La libéralisation du secteur de l'hydrocarbure n'a pas eu les effets escomptés, ont souligné les participants à la table ronde organisée par le front local de suivi de la crise de la Samir, jeudi 13 avril 2017 à Mohammédia. Pis encore ! La politique menée par l'Etat dans le secteur n'a servi que les intérêts pécuniaires de certains mastodontes pétroliers au détriment du pouvoir d'achat du consommateur lambda. A en croire Houcine El Yamani, coordinateur du front syndical Samir, les tarifs appliqués par les distributeurs des produits pétroliers sont nettement élevés par rapport au prix réel, soit une hausse entre 1 et 2dh par litre. En fait, s'interroge le responsable syndical, «comment expliquer les résultats financiers d'un opérateur de la place, réalisant en 2016 un bénéfice s'élevant à 37% au lieu de 31% lors de l'exercice précédent, devançant de très loin ses concurrents ?». «Il faut dire que la libéralisation du secteur et l'arrêt de la raffinerie Samir a eu un impacte néfaste sur l'économie nationale», précise Houcine El Yamani. D'ailleurs, ce n'est pas un secret de polichinelle que la qualité des produits mis sur le marché laisse amplement à désirer, vu la difficulté du contrôle sur la marchandise importée en vrac depuis l'arrêt de la production locale et ce, contrairement aux produits de la Samir, confie le responsable syndical. Qui plus est, la raffinerie a une capacité de production estimée à 10 millions de tonnes par an – tous produits confondus -, et dotée d'une capacité de stockage stratégique s'élevant à 90 jours, sachant aussi que la consommation nationale ne dépasse pas les 8 millions de tonnes. Cela étant dit, la société Samir est capable d'exporter même vers l'extérieur, a fait savoir Houcine El Yamani, faisant dans ce sens allusion aux produits bitumineux vendus aux pays voisins et qui sont d'une qualité incontestable. Lourde facture sociale Selon le responsable syndical, la fermeture de ce joyau industriel, considéré comme l'une des meilleures raffineries du continent africain, serait une catastrophe nationale. En fait, la crise commence déjà à se faire sentir. Pour l'heure, les acquis sociaux de 1500 salariés et retraités sont plus que jamais menacés, notamment la couverture médicale. A cela s'ajoute le risque de la fermeture de 200 entreprises spécialisées dans la sous-traitance, sans oublier 400 autres entreprises dont les équilibres financiers tendent vers le rouge, soit un total de 6000 personnes qui risquent de se retrouver sans emploi. Notons aussi que les salariés de la Samir injectent environ un milliard de DH par an dans l'économie de la ville. En termes plus clairs, «c'est l'économie de toute une ville qui est en danger». Ainsi, la mise en vente de la Samir doit se faire conformément aux règles définissant les obligations de tous les acteurs concernés et garantissant les acquis sociaux des salariés, ont plaidé les participants, tout en mettant l'accent sur le renforcement du Conseil de la concurrence et la nécessité de la mise en place d'une agence nationale de régulation du marché des hydrocarbures pour barrer la route aux spéculateurs et protéger le consommateur du diktat des distributeurs. De son côté, Mehdi Faquir, analyste économique, a soulevé la question de la souveraineté énergétique, en considérant que la Samir a souvent constitué une soupape de sécurité pour l'Etat. En termes plus clairs, le Maroc n'a nullement intérêt de sacrifier une entreprise si stratégique pour le développement du pays. « Les sociétés pétrolières de distribution ne peuvent pas se substituer à la Samir, car ils ne sont pas capables d'assurer une sécurité énergétique de l'Etat, faisant dans ce sens référence à la frappe américaine en Syrie qui a fortement fait réagir les prix du pétrole. Comme quoi, le marché est empreint de zones d'incertitudes et demeure tributaire des aléas stratégiques et des intérêts des puissances mondiales. Par ailleurs, l'intervenant s'est livré à un diagnostic en dressant les faiblesses qui ont mené l'entreprise droit au mur. Outre la politique du laisser-faire, «le fait que la Samir ne disposait pas d'une salle des marchés pour faire des prévisions, relève de l'illogique», a-t-il déclaré avec insistance. Et ce n'est pas tout ! La mauvaise gestion de l'entreprise y était pour beaucoup dans la situation actuelle. En d'autres termes, «la décision de l'installation d'un Comité stratégique, opérationnel et financier par le top management de l'entreprise relève d'une vision réduite et d'un manque de perspicacité managériale», a laissé entendre Mehdi Faquir.