La torche de la SAMIR cesse de brûler. Le symbole de la fierté de l'industrie pétrolière du Maroc disparaît subitement. Personne ne pouvait deviner ni augurer de l'événement qui allait secouer le secteur des hydrocarbures au Maroc. Car, c'est quand même étonnant de voir une raffinerie vouloir arrêter son activité à cause des problèmes financiers, au moment où toutes les raffineries du monde connaissent une véritable embellie après l'effondrement des cours de baril de pétrole ! Lors de sa privatisation, le contrat de vente procurait à la raffinerie un modèle de gestion presque unique au monde : elle avait le monopole de livraison des produits pétroliers raffinés et bénéficiait d'un coefficient d'adéquation lui permettant d'amortir les fluctuations des niveaux des prix des produits raffinés sur le marché international. En contrepartie, la SAMIR devait investir pour améliorer le rendement des unités de raffinage visant à atténuer son déficit en gazole et garantir des produits pétroliers raffinés répondant aux spécifications internationales. Ce n'est qu'en 2010 que le complexe hydrocraqueur sera mis en service. La société Corral avait promis d'apporter des mille et des cents. On espérait avoir un outil de raffinage pérenne et un approvisionnement sécurisé des aléas du marché international. Hélas, rien de cela ne se produisit. La SAMIR qu'on croyait avoir une indéfectible assise financière s'est avérée n'être qu'un colosse aux pieds d'argile : les droits de douane non payés se montent à 13 milliards de dirhams, le crédit bancaire à 10 milliards de dirhams et le montant des divers impôts non payés s'élève à 1,5 milliard de dirhams. Du jamais vu !! Même la promesse d'un apport en devise n'a toujours pas été honorée. Privatisée en 1997 et après 18 ans de loyaux services, l'unique raffinerie du pays s'est brusquement arrêtée au début du mois d'août 2015. Le secteur de la distribution des produits pétroliers, quant à lui, a fait montre de sa compétence et de son savoir-faire pour combler le déficit occasionné par l'arrêt de la raffinerie. Mais le problème risque de se poser avec acuité ; si qu'à Dieu ne plaise, la fermeture de la raffinerie perdure. Devant ce problème qui allait compromettre l'approvisionnement du pays en produits pétroliers, le ministère chargé de l'Energie et des Mines estime n'avoir aucun rôle à jouer pour rétablir la situation. Le ministre semble ignorer sa mission, qui constitue, au fait, la raison d'être de ce département. La fermeture de la raffinerie révèle un manque de vision claire sur le secteur des hydrocarbures au Maroc. La SAMIR devrait continuer son activité de raffinage et régler, dans la foulée, ses problèmes financiers. De son côté, l'Etat ne devrait pas empêcher l'accostage des bateaux de pétrole brut destiné à la raffinerie. Maintenant ce qui est fait est fait, la raffinerie est à l'arrêt. Les livraisons des produits pétroliers raffinés sont suspendues, le personnel de la SAMIR est inquiet de son avenir. Il faut se rendre à l'évidence que l'intransigeance n'a jamais payé. "Quand le vin est tiré, il faut le boire", dirait Paul Stevens. L'enjeu est très important. Par conséquent, il est judicieux de négocier calmement avec le management de la SAMIR pour la réouverture de la raffinerie. Le maintien de la raffinerie sur le territoire national est essentiel pour assurer la sécurité d'approvisionnement du pays en produits pétroliers. Et chacun de nous doit prendre conscience que l'alternative d'une disparition de la raffinerie au Maroc peut se révéler dramatique : le pays sera alors à la merci des importateurs qui peuvent imposer des contraintes de prix en agissant eux-mêmes sur le calendrier des importations. Le litige qui oppose récemment une société de distribution des produits pétroliers et la direction générale de la RAM, sur le problème du prix du kérosène, est un exemple édifient "A quelque chose malheur est bon". On reviendra à nouveau à la table de négociation pour rediscuter les termes de l'accord de privatisation de la SAMIR. On essayera de trouver une solution à ses problèmes financiers et d'arrêter une nouvelle stratégie d'approvisionnement du pays en produits pétroliers. Cette stratégie définira la quote-part des livraisons SAMIR et celle des importations à réaliser par le secteur de la distribution pour les besoins du marché national. Il est certain que notre politique énergétique se focalise actuellement sur les énergies renouvelables qui ne sont pour le moment qu'un apport d'appoint pour nos besoins énergétiques actuels. Cependant, nous continuerons à avoir un grand besoin des énergies fossiles pour l'économie nationale. Pour ce faire, nous devons, d'une main, sauvegarder notre outil de raffinage et développer davantage la recherche pétrolière tout en brodant, de l'autre main, notre réseau des énergies renouvelables qui resteront un atout stratégique pour la deuxième moitié du vingt-unième siècle.