Mal conçue, la réforme de la Caisse de Compensation a tourné au fiasco total après la libéralisation des prix des hydrocarbures, mettant en exergue l'échec du gouvernement durant les deux derniers mandats. Eclairage. Vouée à l'échec, la réforme de la Caisse de Compensation traîne toujours, faute de vision claire des deux derniers gouvernements qui l'ont esquissée, il y a plus de neuf ans, sans aboutir aux effets escomptés. C'est l'un des constats de l'étude du « Moroccan Institute for Policy Analysis », intitulée « Caisse de Compensation : la Réforme inachevée ». L'étude fait état de l'échec de la réforme mise en place par l'équipe d'Abdelilah Benkirane en 2012, toujours inachevée. Aux origines d'une réforme décriée Compte tenu d'une situation financière critique, l'ancien Exécutif a procédé à la réforme de la Caisse de Compensation dans un sens libéral afin de réduire la pression de la subvention des matières premières sur les finances publiques, en commençant par les hydrocarbures, dont la facture de compensation est devenue telle qu'elle menaçait les équilibres du Trésor public. La raison est évidente, selon l'étude du MIPA : il s'agit de la crise financière de 2008 qui a poussé les prix des produits pétroliers entre 2009 et 2014 à des niveaux records, sachant que le budget de compensation a atteint respectivement, en 2011 et 2012, 52 et 56 milliards de dirhams, avant de dégringoler à 13 milliards de dirhams en 2016, suite aux coupes budgétaires. Hydrocarbures : la faillite du Conseil de la Concurrence Cette mesure libérale, comme tant d'autres prises par cet Exécutif soucieux d'obéir méticuleusement aux diktats des institutions financières internationales, a encouragé les pratiques oligopolistiques, faute de régulation. En témoigne le rapport parlementaire de la Commission des Finances de la Chambre des Représentants, publié en 2018, qui a dévoilé l'entente entre les compagnies des hydrocarbures qui ont augmenté leurs marges de bénéfice, bien que le cours du pétrole ait manifestement chuté à 45, parfois à 35 dollars, entre 2014 et 2016. La libéralisation a coûté aux consommateurs près de 17 milliards de bénéfices encaissés des grandes compagnies, qui ont gagné trois fois plus ce qu'elles gagnaient avant la réforme, et ce, au grand dam des consommateurs. Si l'on est arrivé là, c'est à cause de la déconfiture du Conseil de la Concurrence, dont les investigations ont tourné en fiasco national. Après avoir condamné les compagnies à une amende de 9% de leurs chiffres d'affaires, le Conseil a fait marche arrière pour appliquer un taux de 8%. Ceci a alimenté les doutes sur une potentielle influence et conflits d'intérêts, ce qui a entraîné la destitution de l'ex-président Driss Guerraroui, et la constitution d'une commission ad hoc chargée de poursuivre des investigations. Pour remédier à la situation, le gouvernement a annoncé la révision du cadre législatif de la liberté des prix et de la concurrence. En effet, cette affaire a lourdement compromis le Conseil, qui s'est montré faible contre les lobbies du marché, sachant qu'il a déconseillé le plafonnement des prix, comme le rappelle le document du MIPA, qui ajoute que la fermeture de la raffinerie SAMIR a été une faute stratégique, encourageant les outrances des distributeurs de carburants. Pour une réforme mieux élaborée L'étude estime que les conséquences fâcheuses de la libéralisation du marché des hydrocarbures a condamné à l'échec tout le reste, précisant que le gouvernement actuel ne cesse de proroger la réforme de décompensation pour des raisons sociales. En réalité, toucher au sucre, au gaz butane et à certains produits de première nécessité ne manquerait pas de déclencher des mouvements sociaux, vu que ça touche les classes les plus pauvres. Pourtant, la réforme est nécessaire, selon le document, qui explique que les subventions bénéficient souvent à ceux qui n'en ont pas besoin, ce qui contraste avec le principe de justice sociale. La réussite de ce chantier dépend de la mise en place du Registre social unifié, comme instrument de ciblage efficace des catégories bénéficiaires et de la conception d'outils de compensations alternatives, à savoir la généralisation de la couverture sociale et des programmes de lutte contre la pauvreté. L'étude préconise également une stratégie de communication claire du gouvernement pour expliquer aux Marocains l'importance et les raisons d'une telle réforme, sachant que cela a fait cruellement défaut lors de la première étape.
Anass MACHLOUKH 3 questions à El Houssine El Yamani « La libéralisation des prix des hydrocarbures est une décision précipitée et n'a pas été mûrement réfléchie »
El Houssine El Yamani, coordinateur du Front national pour la sauvegarde de la SAMIR, a répondu à nos questions sur la fermeture de la Raffinerie SAMIR et ses conséquences sur la libéralisation des prix des hydrocarbures.
* La SAMIR est à l'arrêt depuis des années, à quel point cela est-il préjudiciable au consommateur ? * Comme vous le savez, la liquidation de la SAMIR est soumise au Tribunal commercial de Casablanca, la situation n'a pas avancé depuis le début de la procédure de liquidation judiciaire, sachant que cela fait six ans que l'activité est en suspension. Cela est très préjudiciable aussi bien à l'économie nationale qu'au consommateur qui a dû supporter 1,6 dirham de plus sur chaque litre de carburant, après la libération des prix. Selon nos estimations, la décision prise par le gouvernement aurait coûté plus de 8 milliards de dirhams aux consommateurs.
* Quel est le coût de la fermeture de la Raffinerie en termes d'emplois ? * Tout le monde convient que la décision prise par le gouvernement Benkirane en 2015, concomitante à la suspension de la SAMIR, a été nuisible à l'économie nationale et a produit les effets inverses. Ce que confirme le rapport de la Commission parlementaire comme celui du Conseil de la Concurrence. Les conséquences sont sous nos yeux : 4500 emplois directs et indirects vainement perdus. S'ajoutent à cela les effets néfastes sur l'économie de la ville de Mohammedia qui dépend fortement de la raffinerie.
* Le groupe parlementaire de l'Istiqlal a déposé une proposition de loi appelant à nationaliser la SAMIR, qu'en pensezvous ? * En tant que front, nous estimons que le sauvetage de la Raffinerie passe par l'intervention du gouvernement. La solution de la nationalisation proposée par le Parti de l'Istiqlal nous paraît pertinente, sachant que nous avons proposé la même chose pour des raisons évidentes. D'abord, l'Etat est le principal créancier de la raffinerie à hauteur de 80% et la cessation de son capital en faveur de l'Etat est permise par le Code du Commerce. Donc, la solution est aux mains du prochain gouvernement qui doit impérativement trancher ce dossier épineux qui traîne depuis des années.