deux pseudo-journalistes ont-ils été censurés ? Et pourquoi le Département d'Etat observe un mutisme de mort à l'égard de ce qui se passe actuellement en Algérie, mais tout aussi bien de ce qui s'est passé récemment en Afrique du Sud ?». «Parce que le porte-parole du Département d'Etat peinerait à trouver des réponses à ces questions, je ne peux qu'exprimer ma profonde préoccupation à l'égard de son attitude et souhaite sincèrement que sa déclaration ne soit guère qu'une fausse note. Sinon elle n'augure de rien de bon pour l'avenir des relations maroco-américaines?», a-t-il conclu.
Avec une attitude beaucoup plus tempérée, la Délégation Interministérielle aux Droits de l'Homme (DIDH), rattachée au Ministère d'Etat Chargé des droits de l'Homme, dirigé par Mustapha Ramid, a déclaré dans un communiqué que la déclaration du porte-parole du Département d'Etat US est basée sur des informations «partiales» émanant exclusivement des soutiens des accusés.
«Ces informations ont sciemment occulté le point de vue des plaignants et de leurs défenses, allant jusqu'à renier leur statut même de victime et leur droit universellement reconnu à déposer plainte», a précisé la Délégation qui a exprimé son étonnement vis-à-vis de la déclaration du porte-parole du Département d'Etat américain qui, selon elle, «se réfère uniquement aux allégations de la personne condamnée, en se focalisant sur son statut professionnel, et à des prétendues "violations des normes relatives au procès équitable", alors que le parquet compétent dans son communiqué du 12 juillet 2021 a clairement mis en exergue le caractère équitable dudit procès ».
En réaction de l'aspect relatif au non-respect de la constitution relevé par Ned Price, le déprtement de Ramid a insisté que «le Maroc étant attaché au respect des droits fondamentaux de tous les justiciables, quels que soient leurs statuts, par conséquent l'indépendance du pouvoir judiciaire, consacrée par la Constitution de 2011 et découlant des réformes substantielles impulsées au Royaume, depuis plus de deux décennies, est garante du respect de ces droits fondamentaux ».
Cela dit, il est à noter que les avocats et soutiens de Raissouni dénoncent depuis le début de la procédure judiciaire une persécution liée à ses opinions et écrits dans la presse. Pour eux, il aurait été poursuivi sans être inculpé et son droit à la présomption d'innocence aurait été bafoué, alors que ses demandes et plaidoyers auraient été rejetés. L'absence de Raissoun comme de sa défense de la dernière trame de son procès sont également signalés comme des entorses à la procédure.